Ce jour-là : le 28 août 2000, les accords d’Arusha donnent un espoir de paix au Burundi

Réunis en Tanzanie le 28 août 2000 pour trouver une solution à la crise qui endeuille le Burundi depuis sept ans, de nombreux chefs d’État, dont le président des États-Unis, espèrent que cette date représentera une véritable porte de sortie. 16 ans plus tard, cependant, l’actualité burundaise vient nous rappeler que la guerre civile peut resurgir à chaque instant.

Pierre Buyoya, ancien président de la République du Burundi. © Vincent Fournier/JA

Pierre Buyoya, ancien président de la République du Burundi. © Vincent Fournier/JA

Publié le 29 août 2016 Lecture : 4 minutes.

Arusha, dans les hauteurs du nord de la Tanzanie, le 28 août 2000. Un aréopage d’hommes d’État parmi lesquels Yoweri Museveni, Laurent-désiré Kabila, Gnassingbé Eyadema, Paul Kagamé ou Bill Clinton, sont au chevet du Burundi. Julius Nyerere menait, depuis 1998 déjà, des négociations avec les parties burundaises pour tenter de mettre fin à une guerre civile qui a débuté cinq ans auparavant. Désormais ce n’est plus le Mwalimu (surnom donné au père de la nation tanzanienne) qui joue les médiateurs, mais Nelson Mandela, qui lui a succédé en décembre 1999, deux mois après son décès.

Depuis plusieurs jours, l’ambiance est électrique parmi les délégations présentes à Arusha. La mise en oeuvre de l’accord, dont les termes provisoires ont été accouchés au forceps, divise encore les parties. Mais l’aura et la fermeté de Madiba auront raison des dernières résistances burundaises. C’est lui qui a clairement imposé la signature des accords à la date du 28 août, sans quoi, selon lui, rien ne sera jamais signé. Longue de sept années, la guerre civile a déjà fait 300 000 morts selon les estimations.

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1993 : la guerre civile éclate

Le Burundi, tout comme son voisin le Rwanda, a été marqué par la hiérarchisation des ethnies produite par les autorités coloniales belges. Dans un pays peuplé à majorité de Hutus, le pouvoir échoit aux élites tutsies à l’indépendance, en 1962. De violents affrontements ethniques se produisent déjà dans les années 1960 et 1970. Le 10 juillet 1993, à la faveur de la démocratisation du pays initiée par le président Pierre Buyoya (d’origine tutsie), Melchior Ndadaye (d’origine hutue), arrive à la présidence.

Mais le mandat du premier chef d’État élu démocratiquement au Burundi ne sera que de courte durée. Ndadaye trouve la mort dans le coup d’État qui le renverse dans la nuit du 20 au 21 octobre 1993. Le pays s’enfonce alors dans de nouveaux massacres ethniques puis dans la guerre civile. Des milices hutues se forment pour affronter l’armée, très largement composée et dirigée par des Tutsis.

Tandis que la guerre civile s’étend et se durcit dans le pays, le gouvernement tente de mettre un terme aux violences, sans succès. En 1994, Cyprien Ntaryamira, nouveau président (par intérim) et Hutu, prend ses fonctions. Il trouvera tragiquement la mort dans le crash de l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, événement qui marque le début du génocide des Tutsis au Rwanda.

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Les coup d’État se succèdent au Burundi, entraînant la mise du pays sous embargo lors de la prise de pouvoir de Pierre Buyoya en 1996. Cependant, les sanctions internationales sont rapidement levées lorsque Pierre Buyoya annonce la création d’un gouvernement pluriethnique et nomme à la vice-présidence un Hutu : Domitien Ndayizeye. La guerre civile s’atténue et une sortie de crise semble s’esquisser avec le début des négociations initiées par Nyerere en 1998.

Les limites d’Arusha

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Le 28 août 2000, ce sont donc 19 parties qui signent un pacte historique constituant la première étape d’un processus de paix. D’un côté, le gouvernement burundais à majorité tutsie et de l’autre, pléthore de mouvements et milices hutus. Un gouvernement de transition est formé, à la tête duquel Pierre Buyoya continue d’occuper son poste de président pendant 18 mois, pour ensuite laisser sa place au vice-président Domitien NdayizeyePour de nombreux observateurs, cependant, les accords d’Arusha, acquis à l’arraché, ne garantissent pas à 100% un avenir pacifique pour le Burundi.

Et pour cause. Le contenu des accords, qui développe quatre grands axes, est très ambitieux : tout d’abord, permettre le partage équitable du pouvoir entre les Hutus, les Tutsis et les Twas (groupe ethnique ultra-minoritaire au Burundi), conformément à leur poids démographique. Puis il prévoit une réforme totale de l’armée, ainsi que l’établissement de la responsabilité des différentes communautés dans les événements tragiques survenus depuis l’indépendance, et enfin la mise en place de garanties pour rendre viables et pérennes les accords, comme la présence d’observateurs internationaux (OUA, ONU…).

Preuve qu’en août 2000, rien n’est vraiment acquis, le bruit des armes ne cesse pas immédiatement dans les collines burundaises en dépit de la signature des accords. La normalisation du pouvoir politique doit ainsi être menée de front avec le désarmement des dernières milices : le CNDD-FDD de Pierre Nkurunziza ne déposera les armes qu’en novembre 2003 et le FLN d’Agathon Rwasa seulement… en avril 2009.

Entre-temps, le 19 août 2005, par le biais d’un scrutin à suffrage indirect, Pierre Nkurunziza, alors leader du CNDD-FDD devenu un parti politique, est élu président de la République pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois. Mais au bout de deux mandats, celui-ci remettra en cause les principes et accords d’Arusha, notamment en ce qui concerne les quotas d’ethnicité dans la fonction publique ou encore sa réélection contestée pour un troisième mandat en 2015. Depuis, le pays est confronté à une nouvelle crise politique. Et Arusha est redevenu le théâtre de négociations pour tenter de conjurer le spectre de la guerre civile qui resurgit dans le pays.

Retrouvez ci-dessous l’article de Nicolas Botti, publié dans le n°2069 de Jeune Afrique du 1er au 5 septembre 2000. N’hésitez pas à agrandir la fenêtre pour un plus grand confort de lecture en cliquant sur le bouton en bas à droite.

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