Dialogue public avec la société civile au Maroc : où en est-on ?
À l’heure actuelle du dialogue public avec la société civile, les pouvoirs publics n’ont pas pris conscience des enjeux d’imbrication de l’action locale avec le contexte global.
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Ayad Zaroual
Ayad Zaroual est militant associatif et chercheur au LISST de l’Université de Toulouse. Il a accompagné sur le terrain divers programmes internationaux au Maroc et en France sur la participation citoyenne.
Publié le 2 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.
Cet entremêlement pose un certain nombre de défis trop vastes pour qu’ils relèvent simplement de la compétence de l’État : gouvernance globale, développement international et solidaire, gestion de conflits, etc.
L’enjeu n’est pas seulement de faire place aux nouveaux acteurs qui émergent dans l’espace public. Il s’agit surtout de comprendre les nouvelles connexions associatives qui se développent au Maroc, au gré d’un marché transnational entre le politique et le social, entre l’international et le local. Celles-ci dépassent de loin la focalisation du débat public sur la relation société civile / État ou sur le management associatif.
Les associations ne peuvent être un réceptacle des commandes émanant des responsables publics
Les associations ne peuvent être un réceptacle des commandes émanant des responsables publics et des procédures que ces derniers encouragent à adopter. Le dialogue public avec les associations exprime ces tensions de gestion tutélaire des associations. Gestion qui vise à atténuer la portée mobilisatrice des collectifs organisés, en sapant leur puissance contestataire et leurs ressources.
La question posée est la suivante : quelle est la légitimité de la société civile et des acteurs sociaux dans la nouvelle gouvernance instituée au Maroc ?
Terminé, le monopole du dialogue
La nouvelle intermédiation instituée au Maroc entre le citoyen et le pouvoir bouscule les institutions représentatives au profit d’une intégration politique. Elle vise à politiser une démocratie limitée. Elle doit aussi positionner un corps social compétent et militant (Conseil de la société civile ou le Conseil des droits de l’homme, etc.), capable de construire une action collective organisée et inclusive.
Cela relativise la médiation par les élites obsédées par la gestion d’un pouvoir sans opinion et sans volonté. Les dialogues publics avec les ONG ou celui du gouvernement avec le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) sur le projet de loi genre sont des exemples révélateurs de cette difficulté d’appropriation du nouveau contexte de gouvernance pluri-acteurs, où l’élite n’a plus le monopole de l’intermédiation (wassit).
Pourquoi dans ce contexte poser la question de la légitimité des ONG ou des nouveaux acteurs « institués » ? À nos yeux, la question ne peut être cantonnée à cette constitution des problèmes, entamée depuis 2011. La participation des ONG à l’action publique participe d’une dynamique d’ensemble (non spécifique au monde arabe) qui conduit la fabrique du politique par le bas.
D’autre part, les ouvertures démocratiques entreprises depuis l’arrivée au trône du nouveau roi tendent à positionner de nouveaux acteurs, dotés de savoirs militants et d’expertise transnationale, comme des acteurs essentiels de la production du bien collectif et du lien social.
Relayer les demandes de la société
L’expérience des ONG marocaines est inscrite dans un contexte plus large, où un entremêlement est établi entre expériences locales de développement et mise en mouvement d’idées provenant de l’international. Cette connexion entre le local et l’international explique sans doute un nouveau type d’engagement et de re-politisation.
Notre Maroc d’aujourd’hui a besoin d’un nouveau corps social politisé, capable de relayer les demandes sociales
Notre Maroc d’aujourd’hui a besoin d’un nouveau corps social politisé, capable de relayer la demande sociale et de négocier à l’international. Un nouveau corps soucieux de l’intérêt général plus que du contrôle.
Le pays entre dans un nouveau temps, marqué par une nébuleuse réformatrice et une ère participative d’un nouveau temps. Et le gouvernement refuse de se l’approprier. Il a besoin d’un portage politique engagé, d’un corps intermédiaire expert. Le politique et l’international devraient endogénéiser ce pluri-acteur sur qui reposent les fondements d’une nouvelle action collective.
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