C’est une plainte inédite qui a été adressée le 7 septembre au procureur de la République près le tribunal régional de Diourbel. Déposée par le président du Conseil communal de la jeunesse de la ville sainte de Touba, Modou Birane Diop, elle vise la célèbre chanteuse de mbalakh Viviane Ndour, leader du Djolof Band.

Ce ne sont pas tant les infractions reprochées à l’artiste (diffamation, injures et profanation) que l’objet du délit qui font de cette plainte une démarche atypique. Le litige porte en effet sur un gâteau d’anniversaire qui a mis en émoi la communauté mouride depuis que sa représentation a été rendue publique.

Le 26 août, Viviane Ndour célébrait au Grand Théâtre, à Dakar, ses seize années de présence sur scène, entourée d’une série d’invités, de nombreux fans et des principales chaînes de télé. Mais au lendemain des festivités, les images d’un gâteau d’anniversaire massif offert à la chanteuse lors de la soirée créent la polémique.

Reproduction pâtissière de la Grande Mosquée de Touba

Celui-ci est en effet une reproduction pâtissière de la Grande Mosquée de Touba, la ville sainte de la confrérie mouride. Il comporte en outre deux inscriptions : « Ila Touba » et « Mame Diarra ». La première (« Aller vers Touba ») se réfère notamment au Magal, le pèlerinage annuel célébrant le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (également appelé Serigne Touba), fondateur et figure sainte de la confrérie. La seconde correspond au nom musulman attribué à Viviane, lors de sa conversion, par Serigne Saliou Mbacké, le cinquième khalife général des mourides, en référence à Sokhna Mame Diarra Bousso, la propre mère de Serigne Touba.

Indignation des talibés

Pour une partie de la communauté mouride, la représentation de ces symboles sacrés sur une pâtisserie relève d’un blasphème caractérisé. « La Grande Mosquée et Serigne Touba ne sont pas des jouets ; ces faits sont une diffamation et une injure graves à l’encontre de cet honorable homme de Dieu et du lieu de culte qu’elle a profané », écrit Modou Birane Diop dans sa plainte. Les explications et excuses présentées aussitôt par la chanteuse n’auront pas suffi à éteindre l’indignation des talibés.

« Cette histoire m’a vraiment dépassée », résumait Viviane Ndour dans les colonnes de L’Obs, précisant que ce gâteau lui avait été offert par une autre chanteuse célèbre, Fatou Guewël Diouf. « En bon talibé mouride, elle a ainsi pensé me faire plaisir. Et, je n’y ai rien vu de mal », ajoutait « Vivi », récusant toute intention blasphématoire et présentant ses excuses à la communauté mouride et au khalife général, Serigne Cheikh Sidy Mactar Mbacké. Selon l’artiste, ce gâteau n’a pas été coupé. Et aucune représentation de Serigne Touba n’y figurait, contrairement à ce que certains sites web sénégalais ont pu affirmer. « Pourquoi l’accuser [Fatou Guewël] de vouloir outrager la communauté à laquelle elle appartient ? »

Apaisement

De son côté, Fatou Guewël, celle par qui le scandale est arrivé, est venue sur la chaîne de télé Touba TV présenter ses excuses et réaffirmer son attachement à la confrérie mouride et à son saint-homme. Dans l’entourage proche du khalife général, une source indique que Touba souhaite « l’apaisement », suite aux excuses publiques des deux chanteuses : « Toutes deux sont des talibés mourides, et j’ai eu une conversation téléphonique avec Fatou Guewël, qui regrette son initiative », indique l’intéressé. Tout en se disant préoccupée face à « une banalisation des symboles du mouridisme », la même source se montre clairement sceptique sur l’opportunité de cette plainte en justice, qui « n’a reçu l’aval ni du khalife ni de son porte-parole ».