Paris « capitale du monde » avec une marche historique contre le terrorisme

  Paris, « capitale du monde » contre le terrorisme: des centaines de milliers de personnes et une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement convergeaient dimanche en début d’après-midi pour une marche immense et inédite d’hommage aux 17 personnes tuées par trois jihadistes français.

Manifestants place de la République le 11 janvier 2015 à Paris. © AFP

Manifestants place de la République le 11 janvier 2015 à Paris. © AFP

Publié le 11 janvier 2015 Lecture : 5 minutes.

Dirigeants du monde entier, personnalités, partis, syndicats, groupes religieux juifs, chrétiens, musulmans, associations mais surtout simples citoyens constituent cette foule monstre. Tout semble ainsi réuni pour faire du 11 janvier, avec sa marche républicaine, un jour historique.

"Paris est aujourd’hui la capitale du monde", a salué François Hollande à la mi-journée. "Le pays tout entier va se lever vers ce qu’il a de meilleur".

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La place de la République, lieu de départ de la manifestation, était déjà noire de monde avant le début officiel du début de la marche (15H00), sous très forte surveillance policière. De partout dans Paris et particulièrement aux abords de la place convergeaient des milliers de personnes, rapportent des journalistes de l’AFP, avec des métros complètement saturés.

Des milliers de personnes s’étaient amassées autour de la statue centrale de la place, avec de nombreuses pancartes "Je suis Charlie". "Charlie, Liberté!", scandait la foule, où flottaient de nombreux drapeaux français vendus à la sauvette, mais aussi étrangers. La Marseillaise s’est élevée à plusieurs reprises, "Charlie!" répond la foule quand des meneurs crient "Vous êtes qui?". Mais c’est le silence et le calme qui dominent l’essentiel du rassemblement en début de manifestation.

C’est "un vrai signe de la force de la France. Que la France, elle est forte, elle est unie contre toutes ces personnes" extrémistes, se réjouit Lassina Traoré, un Français de 34 ans de confession musulmane venu très en avance.

Sommet diplomatique

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Cette marche était au départ un hommage aux victimes des trois jihadistes revendiqués, à commencer par les irrévérencieux dessinateurs de Charlie Hebdo massacrés mercredi, puis une jeune policière tuée jeudi, et quatre juifs assassinés dans une supérette casher vendredi.

Mais c’est aussi devenu un sommet à haute résonance diplomatique. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, le président palestinien Mahmoud Abbas et le couple royal jordanien seront présents, de même que le président ukrainien, Petro Porochenko, et le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

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Avant M. Hollande, seul un président français avait déjà participé à une manifestation de rue: François Mitterrand, en 1990, après la profanation du cimetière juif de Carpentras.

Le défilé, avec deux parcours pour permettre de drainer la foule immense, se tient entre République et Nation, deux grandes places de l’est parisien distantes de trois kilomètres.

Participent les plus hauts dirigeants européens, d’Angela Merkel à David Cameron, de Mariano Rajoy à Jean-Claude Juncker en passant par Matteo Renzi, ainsi que huit présidents africains. Des dirigeants plus controversés, comme Viktor Orban (Hongrie) ou Ali Bongo (Gabon), ont aussi fait le voyage. La Turquie est représentée par son Premier ministre, Ahmet Davutoglu.

Vous êtes qui? Charlie!’

Au total, ce sont près de 50 dirigeants étrangers qui se sont retrouvés à l’Elysée en début d’après-midi avant de rejoindre la manifestation avec François Hollande, en cars. Le gouvernement français au grand complet sera bien sûr présent.

Du côté des anciens présidents, si Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac ont décliné, Nicolas Sarkozy sera bien présent. Et les ex-chefs de gouvernement seront au complet, de Michel Rocard à Jean-Marc Ayrault, en passant par Alain Juppé ou Lionel Jospin.

A l’Elysée, même si on salue "la mobilisation internationale exceptionnelle" et l"’union nationale", on assure qu’il s’agit d’abord du "rassemblement du peuple français". Ce que confirme un sondage Ifop Paris Match: 97% des Français jugent nécessaire de faire preuve d’unité nationale après les attentats.

