Algérie : le gouvernement verrouille le secteur de l’audiovisuel

Pour mettre fin à l’anarchie qui règne dans l’audiovisuel, le gouvernement algérien a publié de nouveaux décrets réglementant ce secteur, dont un cahier des charges assez strict en termes de liberté d’expression et de règles d’éthique.

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika. © AP/SIPA

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika. © AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 2 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Très attendues, les nouvelles lois réglementant le secteur audiovisuel algérien ont été publiées au Bulletin officiel du 17 août. Elles mettent fin au désordre qui a caractérisé ce secteur depuis sa libéralisation en 2012 mais instaurent une réglementation sévère en termes de liberté d’expression et de déontologie.

Après cinq décennies de monopole de l’État, les chaînes privées ont poussé comme des champignons, soit près de 45, auxquelles se sont rajoutées des chaînes relevant du secteur public. Seul hic : ces chaînes ne sont pas de droit algérien. Domiciliées à l’étranger, elles ne peuvent pas tomber sous le couperet de la loi algérienne mais ont été quand même tolérées par le pouvoir. Depuis 2014, ce dernier, particulièrement excédé par leur liberté de ton, a décidé de sévir. Il en a interdit une dizaine pour des motifs divers ou épinglé leurs responsables. Dernier événement en date, les déboires judiciaires du directeur de la chaîne de télévision KBC, appartenant à l’homme d’affaires Issad Rebrab.

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Finies les chaînes « off shore » !

Désormais, les nouvelles lois imposent à toutes les chaînes audiovisuelles d’être domiciliées en Algérie. Les actionnaires – ainsi que les gestionnaires – doivent être de nationalité algérienne et justifier de l’existence, parmi eux, de journalistes professionnels. Serrant la vis encore, le législateur algérien interdit aux actionnaires de détenir des participations dans d’autres chaînes audiovisuelles ou de faire partie des instances exécutives d’un parti politique.

Bouteflika, l’intouchable

En termes de liberté d’expression, la loi est assez sévère. Elle interdit tout discours offensant, injuriant ou diffamant le président de la République ainsi que l’institution qu’il représente et exhorte à respecter « les valeurs nationales » et « les symboles de l’État » tels que fixés dans la Constitution. « Toute diffusion d’informations audiovisuelles, relatives à des thèmes portant sur l’unité nationale, la sécurité et la défense nationales, doit être par ailleurs soumise à l’autorisation préalable des autorités concernées », lit-on dans l’article 9 de la loi. Deuxième acte d’une politique de verrouillage de l’information militaire qui a aussi porté sur le personnel de l’armée. En vertu d’une loi, votée en juin, les militaires, y compris ceux à la retraite, sont obligés de respecter le devoir de réserve. 

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Par ailleurs, le texte interdit formellement l’utilisation de la religion à des fins politiques ou contraires aux valeurs de la tolérance ainsi que la diffusion d’images ou de documents sur des affaires soumises à la justice afin de préserver la présomption d’innocence.

Le pouvoir du ministre de la Communication

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Dans le volet des règles éthiques, scrupuleusement détaillées dans le cahier des charges, les chaînes doivent s’assurer de la vérification de l’information, de son recoupement et de son équilibre. Les programmes comportant des scènes risquant de heurter les mineurs doivent être diffusés à des créneaux précis de la journée, spécifiés dans le cahier des charges.

Un des passages délicats de cette loi est qu’elle donne au ministre de la Communication le droit d’intervenir pour rejeter la demande d’agrément d’une chaîne de télévision. Ce qui veut dire qu’il peut se substituer à l’Autorité de régulation de l’audiovisuel pour évincer toute personne indésirable par le régime.

La production locale d’abord

Pour obtenir cette licence, les actionnaires devront payer un montant forfaitaire de 100 millions de dinars (818 856 euros) pour une chaîne de télé et 30 millions (245 700 euros) pour une chaîne radio. À partir de la deuxième année d’exercice, ils devront également payer annuellement au Trésor public 2,5% de leur chiffre d’affaires. Bien fragiles, il n’est pas dit que les télés « off shore » algériennes arrivent à payer ces montants.

Pour encourager la production nationale, le cahier des charges exige, par ailleurs, que 60% des programmes audiovisuels doivent être produits en Algérie en veillant à promouvoir les deux langues nationales, l’arabe et l’amazigh.

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