Brésil : Dilma Rousseff destituée, Michel Temer nouveau président
Michel Temer est devenu mercredi le nouveau président du Brésil, quelques heures après la destitution controversée de Dilma Rousseff pour maquillage des comptes publics.
La démonstration de combativité administrée lundi 29 août par Dilma Rousseff, répondant pendant plus de 14 heures au feu roulant de questions des sénateurs, n’était donc qu’un baroud d’honneur. L’ancienne guérillera de 68 ans a été destituée mercredi 31 août et son ancien vice-président, qui a contribué à sa chute, a prêté serment au Sénat.
Michel Temer dirigera donc un Brésil dans la tourmente jusqu’aux prochaines élections législatives et présidentielle fin 2018. Tout aussi impopulaire que sa rivale, il a promis de « remettre le Brésil sur les rails » lors de sa première réunion de cabinet.
« Il faudra en sortir sous les applaudissements des Brésiliens. Cela va être difficile », a reconnu le nouveau président, qui est parti ensuite vers la Chine pour un sommet du G20. « Mon unique intérêt est de remettre à mon successeur un pays pacifié, réconcilié et en croissance économique », a-t-il répété dans une allocution télévisée.
« Coup d’État parlementaire »
Dilma Rousseff, accusée d’avoir maquillé les comptes publics pour camoufler l’ampleur du déficit et d’avoir approuvé trois décrets engageant des dépenses sans le feu vert du Parlement, a réagi avec sur virulence à sa destitution : « Le Sénat a pris une décision qui entre dans l’histoire des grandes injustices. Il a commis un coup d’État parlementaire », a-t-elle dénoncé tout en réaffirmant son innocence. Elle a promis à Michel Temer et ses nouveaux alliés de droite « l’opposition la plus déterminée à laquelle puisse s’attendre un gouvernement de putschistes ».
Une majorité de plus des deux tiers des sénateurs a voté sans surprise pour la destitution de la dirigeante de gauche, première femme avoir été élue à la tête du Brésil en 2010, puis réélue de justesse en 2014. Sur les 81 parlementaires, 61 ont voté pour sa destitution. Seulement 20 ont voté contre.
Dilma Roussef reste éligible à des mandats de parlementaires
« Dilma Rousseff a commis des crimes importants (…), elle a été condamnée et perd ainsi son mandat de présidente de la République », a conclu le président de la Cour suprême (STF) Ricardo Lewandowski, qui dirigeait les débats du Sénat transformé pour l’occasion en tribunal. Dilma Rousseff a en revanche conservé ses droits civiques à la faveur d’un second vote, où la majorité des deux tiers requise pour l’en priver pendant huit ans n’a pas été atteinte.
Seuls 42 sénateurs ont voté pour, 36 contre et 3 se sont abstenus. « Cela signifie qu’elle reste éligible. Elle pourra être candidate à des mandats de sénatrice, de députée, mais pas à la présidence en 2018 puisqu’elle a déjà été élue pour deux mandats consécutifs », a expliqué un universitaire de Rio, Rogerio Dultra dos Santos.
« Nous reviendrons »
« Nous reviendrons », a d’ailleurs promis au nom de la gauche l’ex-dirigeante, s’exprimant depuis sa résidence du palais de l’Alvorada où elle avait suivi le vote en compagnie de son mentor, l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva.
Dans les rues voisines du Congrès, quelques dizaines de partisans de Dilma Roussef ont manifesté, alors que son parti mobilisait les foules par le passé. « Nous venons protester contre le coup d’État et voulons nous battre pour la démocratie », a affirmé Orlando Ribeiro, un fermier de 61 ans.
À Sao Paulo, la police anti-émeute a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser des manifestants. Quelques centaines de personnes ont également manifesté dans le calme dans le centre de Rio de Janeiro, agitant des drapeaux et scandant « Temer dehors! »
Protestations des pouvoirs socialistes d’Amérique du Sud
Englué depuis la réélection de Dilma Rousseff fin 2014 dans une crise politique et économique de magnitudes historiques, sur fond de méga-scandale de corruption, le Brésil, cinquième pays le plus peuplé de la planète, rompt ainsi avec 13 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT) commencés en 2003 par Lula.
D’autres gouvernements de gauche en Amérique latine n’ont pas tardé à réagir : le gouvernement vénézuélien de Nicolas Maduro a annoncé le gel des relations diplomatiques et le rappel de son ambassadeur. En Équateur, le président socialiste Rafael Correa a dénoncé une « trahison » et décidé de rappeler son chargé d’affaires au Brésil, tandis que le gouvernement cubain « rejetait énergiquement le coup d’État parlementaire », également critiqué par la Bolivie d’Evo Morales.
Brasilia a rappelé pour consultations ses ambassadeurs au Venezuela, en Bolivie et en Equateur dans la foulée. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a sobrement « pris note » de la décision du Sénat brésilien dans un bref communiqué et adressé « ses meilleurs vœux » à Michel Temer.
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