Gabon : la démocratie, Ali et la « Cosa Nostra » tropicale
La cause d’Ali Bongo serait-elle à priori, perdue, jugée d’avance ?
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Albert Rudatsimburwa
Albert Rudatsimburwa est PDG de la radio rwandaise Contact FM.
Publié le 6 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.
L’homme présente trois handicaps majeurs : d’entrée de jeu, au regard des pratiques assez courantes sur le continent, présomption automatique de vol d’élection car président africain sortant ; délit de patronyme, ensuite, le nom de son père étant une franchise majeure, emblématique de la Françafrique et de ses us et coutumes ; et enfin accession au pouvoir à la suite du décès du père, succession quasi monarchique en pleine République.
Tout cela sur fond d’aspiration générale au changement : génération « Y’en a marre » et « Balai Citoyen ». Aspiration étrangement incarnée au Gabon par un vieux cacique du régime Bongo père : Jean Ping. Trente ans au pouvoir, proximité politique et familiale avec le clan Bongo, Ping étant l’ex-compagnon de la sœur d’Ali. Ping et son entourage qui semblent détester cordialement, viscéralement Ali. Contentieux familial, problème personnel de partage d’héritage ?
Lorsqu’Omar Bongo décède, il laisse derrière lui un patrimoine faramineux accumulé au cours de ses 40 ans de règne sans partage. Patrimoine qui va susciter des convoitises, des rancœurs, des jalousies, des déchirements familiaux. Le testament du père Bongo rédigé en 1987 mentionne 12 bénéficiaires. Or la famille Bongo compte 54 membres. Ali Bongo décide d’élargir le partage du patrimoine aux 54 membres du clan. Mécontentement et grincement de dents au sein de la famille.
Mauvais souvenirs de l’ivoirité dégainée autrefois contre Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire
Dans la foulée, Ali Bongo procède au versement des revenus de sa part d’héritage à une fondation pour la jeunesse et l’éducation et cède de nombreuses propriétés reçues en héritage à l’État gabonais. De cette gestion de l’héritage Bongo, vont naître des haines tenaces intrafamiliales encore à l’œuvre à ce jour.
Plus problématique, plus inquiétant le discours de campagne du candidat Ping aux envolées national-populistes et xénophobes accusant son adversaire de non-Gabonéité. Mauvais souvenirs de l’ivoirité dégainée autrefois contre Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire pour l’écarter de la course présidentielle.
Inquiétante également, l’extrême violence de certains propos dont est accusé le candidat Ping. Lors d’une causerie, il aurait évoqué une expédition contre « les cafards ». Jean Ping a néanmoins toujours nié avoir tenu de tels propos.
Malgré cela, Jean Ping semble bénéficier en France, de larges soutiens aussi bien dans les milieux françafricains que dans les cercles anti-Françafrique. Les raisons des uns n’étant pas nécessairement celles des autres. Pour les papys racketteurs de la Françafrique, il s’agit de revenir à la tradition et aux pratiques du père Bongo remises en cause par le fils depuis son arrivée au pouvoir.
Une certitude : rien ne sera plus comme avant au Gabon
Libreville n’est plus pour eux ce guichet à ciel ouvert ; cette capitale-eldorado où il suffit de se rendre pour repartir avec des sacs bourrés d’argent liquide. Et pour les seconds, il s’agirait tout simplement, enfin, de commencer à tourner la page de l’Afrique à papa et de la pompe à fric.
Assez étrange quand même, dans ce contexte, le soutien du Parti socialiste à Jean Ping.
Les possibles scénarios
Une certitude : rien ne sera plus comme avant au Gabon. Quatre possibles scénarios en perspective :
1) Amplification de la violence, « ivoirisation » du Gabon avec radicalisation des positions des uns et des autres, émeutes et répressions en chaîne débouchant sur le renversement du pouvoir actuel soit par un putsch, soit par une intervention militaire française sous couvert de protection des ressortissants français mais visant en réalité à installer Ping au pouvoir ;
2) Répression et « congolisation » du Gabon avec émeutes et reprise en main violente de la situation du pays et fin de l’histoire ;
3) «Contenir» la violence et lancement d’un dialogue national avec formation d’un gouvernement d’union nationale, révision de la Constitution avec passage au quinquennat renouvelable une seule fois, applicable de suite, accompagnée de mesures concrètes d’urgence pour répondre aux demandes sociales, économiques et politiques de la jeunesse. Sans oublier le combat contre les inégalités sociales.
Ce troisième scénario est à première vue le choix improbable du moment.
L’avenir immédiat du Gabon dépendra des choix opérés par les acteurs politiques gabonais mais également, il ne faut pas s’en cacher, par la France. Et au regard de la couverture médiatique dont elle fait l’objet, la crise gabonaise ressemble de plus en plus à une affaire intérieure française avec emballement médiatique et semble révéler une volonté de certains milieux d’installer à tout prix Ping au pouvoir, à Libreville. Pour que les affaires reprennent comme avant ? Apparemment pas au profit de la « démocratie ».
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