Le jihadisme comme arme de séduction ?

Il y a des avocats qui ne manquent pas d’aplomb.

Combattants de l’État islamique, à Raqqa, photo mise en ligne par un militant en janvier 2014. © Uncredited/AP/SIPA

Combattants de l’État islamique, à Raqqa, photo mise en ligne par un militant en janvier 2014. © Uncredited/AP/SIPA

Fouad Laroui © DR

Publié le 2 septembre 2016 Lecture : 2 minutes.

On se souvient de ce baveux parisien qui, ayant à défendre un homme qui avait massacré ses parents, essaya d’amadouer les jurés en soulignant que son client était désormais orphelin… Il y eut aussi ce lawyer américain accusé d’avoir détourné de l’argent de son cabinet et qui affirma qu’il s’agissait d’un prêt autorisé… par lui-même. Et puis, il y a le regretté Jacques Vergès, qui transformait le procès de n’importe lequel de ses clients en mise en accusation de l’État français, du système capitaliste mondial, de l’espèce humaine tout entière.

J’ai pensé à tous ces cas d’hubris en lisant le compte rendu du procès d’un Marocain accusé, aux Pays-Bas, d’avoir fait allégeance au pseudo-calife Iznogoud, d’avoir menacé l’urbi et l’orbi et d’avoir préparé de sinistres attentats dans son terrier.

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Son avocat, qui avait peut-être fumé un tapis marocain avant l’audience, a eu le front de proposer l’explication suivante : son client, appelons-le Abdelmoula, réside de façon illégale aux Pays-Bas, où il exerce des petits boulots, à droite et à gauche. Il est timide, scrofuleux et laid comme un pou (la cour est invitée à constater cela de visu), il bégaie ou peut-être zozote-t-il. Bref, mesdames-messieurs, soyez honnêtes : quelle chance a-t-il d’emballer une vertueuse jeune femme avec qui faire sa vie – et accessoirement obtenir une carte de séjour et, dans un jour lointain, un beau passeport couleur grenat aux armes du royaume batave ? Et l’avocat de tonner : « Aucune chance, mesdames-messieurs, aucune ! »

« Donc mon client, le pauvre Abdelmoula, a eu l’idée de se confectionner une image de valeureux guerrier pour se faire remarquer sur Internet par une Daouia ou une Ibtissam des polders, pour l’impressionner par ses déclarations martiales, pour la séduire par son intransigeance de fier jihadiste voué à la destruction de l’Occident pervers.

Il y aurait eu prise de contact, échange de messages, le romantisme aurait petit à petit pris la place des décapitations et des lapidations et, le moment venu, un rendez-vous dans un café d’Amsterdam aurait scellé l’amour éternel entre Abdelmoula et Daouia (ou Ibtissam ou Boulboula, on se fiche bien des prénoms tant que la marchandise est conforme). Un preste mariage eût conclu l’affaire. On n’aurait jamais entendu parler de mon client, régularisé et rangé des voitures. C’est donc la police qui est coupable d’avoir gâché la fête. Au sieur Abdelmoula on ne peut reprocher qu’une imagination débordante. »

Le jihadisme comme arme de séduction ? On se frotte les yeux. Et pourtant, l’affaire est authentique. Un type effroyablement médiocre nous terrorise pour régler ses problèmes personnels, et l’avocat y voit des circonstances atténuantes. Moi, j’y vois plutôt des circonstances aggravantes. Pour la peine, Abdelmoula devrait être envoyé chez Iznogoud pour y chercher l’âme sœur, s’envoyer en l’air avec elle (nous parlons attentat-suicide), et nous laisser vivre en paix…

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