Tunisie : l’anniversaire de la révolution tourne au fiasco

La cérémonie organisée mercredi au palais présidentiel pour commémorer le quatrième anniversaire de la révolution qui a chassé Ben Ali du pouvoir a été perturbée par des familles de Tunisiens tués ou blessés pendant le soulèvement populaire.

Le président tunisien Béji Caïd Essebsi. © Archives / AFP

Le président tunisien Béji Caïd Essebsi. © Archives / AFP

Publié le 14 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Le président Béji Caïd Essebsi, élu fin décembre, souhaitait placer la journée du 14 janvier sous le signe de l’unité et de la renaissance de la Tunisie. Il a donc convié au palais présidentiel plusieurs personnalités dont le leader du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, à une cérémonie au cours de laquelle des figures importantes de cette période de l’histoire du pays ont été décorés.

Béji Caïd Essebsi, venait de terminer son discours et procédait aux décorations lorsque des cris se sont élevés dans la salle bondée. "Où est la justice pour nos enfants?" criaient certains membres des familles, tandis que d’autres scandaient : "Fidèles au sang des martyrs !".

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Le président agacé par l’incident, a tenté de continuer à remettre les décorations, dont l’une à titre posthume à l’élu Mohamed Brahmi, assassiné le 25 juillet 2013. Il s’est ensuite adressé aux membres des familles invités au Palais de Carthage : "Si les martyrs étaient encore vivants, ils ne seraient pas d’accord avec vous, tous les martyrs sont dans nos esprits et seront décorés. Ce que vous faites n’est donc pas nécessaire. Allez, que Dieu vous vienne en aide", a-t-il lâché avant de quitter la salle où se déroulait la cérémonie. 

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Douloureuses séquelles de la révolution

L’incident rappelle que la Tunisie n’a pas totalement tourné la page de la révolution. Selon un bilan officiel, la répression du soulèvement populaire qui a renversé Zine el-Abidine Ben Ali a fait plus de 300 morts et des centaines de blessés pendant la révolution, mais aussi dans les jours ayant suivi la fuite du dictateur.

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Présent à la cérémonie, le mari de Mahjouba Nasri, une Tunisienne tuée dans les jours suivant la fuite en Arabie saoudite de Zine el-Abidine Ben Ali a réagi contre le discours de Béji Caïd Essebsi : "c’est une mascarade. Nous ne sommes pas venus pour de belles paroles, nous sommes venus pour qu’au moins on rende hommage symboliquement aux personnes que nous avons perdues !".

L’ONG Human Rights Watch (HRW) qui réclame depuis des mois une enquête sur les morts de la révolution, affirme pour sa part que : "Les efforts de la Tunisie pour faire rendre des comptes en justice aux auteurs d’exécutions extrajudiciaires, pendant le soulèvement populaire il y a quatre ans, ont été anéantis par des problèmes juridiques ou liés à la procédure d’enquête et n’ont pas permis de rendre justice aux victimes".

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Un anniversaire célébré en rangs dispersés

Malgré la présence au Palais de Carthage de Rached Ghannouchi, son parti Ennahda, deuxième force politique du pays, a installé une tribune et un écran géant au milieu de l’avenue Bourguiba pour célébrer à sa manière l’anniversaire.

Des dizaines de partisans des islamistes radicaux de Hizb ut Tahrir ( Parti de la Libération) manifestaient également aux côtés d’un petit groupe de jeunes socialistes.

Devant le théâtre municipal, une vingtaine de personnes se sont rassemblées en silence, le visage fermé, pour Sofiane Chourabi et Nadhir Ktari, deux journalistes tunisiens enlevés en Libye et qu’une branche du groupe État islamique (EI) a affirmé avoir exécutés, une annonce sujette à caution qui a été officiellement démentie.

Éparpillés sur l’avenue, d’autres petits groupes de manifestants ont aussi réclamé la libération du blogueur Yassine Ayari, condamné pour atteinte à l’armée, ou des emplois pour les "diplômés chômeurs", tandis qu’une quinzaine de jeunes ont dénoncé la publication par l’hebdomadaire français "Charlie Hebdo" d’une nouvelle caricature de Mahomet en brandissant des bannières proclamant: "Je ne suis pas Charlie, je suis Mohamed".

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(Avec AFP)
 

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