Kenya : pourquoi le gouvernement plafonne les taux d’intérêts bancaires

Cette mesure est censée répondre aux « frustrations des Kényans au sujet du coût du crédit », selon le président Uhuru Kenyatta. Elle est vivement contestée par l’industrie bancaire et les analystes financiers.

Le texte signé le 24 août par le président Uhuru Kenyatta réglemente les taux d’intérêt applicables aux prêts et aux dépôts bancaires. © Uhuru Kenyatta/Facebook

Le texte signé le 24 août par le président Uhuru Kenyatta réglemente les taux d’intérêt applicables aux prêts et aux dépôts bancaires. © Uhuru Kenyatta/Facebook

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Publié le 26 août 2016 Lecture : 3 minutes.

« Les banques doivent faire davantage pour réduire le coût du crédit et veiller à ce que les bénéfices de [notre] dynamique secteur financier soient également ressentis par leurs clients ! ». C’est le message adressé aux secteur bancaire et financier kényans par le président Uhuru Kenyatta, dans un communiqué publié le mercredi 24 août, après la signature d’une loi assez controversée.

Taux maximum et rémunération minimale

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Le texte signé par le chef de l’État kényan réglemente les taux d’intérêt applicables aux prêts et aux dépôts bancaires. Dans le cadre de la nouvelle loi : les taux d’intérêts des prêts bancaires sont plafonnés à quatre points de pourcentage au-dessus du taux de référence de la Banque centrale du Kenya, qui est aujourd’hui de 10,5 %, tandis que les dépôts des épargnants devront être rémunérés à hauteur d’au moins 70 % du taux de référence. Aujourd’hui, certaines banques kényanes imposent des taux d’intérêts de l’ordre de 18 % sur leurs prêts, tandis que les taux de rémunération des dépôts sont souvent inférieurs à 5 %, rappelle le quotidien britannique The Financial Times.

Les marchés financiers n’ont pas tardé à réagir à ces nouvelles réglementations, craignant une baisse de la rentabilité des banques kényanes et s’interrogeant sur la mise en oeuvre pratique de la nouvelle loi.

Hier, jeudi 25 août, les actions de KCB Group, maison-mère de la plus grande banque du Kenya en termes d’actifs, ont chuté de -8,4 % à 30 shillings, leur plus bas niveau en quatre ans.

Idem pour plusieurs grandes banques kényanes, qui ont connu un « jeudi terrible » à la Bourse de Nairobi, selon Daniel Kuyoh, analyste principal des investissements du gestionnaire Alpha Africa Assets, cité par Reuters.

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Dans son message, le président kényan a dit comprendre les craintes du secteur bancaire et les difficultés présentées par la nouvelle loi, notamment le risque que « le crédit devienne inaccessible pour certains consommateurs, l’émergence éventuelle de mécanismes de prêts informels et de prêts à des conditions abusives ».

L’exécutif kényan entend « suivre de près ces difficultés, en particulier en ce qui concerne les segments les plus vulnérables de notre population ».

Promesses électorales

Pour autant, le président Kenyatta est resté ferme quant au besoin de réglementer l’accès au crédit dans le pays d’Afrique de l’Est, à un an de l’élection générale de 2017.

La « Jubilee Alliance », la coalition électorale qui a porté Uhuru Kenyatta et William Ruto (vice-président du Kenya) au pouvoir en 2013, a fait de la réduction du coût du crédit une de ses promesses phares.

Sa plateforme comportait notamment l’engagement à « réduire le coût du crédit d’au moins 50 % du taux commercial (pour les agriculteurs et les éleveurs) et à améliorer l’accès au crédit à travers la consolidation , la rationalisation et la capitalisation des institutions financières du secteur agricole et de l’élevage ».

Rendements des capitaux

Dans son message du 24 août, le président Kenyatta a rappelé que le texte adopté fin juillet par le Parlement kényan, représente la troisième tentative de réduction des taux d’intérêt à des niveaux abordables.

« Dans les deux cas précédents, le dialogue et les promesses de changement ont prévalu et l’introduction des plafonds de taux a été évitée. […] Mais les banques n’ont pas été à la hauteur de leurs engagements et les taux d’intérêt ont continué d’augmenter en même temps que les écarts entre les taux de dépôt et de prêt », a souligné le chef de l’État kényan.

Ce dernier a également rappelé que « les rendements des capitaux propres des banques kényanes sont parmi les plus élevés du continent africain ».

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Par ailleurs, les marges nettes des taux d’intérêts de l’industrie bancaire kényane n’ont cessé de progresser depuis 2009 (elles atteignaient 11,4 % en juin 2016), parallèlement à un net recul du ratio coûts-revenus, comme le montre le graphique ci-dessous.

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