Gabon : ce qu’il faut savoir, deux jours après la proclamation de résultats contestés

Après les violents heurts entre forces de l’ordre et manifestants opposés à la réélection d’Ali Bongo Ondimba, la tension n’était pas retombée jeudi 1er septembre. Ce vendredi matin, 26 personnes sont toujours retenues dans le QG de Jean Ping, selon l’AFP. Interpellations, déclaration d’ABO, réactions : Jeune Afrique fait le point.

Des policiers gabonais démontent les barricades d’opposants à Ali Bongo dans les rues proches de l’Assemblée nationale, le 1er septembre 2016 à Libreville. © MARCO LONGARI/AFP

Des policiers gabonais démontent les barricades d’opposants à Ali Bongo dans les rues proches de l’Assemblée nationale, le 1er septembre 2016 à Libreville. © MARCO LONGARI/AFP

Publié le 1 septembre 2016 Lecture : 5 minutes.

Scènes de saccage à Libreville

Au lendemain de la réélection contestée d’Ali Bongo Ondimba à la tête de l’État gabonais, Libreville porte les stigmates d’une nuit chahutée.

Si quelques émeutes ont été signalées à Port-Gentil ou encore à Mouila, l’embrasement a surtout touché la capitale Libreville. En témoigne la façade de l’Assemblée nationale, partiellement incendiée dans la nuit de mercredi à jeudi. Selon les journalistes de l’AFP, les forces de l’ordre tiraient encore des grenades de gaz lacrymogène jeudi matin pour disperser les manifestants.

L'arrière carbonisé de l'Assemblée nationale gabonaise, le 1er septembre 2016 à Libreville. © MARCO LONGARI/AFP

L'arrière carbonisé de l'Assemblée nationale gabonaise, le 1er septembre 2016 à Libreville. © MARCO LONGARI/AFP

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Même scène de désolation sur plusieurs grandes artères de la capitale, notamment sur le boulevard Triomphal, l’un des grands axes de la capitale, où les barricades étaient encore fumantes jeudi soir.

Les abords du quartier général de Jean Ping (48,23% des voix selon la Commission électorale) témoignent également de l’échauffement des esprits. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les forces de l’ordre y ont donné l’assaut, fouillant le bâtiment où étaient réunis des cadres de l’opposition.

« Ils ont saccagé le QG. Je me trouvais juste à côté, dans le QG consacré à l’équipe de communication. À l’heure où je vous parle, les forces de l’ordre sont en train de procéder à des arrestations », déclarait jeudi matin Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi, directeur de campagne  de Jean Ping, contacté par Jeune Afrique.

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Un millier d’arrestations, cinq morts

« Nous déplorons la mort de trois personnes, dont les identités seront données rapidement quand elles seront établies », a indiqué le ministre de l’Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya lors d’une courte conférence de presse donnée jeudi après-midi.

Vendredi matin, l’AFP a fait état de deux personnes tuées dans la nuit de jeudi à vendredi 2 septembre. La première victime, un étudiant en droit de 27 ans, est décédé dans la matinée des suites d’une blessure par balle après avoir été opéré à la polyclinique Chambrier dans le quartier de Montagne Sainte. Le corps d’un homme né en 1986 était par ailleurs emmené vendredi matin en procession par des dizaines de manifestants, enroulé dans le drapeau du Gabon.

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Ces nouvelles informations portent à cinq le nombre de victimes lors des émeutes postélectorales. Contactées par Jeune Afrique, les autorités gabonaises n’ont pas confirmé ce nouveau bilan.

Selon le ministère de l’Intérieur, quelque 1 000 personnes ont été interpellées depuis mercredi soir. Toujours d’après les autorités, entre 600 et 800 personnes ont été arrêtées à Libreville. Dans le reste du pays, entre 200 et 300 interpellations ont eu lieu, a précisé le ministre de l’Intérieur.

La police gabonaise, déployée aux abords de l'Assemblée nationale, le 1e septembre 2016 à Libreville. © MARCO LONGARI / AFP

La police gabonaise, déployée aux abords de l'Assemblée nationale, le 1e septembre 2016 à Libreville. © MARCO LONGARI / AFP

26 opposants retenus au QG de Jean Ping 

Vendredi matin, plusieurs cadres de l’opposition étaient toujours empêchés de quitter le QG de Jean Ping, où ils s’étaient réunis mercredi soir. Parmi eux, Zacharie Myboto, président de l’Union nationale (UN, opposition), sa fille Chantal Myboto-Gondjout ainsi que son mari, Paul-Marie Gondjout.