Des familles sont venues également. "Ceux qui ont un fusil et qui tuent des gens sont lâches", explique Jean-Alain, 39 ans, à son fils Alessandro, 7 ans, sur la place de la République. "On voulait venir ici pour que ce soit concret pour lui, qu’il voie qu’on pense tous la même chose", explique le père.

Un panneau signalétique collé sur la statue centrale rebaptise la grande place parisienne "Place de la liberté d’expression". Tous les panneaux publicitaires sur le parcours affichent "Je suis Charlie".

"Vous voyez mes cheveux blancs? Je n’ai pas manifesté depuis mai 68 parce que j’en ai trop fait (des manifs) à l’époque. Mais, cette fois-ci, c’est trop important: j’y vais", expliquait dans la matinée, les larmes aux yeux, Chantal, retraitée de 65 ans croisée par l’AFP dans le XIe arrondissement tout proche.

Les familles des victimes, qui ont mis sur la tête des bandeaux blancs "Charlie", marcheront en tête. Suivront le chef de l’Etat et les hôtes étrangers, puis les personnalités politiques françaises.

Les journaux français ont lancé cette journée avec un appel unanime d’unité: "Marcher contre la terreur" (Le Monde), "Le monde se lève" (JDD), "Ensemble" (Aujourd’hui en France/Le Parisien). Libération paraît exceptionnellement avec en Une le "Je suis Charlie" emblématique de la mobilisation des Français.

Tous les partis sont représentés dans le cortège parisien, à l’exception du Front National. Marine Le Pen, qui n’a pas été invitée formellement, a appelé à manifester en province et non à Paris. Elle sera à Beaucaire (Gard), une mairie d’extrême droite.

200 000 personnes attendues à Lyon 

De nombreux rassemblements ont également lieu ailleurs en France, notamment à Lyon, Bordeaux, Saint-Etienne (60.000 participants) ou encore Reims. Mais de fortes mobilisations sont également rapportées dans des villes plus petites.

A Lyon, où plus de 200.000 personnes sont attendues, de nombreuses personnes étaient en larmes, dans une ambiance très silencieuse. "Jean Ferrat disait +aimer à perdre la raison+, moi je dis +ému à perdre la raison+", confie un manifestant. Un homme brandit devant les caméras, nombreuses, 4 crayons de couleur "qui représentent mes 4 petits enfants, je veux que plus tard ils aient la liberté d’expression".

Comme samedi, des rassemblements doivent aussi avoir lieu à l’étranger, à Londres, Berlin ou Madrid notamment.

A Paris, le record depuis la Libération est pour l’heure détenu par la liesse collective de quelque 1,5 million de personnes dans les rues de la capitale pour la victoire au Mondial de football de 1998.

Sur fond de plan Vigipirate en "alerte attentat", les mesures de sécurité sont draconiennes avec 2.200 hommes mobilisés, 10 stations de métro fermées, le stationnement interdit. Plus de 3.300 autres sont chargés de protéger les sites sensibles (médias, lieux de culte, écoles confessionnelles, bâtiments publics, ambassades…), alors que l’enquête sur les attentats se poursuit.

Dimanche matin, en Allemagne, un quotidien de Hambourg, qui avait publié des caricatures de Mahomet venant de Charlie Hebdo, a été la cible d’une attaque avec un engin incendiaire, sans qu’il y ait de blessés.

La couverture médiatique s’annonce elle aussi exceptionnelle: plus de 1.000 journalistes sont accrédités.

Contrôles aux frontières

A l’Elysée, François Hollande a d’abord reçu dimanche matin, avec Manuel Valls, les représentants de la communauté juive, toujours plus inquiets après la prise d’otages sanglante, porte de Vincennes, vendredi.

En soutien, le président Hollande se rendra également à 19H00 à la Grande synagogue de Paris, rue de la Victoire.

Chargé de sécuriser le cortège monstre – sur fond de nouvelles menaces formulées contre la France – Bernard Cazeneuve, a lui conduit en fin de matinée une réunion internationale sur le terrorisme avec 11 ministres de l’Intérieur européens et le ministre américain de la Justice, Eric Holder.

Ils ont lancé un appel à renforcer les contrôles des mouvements aux frontières extérieures de l’Union européenne. Et jugé "indispensable" le partenariat avec les opérateurs de l’internet pour identifier et retirer rapidement les "contenus incitant à la haine et à la terreur".

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