Start-up de la semaine : le coup de fouet de Bifasor dans le transport de marchandises
Avec sa petite équipe de cinq personnes, la société veut regrouper commissionnaires, transporteurs, transitaires, entrepositaires, mais aussi mécaniciens et garages, sur une même plateforme ouverte à tous en Côte d’Ivoire, au Burkina et au Ghana. Au risque de contrarier les courtiers qui règnent en maître sur un secteur encore très majoritairement informel.
C’est lors d’un voyage en famille que l’idée de Bifasor est venue à Zakaria Daboné. Venu donner un coup de main à une société familiale active dans le transport à San-Pédro, en Côte d’Ivoire, ce diplômé en économie à Ouagadougou se rend compte des difficultés à connecter entre eux les acteurs d’un secteur qui demeure très largement familial.
Un client cherchait un moyen de faire transporter 2 000 tonnes d’engrais et, faute de contacts et d’un transporteur adéquat joignable en temps et en heure, a ainsi été obligé de stocker sa cargaison pendant un mois, entraînant un important surcoût.
« C’est ce qui lui a donné l’idée d’une plateforme en temps réel où clients et prestataires seraient réunis, un genre de ‘LinkedIn’ pour les professionnels de la logistique », dit Rym Soussi, chargée de la communication et associée de la société.
Celle-ci a été établie à Paris et entend dans un premier temps rayonner au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, d’abord en tant que logiciel de service. Une application verra ensuite le jour.
Son ambition est de rompre avec le système informel. Au Burkina Faso, 85% des 3 000 entreprises de transport de marchandises exploitent 24 000 engins par exemple. Ce secteur est par ailleurs souvent lent du fait d’un réseau goudronné encore marginal et coûteux : il est plus cher d’acheminer un conteneur du Niger au Togo que de Singapour à Lomé.
Soutien de la French Tech
« Les intermédiaires ne vont pas être contents », glisse Rym Soussi. Et pour cause, là où les courtiers informels aux taux souvent prohibitifs tiennent aujourd’hui le secteur, Bifasor veut regrouper commissionnaires, transporteurs, transitaires, entrepositaires, mais aussi mécaniciens et garages, sur une même plateforme ouverte à tous.
Autant de professionnels qui pourront s’inscrire sur l’application et y renseigner leur besoin. Côté transporteur, ce sera par exemple leur pays et lieu d’implantation, la taille de leur flotte, le type de camions et leur disponibilité ou les langues parlées. Les autres maillons de la chaîne en feront autant et chacun pourra être alerté par un SMS d’offres répondant à sa demande.
Depuis novembre 2015, les cinq associés, Zakaria Daboné et Rym Soussi, mais aussi l’Américain Steven Jay Silverstein, le Sénégalais Djiby Konaté et l’Italien Tommaso Bianco, développent Bifasor à plein temps, après avoir bénéficié d’un financement de 75 000 euros de la French Tech, le programme français de soutien à l’innovation.
L’ambition est désormais d’atteindre rapidement les 50 000 usagers après le lancement fin 2016. Puis de décupler le score pour atteindre 500 000 professionnels inscrits au terme de la troisième année.
Tournée en Afrique de l’Ouest
Encore faut-il se faire adouber par la profession auparavant. Premier tour de piste, à l’occasion d’une tournée que les entrepreneurs ont conduit en juillet et en août dans leurs trois pays cibles.
En Côte d’Ivoire, les entrepreneurs ont présenté leur modèle à Fofana Soumaila, le vice-président du Haut conseil du patronat des entreprises du transport routier (HCPETR), au ministre des Transports, Gaoussou Touré et au secrétaire général de l’Organisation maritime pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale (Omaoc). L’exercice de lobbying a été le même au Burkina Faso, jusqu’au président de la République Roch Marc Christian Kaboré, et au Ghana. « Tous ont semblé encenser le modèle », se réjouit la co-fondatrice.
Et une centaine de professionnels ont déjà accepté de se frotter à la « V1 » de Bifasor, qui bénéficie par ailleurs du mentorat d’Ali Traoré, l’ancien président du Conseil burkinabè des chargeurs, et de Mickael Luguje, le secrétaire général de l’Association de gestion des ports de l’Afrique l’Ouest et l’Afrique centrale (AGPAOC).
Pour rentabiliser son modèle d’affaires, la société entend s’appuyer sur des revenus publicitaires, la vente des données – très peu disponibles par ailleurs – de tous ses membres, le développement d’un volet e-commerçant de vente et d’achat de pièces détachées, et sur une option payante de suivi en temps réel de la position des camions. Des discussions sont en cours avec de possibles investisseurs, une levée de fonds de 500 000 euros étant espéré avant le lancement en fin d’année.
Pour l’instant, aucun contact n’a été pris avec les géants de la logistique. Paraît-il cependant qu’ils sont déjà nombreux chez Bolloré à s’être inscrits à la newsletter.
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