Burkina : les autorités sanitaires veulent se débarrasser des faux médecins

Le Burkina Faso fait face au phénomène dit des « faux médecins », ces citoyens ou expatriés qui s’adonnent illégalement à l’exercice de la médecine sur son territoire. Ils sont de plus en plus nombreux à être démasqués et poursuivis en justice, comme ces six Algériens appelés à comparaître dans quelques jours devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou.

Un médecin au centre médical de la Corniche Ouest à Dakar, en 2013. Photo d’illustration. © Youri LENQUETTE pour Jeune Afrique

Un médecin au centre médical de la Corniche Ouest à Dakar, en 2013. Photo d’illustration. © Youri LENQUETTE pour Jeune Afrique

Publié le 9 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Le pays compte environ 3000 médecins inscrits au tableau de l’Ordre national des médecins, dont 1420 à Ouagadougou. Chaque année 150 nouveaux venus y sont inscrits, cependant certains ne se plient pas à la règle. Et pour cause : ils seraient bien en peine de présenter un certificat valide leur permettant d’exercer la profession.

Certains se mettent parfois à la tâche avec un peu trop de précipitation, comme ces six Algériens poursuivis pour avoir violé pendant cinq jours en mai dernier la loi relative à l’exercice de la profession de médecin, qui précise que « les praticiens de l’assistance technique étrangère doivent s’inscrire au tableau de l’Ordre à titre temporaire durant leur séjour au Burkina Faso » (article 50). Ils avaient produit des diplômes en arabe auprès du Conseil de l’Ordre, cependant celui-ci n’avait pas encore eu le temps de procéder aux traductions et vérifications d’usage qu’ils avaient déjà commencé à réaliser des actes de chirurgie, ayant au passage soin de se filmer.

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Estimant que leur mauvaise foi était établie, l’Ordre a suspendu la procédure d’authentification des diplômes et immédiatement saisi la justice. Cette dernière pourra déterminer dans le cadre de la procédure si oui ou non, elle a affaire à de vrais médecins. Même s’ils le sont, ils devront répondre d’avoir exercé sans autorisation… En raison de leur absence au TGI de Ouagadougou le 2 septembre dernier, leur comparution a été renvoyée au 17 septembre.

Généralement démasqués sur dénonciation, il est difficile de déterminer le nombre de ces « faussaires » de la médecine au Burkina. Les cas récents sont cependant révélateurs d’une pratique répandue.

La plupart des disciplines concernées

Yacouba Ouédraogo, qui officiait en qualité de « médecin psycho-nutritionniste », a par exemple été reconnu coupable le 19 août d’usurpation du titre de médecin et condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis. Avant lui, Chérif Dabo, un Ivoirien titulaire d’un certificat de nationalité malienne employé dans une grande clinique en plein centre de Ouagadougou, a écopé de 24 mois de prison ferme, d’une interdiction de séjour au Burkina pendant 10 ans, du paiement de 40 millions de francs CFA (près de 61 000 euros) de dommages-intérêts, car reconnu coupable le 6 août 2014 d’avoir produit de faux diplômes de docteur en médecine, usurpé le titre de médecin et pratiqué illégalement la profession. L’intéressé aurait profité d’une mise en liberté provisoire en février 2015 pour filer à l’anglaise, selon Charlemagne Ouédraogo, président du Conseil régional de l’Ordre des médecins du Centre (Ouagadougou).

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Un faux médecin détenteur de 8 cabinets illégaux

Certains de ces faussaires préfèrent évoluer en « libéral », comme Illah Adaré, reconnu coupable d’avoir exercé illégalement la profession de médecin pendant plusieurs années en détenant pas moins de huit cabinets différents, tous ouverts sans autorisation administrative. Il a été condamné le 25 août 2015 à six mois de de prison ferme et au paiement, à titre de dommages-intérêts, de quatre millions de francs CFA (près de 6 100 euros) aux deux parties civiles en présence, l’Ordre des médecins et l’Ordre des pharmaciens.

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Un autre, M. D., qui se prétendait anesthésiste, se trouve en détention depuis décembre 2015, selon Charlemagne Ouédraogo. La palme de la longévité revient quant à elle à M. O., « actuellement à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco), [qui] a exercé environ 15 ans dans la fonction publique avec un faux diplôme de médecin ».

Le phénomène n’est donc pas récent. Si les dénonciations sont de plus en plus nombreuses, en revanche, c’est parce que le bureau du Conseil régional de l’Ordre des médecins du Centre, institué en novembre 2013, a entrepris sous l’impulsion de son président Charlemagne Ouédraogo de veiller au strict respect de la loi, qui précise à son article 37 que « nul ne peut exercer la profession de médecin au Burkina Faso s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre ». En ce sens, le Conseil de l’Ordre a, depuis 2014, saisi la justice par deux dénonciations au moins par an, le plus souvent à l’issue d’une période de vérification pouvant prendre plusieurs mois.

Chasse est donc faite aussi bien aux vrais médecins qui ne se seraient pas inscrits qu’aux charlatans qui n’auraient jamais suivi la moindre formation…

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