Burkina : un an après, où en est l’enquête sur le putsch manqué du général Diendéré ?
Le 16 septembre 2015, des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et le général Gilbert Diendéré tentaient un coup d’État contre le régime de transition. Un an après, Jeune Afrique fait le point sur l’enquête.
Un dossier hors-norme
Les chiffres sont éloquents. Depuis l’ouverture de l’enquête judiciaire sur la tentative de coup d’État du général Gilbert Diendéré et de l’ex-régiment de sécurité présidentielle, mi-septembre 2015, la justice militaire a entendu 275 parties civiles et 29 témoins.
En tout, 85 personnes ont été inculpées dans ce dossier. Sur ces 85 individus, 39 se trouvent actuellement en détention préventive à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca), à Ouagadougou. Parmi elles, figure le général Gilbert Diendéré, officiellement poursuivi pour crime contre l’humanité, attentat à la sûreté de l’État, ou encore haute trahison.
La plupart des autres inculpés sont des membres de l’ex-RSP, l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré dissoute après son putsch manqué. Accusé de complicité avec les putschistes, Djibrill Bassolé, ex-ministre des Affaires étrangères de Compaoré, est lui aussi poursuivi dans cette affaire et formellement inculpé, entre autres, d’attentat à la sûreté de l’État.
Les autres individus inculpés sont non-détenus ou ont été remis en liberté provisoire. C’est le cas de plusieurs officiers de l’ex-RSP – dont le commandant Abdoul Aziz Korogo, ancien chef de corps du régiment -, qui ont été libérés début juillet en attendant d’être jugés. D’ici là, ils restent sous contrôle judiciaire et ont interdiction de quitter le pays. Enfin, dix personnes sont toujours en fuite à l’étranger et font l’objet de mandats d’arrêt internationaux. Le sergent-chef Roger Koussoubé, un proche du général Diendéré qui a fuit en Côte d’Ivoire après le putsch manqué, en fait partie.
Diendéré et Bassolé, deux accusés au centre de l’attention
Deux personnalités sont régulièrement citées dans l’enquête sur le putsch manqué de la mi-septembre 2015 : le général Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé. Le premier, ancien chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré et patron historique de l’ex-RSP, avait officiellement pris la tête de la tentative de coup d’État le 17 septembre. Lors de ses auditions par les juges d’instruction en charge de l’enquête, il a affirmé que ce putsch était une initiative d’officiers et sous-officiers du RSP et qu’il n’avait fait, en tant que patron du régiment, qu’assumer politiquement ce coup de force contre le régime de transition.
Le second, Djibrill Bassolé, ex-chef de la diplomatie de Blaise Compaoré, est lui accusé de complicité avec les putschistes. Il est notamment suspecté, sur la base d’écoutes téléphoniques dont il conteste l’authenticité, d’avoir voulu soutenir la tentative de coup d’État avec Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne. Rencontré par Jeune Afrique à la Maca, Bassolé se dit victime d’un règlement de compte politique des responsables de la transition, qui auraient trouvé dans le putsch manqué « l’occasion rêvée de couper toutes les têtes qui dépassaient et qui [les] gênaient, dont la mienne ». Il se dit aussi « impatient » de pouvoir s’expliquer sur toute cette affaire lors d’un procès. Reste désormais à savoir quand celui-ci aura lieu.
Un procès d’ici la fin de l’année ?
Après des mois d’enquête et d’audition, les autorités burkinabè entendent accélérer sur ce dossier. Le président Roch Marc Christian Kaboré, également ministre de la Défense, s’est personnellement engagé dans ce sens, en limogeant plusieurs magistrats du tribunal militaire qu’il jugeait trop lents. Il a ensuite passé des directives pour que les procès sur la tentative de coup d’État et sur l’assassinat de Thomas Sankara s’ouvrent d’ici la fin de l’année 2016.
Comme l’a expliqué le commandant Alioune Zanré, commissaire du gouvernement (l’équivalent du procureur) au tribunal militaire de Ouagadougou, le 14 septembre, face à la presse, « ce dossier devait en principe être transmis au parquet mi-octobre pour règlement ». Selon lui, ce timing a été retardé par le pourvoi en cassation des avocats de Djibrill Bassolé. Ces derniers réclament que les écoutes téléphoniques mettant en cause leur client, ainsi que leurs transcriptions, soient retirées de la procédure. « Nous attendons que la Haute cour puisse statuer pour poursuivre », a expliqué le commandant Zanré.
Difficile, donc, de savoir quand va débuter ce procès très attendu au Burkina. Mais une chose est sûre : au vu de la gravité des faits et du nombre de personnes mises en cause, celui-ci, s’il se tient, devrait durer plusieurs mois.
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