RDC – Théodore Mugalu : « Si Kabila se prononce sur sa candidature, cela va susciter d’autres problèmes inextricables »

De passage à Paris, Théodore Mugalu, directeur de la Maison civile du chef de l’État congolais, est revenu pour Jeune Afrique sur le dialogue politique convoqué par le président Joseph Kabila, mais dont le début se fait toujours attendre.

Théodore Mugalu, chef de la Maison civile du président de la RD Congo, le 18 juillet 2016 à Paris. © DR

Théodore Mugalu, chef de la Maison civile du président de la RD Congo, le 18 juillet 2016 à Paris. © DR

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Publié le 17 août 2016 Lecture : 4 minutes.

Partira, partira pas ? À quatre mois de la fin de son second et dernier mandat constitutionnel, Joseph Kabila entretient le suspense autour de son avenir politique. Le chef de l’État congolais répète toutefois qu’il passera les rênes du pays au prochain président élu. Problème : la date de la tenue du scrutin présidentiel – initialement prévue le 27 novembre – constitue aujourd’hui un grand mystère.

En attendant, Joseph Kabila appelle au dialogue. Mais ses principaux opposants, Étienne Tshisekedi et Moïse Katumbi en tête, boudent. Comment décrisper le climat politique et conduire le pays vers des élections apaisées dans les délais constitutionnels ? Pour le pasteur Théodore Mugalu, directeur de la Maison civile du chef de l’État congolais et ancien ambassadeur de la RD Congo en Tanzanie, les acteurs politiques doivent avant tout privilégier l’intérêt général. Joseph Kabila compris ? Entretien.

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Jeune Afrique : Près d’une année après sa convocation par le chef de l’État, le « dialogue politique national inclusif » n’a toujours pas démarré. Peut-on dire que Joseph Kabila ne parvient pas à convaincre la classe politique congolaise ?

Théodore Mugalu : Le président Kabila n’arrive pas à convaincre l’espace politique, mais il a convaincu le peuple congolais. Nuance. Parmi les opposants qui ne veulent pas écouter le chef de l’État, il y a trop de vieillards. Mais l’alternance qu’ils ne cessent de réclamer ne se fera pas des jeunes aux vieux, mais des jeunes aux jeunes. Tel est le vœu des pères de l’indépendance qui, à travers la dernière strophe de notre hymne national, nous demandent de léguer le serment de liberté à la postérité.

La maladie de cet espace politique remonte en fait à l’indépendance même du pays, le 30 juin 1960. Le Congo est né infirme constitutionnellement. Il n’y a jamais eu de table ronde constitutionnelle. C’est pourquoi le règlement de cette crise nécessite que l’on se mette ensemble, que chacun sacrifie ses intérêts personnels pour ne considérer que ceux de la nation.

C’est Tshisekedi qui aurait dû appeler au dialogue, pas son petit-fils Joseph Kabila

Même l’opposant historique Étienne Tshisekedi, avec qui le pouvoir a eu des négociations préliminaires, rejette finalement les pourparlers tels que convoqués par le président Kabila…

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La question de sa participation à ces pourparlers ne mérite même pas de se poser. Étienne Tshisekedi a l’obligation d’y prendre part. D’autant qu’il est du devoir de nos leaders politiques de donner la paix au peuple. Or pour qu’il y ait la paix, il faut dialoguer. Ayant connu la table ronde et fort de sa grande expérience politique, c’est Tshisekedi qui aurait dû appeler au dialogue, pas son petit-fils Joseph Kabila.

Pour l’instant, l’opposition récuse Edem Kodjo, facilitateur de l’Union africaine, et exige la libération des prisonniers politiques et l’arrêt des poursuites contre des opposants. Qu’en pensez-vous ?

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Le dialogue est la respiration même de la démocratie. Il est inconditionnel. Il ne peut pas y avoir des conditions pour dialoguer. Libération des prisonniers politiques ? Le président Kabila en a déjà libéré à plusieurs reprises.

Quelqu’un qui a violé, incendié des maisons ou commis des crimes contre l’humanité doit-il être libéré pour participer au dialogue ? Nous devons lire la Constitution et les lois du pays. Mais si pendant le dialogue, nous constatons qu’il faut libérer telle ou telle autre personne – comme on avait libéré Lumumba à Kisangani pour qu’il puisse participer à la table ronde de Bruxelles en 1960 -, pourquoi le président refuserait-t-il de gracier ?

À mon avis, ce dialogue doit également avoir comme participants de base les serviteurs de Dieu, les sacrificateurs, pour nettoyer les cœurs de nos politiques. C’est désormais un dialogue pour que la Constitution puisse retrouver son autorité morale, sans laquelle il est impossible d’accorder nos violons. Nous devons élever le débat afin d’appeler le Congolais à aimer son pays avant son époux, ses enfants, sa famille.

Pour décrisper le climat politique, le président Kabila ne devrait-il pas annoncer qu’il ne compte pas briguer un nouveau mandat à l’issue de son dernier quinquennat constitutionnel ?

Glisser, c’est anticonstitutionnel, mais rester est constitutionnel.

La Constitution ne l’oblige pas à le faire. Même en France, rien n’oblige le président François Hollande à dire s’il sera, ou pas, candidat en 2017. Ce débat est donc un faux fuyant. La Constitution dit que le président actuel reste en place jusqu’à ce qu’un nouveau soit élu. Elle ne dit pas que le président « glisse » : glisser, c’est anticonstitutionnel, mais rester est constitutionnel.

Léon Kengo wa Dondo par exemple est resté [à la tête du Sénat] au-delà de son mandat. Il n’a pas glissé, il est resté dans la Constitution. Il en sera de même du président de la République. La Constitution, c’est la fille aînée du chef de l’État. Il la respectera : il n’y aura pas de troisième mandat. Mais si le président Kabila se prononce sur sa candidature, cela ne va susciter que d’autres problèmes inextricables dans tous les camps. Même au sein de la majorité, les gens – surtout ceux qui veulent être dauphins – risquent de s’entre-tuer.

Que pensez-vous de récents propos de certains responsables du PPRD, principale formation de la coalition au pouvoir, qui ont évoqué l’hypothèse d’un référendum pour modifier ou changer la Constitution ?

Nous sommes en démocratie. Chacun est libre de dire ce qu’il veut tant que cela reste conforme à l’absolu qui est la Constitution. Joseph Kabila, lui, n’a jamais dit qu’il était candidat pour un troisième mandat. Il n’a pas non plus appelé à un référendum. Ce dernier n’est pas une question individuelle mais nationale. Il faudra suivre la procédure édictée par la Constitution.

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