Manifestations réprimées, élections contestées… La coupe est pleine
Nous avons tous des gencives. Il arrive qu’elles saignent. Quoi que nous fassions, nous cracherons toujours une partie du sang et en avalerons une autre.
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 9 septembre 2016 Lecture : 2 minutes.
Nous avons aussi chacun un nez. Lorsque nous nous mouchons, l’objectif est de le débarrasser de toutes les mucosités. Ce nettoyage en règle le rend propre et, si je puis dire, fréquentable. Je prends ce raccourci en souvenir de feu ma grand-mère, Ntumba wa Kanyinda, qui ne manquait pas de sagesse.
Lorsqu’elle était excédée par mes roueries de garnement, elle disait : « Tu es comme le sang qui coule des gencives : on en crache un peu tout en avalant beaucoup. Si tu étais ce qui coule du nez, tu n’aurais plus que tes yeux pour pleurer. On te rejetterait. » Il en va ainsi de notre continent auquel je reste très attaché même s’il m’exaspère outrageusement au vu de ses turpitudes.
En un mois, la coupe est pleine. Souvenez-vous de ce massacre de manifestants qui réclamaient leurs droits en Éthiopie. Les forces de l’ordre – expression qui n’a pas de sens si on l’applique au cas précis – en ont fauché plusieurs dizaines alors qu’ils n’étaient pas armés. J’ai tendu l’oreille pour entendre une rafale de contestations venant de notre fameuse Union africaine, dont le siège est à Addis-Abeba, ou de n’importe quel État « démocratique » du continent. Seul un silence complice a rempli mes oreilles.
En Afrique, quand ce ne sont pas les fameuses « forces de l’ordre », c’est-à-dire l’armée et la police, qui massacrent ceux qui ont le tort, l’outrecuidance, de revendiquer ce que la Constitution leur reconnaît en matière de droits, ce sont les services de renseignement, qui se chargent de réduire au silence les empêcheurs de mal gouverner en rond. La terreur sournoise, invisible, imprévisible, féroce, prend le pas sur « l’État de droit ». Une pantalonnade de plus. Pour un non, le rouleau compresseur de la répression, au grand jour ou dans l’ombre, broie des vies.
Depuis des lustres, la contestation des résultats des élections, surtout présidentielles, est incontournable. Deux exemples l’ont bien illustré en août. D’abord en Zambie, modèle d’alternance au pouvoir s’il en est. Vous souvient-il que Kenneth David Kaunda, au pouvoir depuis 1964, fut battu en 1991 par le syndicaliste Frederick Chiluba et qu’il avait humblement accepté sa défaite alors que c’était son gouvernement qui avait organisé le scrutin ? En août, l’homme d’affaires Hakainde Hichilema a contesté la victoire, de justesse finalement, de son rival, le président sortant Edgar Lungu. Heureusement pour les Zambiens, le pays n’a pas été mis à feu et à sang.
Au Gabon, l’opposant Jean Ping a proclamé sa victoire au sortir du bureau de vote. Ce qui n’a pas plu au camp du président sortant Ali Bongo Ondimba, qui ne pouvait s’imaginer vaincu. Bouffonnerie classique. Finalement, la Commission électorale a tranché sans unanimité : Bongo Ondimba est réélu. Vous connaissez la suite. Cela dit, sur le continent, il est des victoires qui s’achètent. Maints parlementaires sont « élus » après avoir graissé la patte aux magistrats chargés de suivre la régularité des élections ou en soudoyant des électeurs lors de scrutins au suffrage indirect. Où ? Allons, n’insistez pas !
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