Nigeria : Goodluck Jonathan à Maiduguri, une visite de pré-campagne électorale ?

Le président nigérian a effectué jeudi une visite officielle à Maiduguri, capitale de l’État de Borno dans le nord-est du Nigeria pour témoigner sa compassion aux populations sinistrées par les attaques du groupe islamiste Boko Haram.

Goodluck Jonathan le 15 janvier à Maiduguri. © Olatunji Omirin / AFP

Goodluck Jonathan le 15 janvier à Maiduguri. © Olatunji Omirin / AFP

ProfilAuteur_EdmondDalmeida

Publié le 16 janvier 2015 Lecture : 4 minutes.

Selon les témoins, Goodluck Jonathan est arrivé à Maiduguri (Nord-Est) le 15 janvier vers 15H00 (locales, 14H00 GMT) pour une visite de trois heures organisée dans le plus grand secret. La ville était quadrillée par un important dispositif de sécurité de près de 200 militaires.

Les visites de Goodluck Jonathan dans le Nord sont rares depuis son accession à la présidence du Nigeria le 9 mai 2010. Unique précédent de son mandat : en janvier 2012, il s’était rendu à Kano, secouée par des attaques ayant fait près de 300 morts. En mai 2014, il avait annulé à la dernière minute une visite prévue à Chibok, où près de 200 lycéennes avaient été enlevés quelques jours plus tôt.

la suite après cette publicité

Et c’est dans un contexte particulièrement tendu que le président s’est rendu dans la capitale de l’État du Borno, où du 3 au 7 janvier dernier Boko Haram a mené une vaste offensive -sans la doute la plus sanglante de son histoire – contre plusieurs localités.

Quelle est la raison officielle de ce déplacement, à un mois de la présidentielle ?

Officiellement il s’agissait de visiter les forces armées déployées dans la zone à l’occasion du "Jour du souvenir" dédié à l’armée et à tous les hommes morts pour le pays, célébré chaque 15 janvier au Nigeria. Et Goodluck Jonathan a choisi Maiduguri pour rendre hommage à ses troupes, qui paient un lourd tribut face aux terroristes islamsistes.

Le président souhaitait également rencontrer les nombreuses personnes déplacées après avoir fui les massacres de Boko Haram et leur distribuer du matériel de secours.

la suite après cette publicité

Mais le contexte de la campagne électorale, des élections législatives et présidentielles devant se tenir le 14 février prochain dans le pays, a laissé plus d’un commentateur songeur. Car Goodluck Jonathan, chrétien originaire du Sud du Nigeria, sait qu’il doit conquérir des suffrages chez les musulmans du Nord et se poser en chef de la nation agressée par les terroristes.

>> Lire aussi Boko Haram : pourquoi la coopération régionale patine

Qu’a dit Goodluck Jonathan à Maiduguri ?

la suite après cette publicité

Muhammadu Buhari, le principal adversaire de Jonathan à la présidentielle de février, critique souvent la gestion de la crise sécuritaire dans le nord du Nigeria par le gouvernement. Ancien général, musulman et originaire de Katsina, un État du nord, il est au coude-à-coude dans les sondages avec Goodluck Jonathan qui s’est livré à une véritable opération de charme à l’endroit des militaires et des populations sinistrées du nord du pays.

Accompagné de tout l’appareil sécuritaire du pays, Jonathan a affirmé qu’il allait donner les moyens à l’armée de combattre la secte islamiste Boko Haram avant d’indiquer que "tous les territoires sous contrôle (de Boko Haram) seront bientôt repris".

S’adressant à la population, il a voulu témoigner sa solidarité avec les victimes de Boko Haram. "Le terrorisme et l’insurrection ont été très traumatisant pour nous tous. Je me sens particulièrement troublé quand j’entends que des personnes sont déplacées dans leur propre pays" a-t-il indiqué.

"Je sais que beaucoup de vos maisons ont été détruites. Nous allons vous aider financièrement afin que vous puissiez reconstruire vos maisons et y revenir progressivement", a-t-il promis.

"Je veux vous assurer que vous rentrerez bientôt chez vous", a ajouté le chef de l’État qui est allé à la rencontre de déplacés dans un camp de réfugiés de la ville. Quelque 5 000 survivants de l’offensive contre Baga et ses alentours y sont actuellement installés, selon Médecins sans frontières (MSF).

>> Lire aussi Nigeria : Boko Haram a fait 650 000 déplacés et réfugiés en un an

Comment la presse nigériane a-t-elle réagi ?

Les médias se sont majoritairement montrés critique vis-à-vis du déplacement de Jonathan. Le Daily Post estime par exemple que le président a voulu faire les yeux doux aux militaires puisqu’au même moment son principal rival s’adressait aux troupes pour vanter leur bravoure au combat et pointer le manque de leadership du chef des armées.

Le journal critique également l’important dispositif sécuritaire qui empêchait le président d’aller au contact des populations qu’il était portant venu visiter. Et proteste contre les mesures exceptionnelles de sécurité qui ont par exemple empêché des élèves d’aller aux cours. "De nombreuses routes notamment celles conduisant à l’aéroport étaient totalement bloquées par les forces de l’ordre, empêchant souvent les populations de vaquer à leurs occupations", insiste le quotidien.

Un autre média en ligne, le Premium times avance que Goodluck Jonathan a tenté de parer les critiques en organisant une visite non politique avant les élections. ce qui serait un moyen pour lui de préparer son prochain passage dans certaines villes du nord dans le cadre de la campagne présidentielle. "Les principaux ténors du parti du National Democratic Party (NDP) de M. Jonathan originaires de la région n’ont pas fait le déplacement", a noté le journal pour appuyer son propos.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires