Boko Haram : pourquoi la coopération régionale patine

L’Assemblée nationale tchadienne a autorisé vendredi à l’unanimité l’envoi de soldats tchadiens au Cameroun et au Nigeria pour lutter contre le groupe islamiste Boko Haram. De quoi redynamiser la coopération régionale ?

Le président nigérian Goodluck Jonathan (c) à Maiduguri, le 15 janvier 2015. © AFP

Le président nigérian Goodluck Jonathan (c) à Maiduguri, le 15 janvier 2015. © AFP

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Publié le 16 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Le Parlement tchadien a entériné vendredi 16 janvier l’envoi de soldats tchadiens au Cameroun et au Nigeria dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. Cette annnonce peut-elle relancer la coopération régionale ? La question se pose, car pour l’instant, les initiatives prises tardent à se montrer efficace. Explications. 

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Force régionale

Le 7 octobre, les pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT, qui comprend le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun) et le Bénin annonçaient qu’une force régionale allait voir le jour. Les contingents militaires (700 hommes par pays) devaient être mis en place dès le 1er novembre, et l’état-major être fonctionnel le 20 novembre.

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Aujourd’hui cette initiative est au point mort. La coordination militaire est balbutiante, les structures opérationnelles ne sont pas prêtes. Divergences stratégiques et différents diplomatiques entravent également sa mise en place. Par exemple, le président Paul Biya défend l’idée d’un échange d’informations permettant des interventions coordonnées, mais chacun sur sa partie du lac Tchad, expliquent des sources sécuritaires citées par l’AFP.

Cellule de coordination

Afin d’aider à une meilleure coordination régionale, la France a décidé de s’investir. Une cellule de coopération et de liaison a été créée à Ndjamena, où se trouve le quartier général de l’opération Barkhane. Des officiers de liaisons français (6), anglais, américains, nigériens, nigérians, tchadiens et camerounais sont censés la composer.

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Mais là encore, la phase de rodage s’éternise : le Cameroun, le Nigeria et le Niger manquent encore à l’appel.

Force multinationale (MNJTF)

Une autre initiative régionale existe, il s’agit de la Multinational joint task force (MNJTF). Créée en 1994 par le Nigeria, elle a vu ses attributions étendues en avril 2012 aux opérations antiterroristes. Le Tchad et le Niger y sont associés.

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La perte de Baga au bord du lac Tchad, où se trouvait sa base principale, a démontré son inefficacité. Car, au moment de l’attaque le 3 janvier, les troupes tchadiennes et nigériennes étaient absentes. La raison est simple : les contingents des pays voisins ont été rappelés il y a quelques mois à la suite d’un désaccord avec la politique d’Abuja jugée trop molle face au groupe terroriste.

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La prise de cette importante base militaire située à l’entrée de la ville revêt une importance hautement symbolique. Elle aurait pu "constituer un relais opérationnel clé" dans le dispositif de la nouvelle force régionale, estime Ryan Cummings, spécialiste des questions de sécurité sur le continent africain.

Le Nigeria, le problème ou la solution ?

Si l’aide tchadienne au Cameroun a été décidée avec l’accord de Yaoundé, qu’en est-il du côté d’Abuja ? Certains observateurs se disent surpris de voir le Tchad se prononcer également sur l’envoi de troupe au Nigeria. Car, si un envoyé du gouvernement nigérian s’est récemment rendu à N’Djamena pour rencontrer le président Idris Déby Into, aucune annonce officielle n’a été faite.

"Il semble plus probable que le Nigeria ait refusé l’assistance du Tchad et que Déby veu ille mettre en avant que Goodluck Jonathan entrave la coopération régionale", estime Ryan Cummings.

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Critiqué pour son manque d’initiative, le président nigérian est aujourd’hui en campagne électorale (les élections doivent se tenir en février). "Cette période ne facilite pas le dialogue, explique une source diplomatique suivant ces questions. Le Nigeria est clairement en trêve électorale."

Le comportement de l’armée nigériane est aussi pointé du doigt. Conséquence : Paris est parfois réticent jouer le jeu de la pleine coopération. "Il nous arrive de garder du renseignement sans pouvoir l’utiliser parce qu’on ne sait pas comment l’armée va l’utiliser, admet une source gouvernementale française. Ses normes ne sont pas en adéquation avec les nôtres. Il y a des complicités au Nord avec Boko Haram, y compris familiale."

Constat partagé par les pays voisins. À Baga, "le retrait des forces tchadiennes et nigériennes s’expliquent par le fait qu’une évaluation faite sur le terrain ne permettait pas aux Tchadiens et aux Nigériens d’accomplir leur mission avec l’armée nigériane", affirme sous couvert d’anonymat un officiel tchadien cité par l’AFP, ajoutant : "il y a une sorte de suspicion et l’armée nigériane ne donne pas l’impression de collaborer".

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Par Vincent DUHEM

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