René Ndemezo’o Obiang, ancien ministre d’Ali Bongo passé dans le camp de l’opposition, s’y trouve également, de même que l’ancien vice-président de la République Didjob Ding Duvungui, selon les opposants contactés sur place. Jean Ping avait quitté les lieux avant l’assaut donné par les forces de l’ordre.

« Nous sommes 26 personnes à être séquestrés par les forces de l’ordre et empêchés de quitter le QG de Jean Ping depuis la nuit de mercredi », témoigne Paul-Marie Gondjout, vice-président de l’Union nationale, contacté par Jeune Afrique vendredi matin. « Nous avons passé la nuit dehors, sur le parking du QG », poursuit-il, précisant qu’une personne souffrant de diabète et n’ayant pas pu prendre ses médicaments nécessitait une intervention médicale.

Un peu plus tôt, Zacharie Myboto précisait à l’AFP être retenu au quartier général de Jean Ping depuis 06h du matin jeudi 1er septembre. « On nous a dit qu’on devait être transférés au siège de la gendarmerie, mais nous n’avons toujours pas de nouvelles », a-t-il déclaré à l’AFP.

Les réactions de la communauté internationale

Au terme d’une journée agitée, les réactions de l’étranger n’ont pas manqué. Notamment en provenance de l’Europe : parmi toutes les missions internationales d’observation électorales dépêchées au Gabon, c’est probablement celle déployée par l’Union européenne qui aura fait le plus entendre sa voix.

Après avoir critiqué un processus manquant de transparence, Bruxelles s’est à nouveau fait le relais jeudi de l’une des revendications de l’opposition, à savoir « une vérification transparente, bureau de vote par bureau de vote ».

Des demandes également formulées par la France et les États-Unis, mettant un peu plus la pression sur Libreville. « Les pressions internationales doivent tenir compte de la loi gabonaise : ce ne sont pas elles qui vont la changer », a rétorqué Alain-Claude Bilie-Bye-Nze, porte-parole du gouvernement gabonais et d’Ali Bongo.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a fait part jeudi de sa profonde préoccupation. L’envoyé spécial des Nations unies en Afrique centrale, Abdoulaye Bathily, a présenté un rapport aux membres du Conseil qui se penchaient à huis clos, à la demande de la France, sur la crise politique et les émeutes meurtrières agitant le pays.

« Les quinze pays membres ont appelé tous les candidats, leurs partisans, les partis politiques et les autres acteurs à rester calmes, à s’abstenir de tomber dans la violence ou d’autres provocations et à résoudre tout différend éventuel à travers les mécanismes constitutionnels et légaux établis », a déclaré l’ambassadeur de la Nouvelle-Zélande, Gerard van Bohemen, qui tient la présidence tournante du Conseil en septembre.

« Le Conseil a exprimé sa profonde préoccupation et souligné l’importance d’un processus (électoral) transparent et impartial », a-t-il ajouté.

De son côté l’Union africaine a tardé à s’exprimer. Dans un communiqué, Nkosazana Dlamini Zuma a assuré « suivre de près la situation au Gabon et avoir « pris note des résultats préliminaires annoncés par la Cenap [la Commission électorale, NDLR]». Avant de « condamner une escalade des violences pouvant saper la paix dans le pays tout en ayant des répercussions sur la paix et la sécurité en Afrique centrale ».

« Je sais qui a gagné, je sais qui a perdu », déclare ABO

Ali Bongo Ondimba le 1er septembre 2016 à Libreville. © MARCO LONGARI/AFP

Ali Bongo Ondimba le 1er septembre 2016 à Libreville. © MARCO LONGARI/AFP

Dans un point tenu face à la presse depuis le palais du bord de mer, Ali Bongo est revenu sur les contestations de sa réélection. « Je sais qui a gagné, je sais qui a perdu », a-t-il déclaré.

« La démocratie s’accorde mal des succès autoproclamés, des groupuscules formés à la destruction. La démocratie s’accommode mal de la prise d’assaut d’un parlement et de la télévision nationale », a ajouté Ali Bongo. Avant de préciser, après une journée d’émeutes  : « toutes les décisions censées garantir la sécurité dans le pays seront prises ».

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