Gabon – Pierre-Claver Maganga Moussavou : « Il n’est pas question que je me rallie à qui que ce soit »
Programme électoral, union de l’opposition, ambiance de campagne… À quelques jours de l’élection présidentielle au Gabon, le 27 août prochain, les candidats qui affronteront Ali Bongo Ondimba expliquent leurs propositions à Jeune Afrique. Deuxième à s’exprimer : Pierre-Claver Maganga Moussavou, du Parti social-démocrate (PSD).
À 64 ans, le maire de Mouila et ancien ministre d’Omar Bongo Ondimba sera à nouveau sur la ligne de départ le 27 août prochain. Déjà candidat lors des derniers scrutins, Pierre-Claver Maganga Moussavou a refusé de se ranger derrière la candidature de Jean Ping après les ralliements mardi 16 août de Guy Nzouba-Ndama et Casimir Oyé Mba. Il s’en explique.
Jeune Afrique : Pourquoi ne pas avoir rejoint la candidature de Jean Ping, comme l’ont fait Guy Nzouba-Ndama et Casimir Oyé Mba ?
Pierre-Claver Maganga Moussavou : Il n’est nullement question que je me rallie à qui que ce soit. Je suis candidat et je le resterai jusqu’au bout. Nous sommes en campagne, je ne peux pas lâcher mes électeurs pour prendre part à ces discussions. Ce serait faire preuve de beaucoup de légèreté. Si j’avais dû m’associer aux autres, il aurait d’abord fallu que je tienne un congrès, que je dise à mon parti ce qu’il en est et qu’une décision soit prise en ce sens.
Par ailleurs, ce sont d’anciens pédégistes [membre du Parti Démocratique Gabonais, PDG, au pouvoir, NDLR]. Je suis dans l’opposition depuis 1990. Si des gens doivent se rallier à une candidature, c’est à la mienne. Nous n’allons pas chasser les Bongo pour retrouver, d’une certaine manière, d’autres Bongo. Mais c’est une bonne nouvelle que des gens de la même écurie aient pu se regrouper.
Nous avons besoin de deux ou trois candidatures fortes pour enrayer celle d’Ali Bongo Ondimba. Une seule candidature de l’opposition, avec une faible représentativité à travers le Gabon, ne peut pas empêcher la réélection d’Ali Bongo.
C’est-à-dire ?
L’opposition perd de vue ce que représente le vote chez nous. Nous pouvons le déplorer, mais il faut se rendre à l’évidence : le vote est encore en grande partie géo-ethnique. Si Guy Nzouba-Ndama avait maintenu sa candidature, l’Ogooué-Lolo [la province de naissance de Guy Nzouba-Ndama, NDLR] aurait sans doute massivement voté pour lui, ce qui aurait réduit les chances d’Ali Bongo. Je doute qu’il y ait dans l’Ogooué-Lolo un report de voix en direction de Jean Ping. Mais attendons de voir.
L’opposition est-elle en ordre de bataille pour remporter l’élection ?
L’opposition gabonaise se perd souvent en conjectures. Aujourd’hui, son problème essentiel est d’avoir de bons scrutateurs dans les bureaux de vote pour garantir les résultats qui sortiront des urnes. En dehors de cela, il n’y a pas de salut.
Si vous êtes élu, quelle serait votre première mesure ?
Inviter les Gabonais à se réapproprier les valeurs qui font une grande nation : l’effort, le courage, l’esprit d’initiative et l’esprit d’abnégation. Ensuite, je mettrai tout de suite en place la provincialisation pour doter les structures décentralisées de moyens. Je propose d’éradiquer un système qui a fait beaucoup de mal au Gabon, qui a créé un monstre avec une grosse tête et des membres squelettiques, ce qui fait que l’intérieur du pays est mal desservi. Les gouverneurs des provinces recevront 20 milliards par an. Un dixième du budget de l’État sera par ailleurs accordé à la décentralisation pour que les collectivités locales puissent jouer leur rôle.
Le Gabon va-t-il mieux en 2016 qu’en 2009 ?
Le Gabon est un pays gravement malade. Il ne va pas mieux aujourd’hui et nous constatons un net recul par rapport aux pays de la sous-région.
Comment qualifieriez-vous l’ambiance de cette campagne électorale ?
Il y a beaucoup d’iniquité. Il n’y a pas de financement des candidatures, pas de protection des candidats. Et les préfets osent interdire aux candidats les places publiques. Tout ceci alimente les tensions. Cela démontre une certaine nervosité : le pouvoir sent que la population ne va pas dans son sens, c’est pourquoi il se comporte ainsi.
Le Gabon est-il selon vous toujours trop dépendant du pétrole ?
Le Gabon est dépendant de ses matières premières et ne dispose pas de la technostructure nécessaire à la maîtrise de ses richesses. La diversification est une impérieuse nécessité.
Êtes-vous partisan d’une réforme électorale ?
Bien sûr ! J’ai participé à la conférence nationale, aux accords de Paris… Il va de soi que si je suis élu président, je rétablirai un scrutin à deux tours, et le mandat sera renouvelable une seule fois.
En matière de diplomatie, quel partenaire souhaiteriez-vous privilégier, si vous accédiez au pouvoir ?
Je n’en privilégierai aucun : j’inviterai tous les partenaires qui veulent aider au développement du Gabon. Nous avons besoin d’une politique de co-développement : tous ceux qui veulent y participer sont les bienvenus et le Gabon a intérêt à avoir beaucoup d’amis. Bien entendu, nos amis de toujours comme la France, les États-unis et d’autres pays sont les bienvenus et auront toute leur place.
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