René Vautier, l’indomptable réalisateur d' »Avoir vingt ans dans les Aurès »

Le cinéaste français engagé et anticolonialiste René Vautier est décédé dimanche 4 janvier. Il avait notamment réalisé le film-culte sur la guerre d’Algérie « Avoir vingt ans dans les Aurès ».

René Vautier en novembre 2012 au Festival du film d’Arras. © AFP

René Vautier en novembre 2012 au Festival du film d’Arras. © AFP

Renaud de Rochebrune

Publié le 7 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour le 08/01 à 11h49.

En mai 1972, pendant le festival de Cannes où l’on présentait Avoir vingt ans dans les Aurès, René Vautier, cinéaste militant au train de vie modeste, résidait non pas dans un palace mais dans un camping. Apprenant que des gendarmes le recherchaient, il prit immédiatement la fuite. En réalité, on voulait simplement le prévenir, comme il est d’usage sur la Croisette, que son film risquait d’être au palmarès et qu’il serait judicieux qu’il participe à la cérémonie de remise des prix. Le long métrage, devenu depuis un film-culte sur la guerre d’Algérie, n’obtiendra aucune récompense officielle mais recevra quand même le prestigieux Prix de la critique internationale… en l’absence du réalisateur.

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René Vautier, qui vient de mourir au seuil de ses 87 ans dans sa Bretagne natale, racontait encore en riant cette anecdote il y a 3 ans, au micro de France-Culture. Elle était il est vrai fort parlante pour évoquer sa vie, consacrée à la résistance à toute forme d’oppression et maintes fois scandée par des ennuis judiciaires.

Dès ses 15 ans, en 1943, Vautier s’engage dans le combat contre les nazis avec une détermination suffisante pour obtenir – cas des plus rares à cet âge – la Croix de guerre. Décidant bientôt, conformément à des convictions, de "ne plus jamais porter une arme", il se forme au cinéma et sort diplômé en 1946 de l’IDHEC. Sa seule arme sera désormais une caméra.

Une oeuvre interdite pendant… 40 ans

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Sa carrière de cinéaste engagée est précoce. En 1950, après un voyage dans les colonies françaises pour honorer une commande de la Ligue de l’enseignement, il réalise à 20 ans Afrique 50, considéré comme le premier documentaire anti-colonialiste de l’histoire du cinéma français. Parti tourner en Côte d’Ivoire et au Mali sans l’autorisation des autorités, il est poursuivi par la justice – 13 chefs d’inculpation ! – et condamné à un an de prison. À Paris, on n’a pas supporté qu’il évoque les violences contre les populations et le travail forcé. La copie confisquée ne lui sera rendue qu’en 1997 et le public français ne pourra découvrir cette œuvre, interdite pendant 40 ans, qu’en 2008 !

L’homme est indomptable. Dès 1954, il tourne l’objectif de sa caméra vers l’Algérie dont l’aspiration à l’indépendance est, bien entendu, un thème tabou en France. Ainsi tourne-t-il juste avant l’insurrection le documentaire au titre non équivoque Une nation, l’Algérie, évidemment interdit et, hélas, aujourd’hui perdu. Il se rend peu après en Tunisie et dans les maquis de l’est algérien pour tourner L’Algérie en flammes et d’innombrables images qui pourront être utilisées par les indépendantistes pour défendre leur cause et aller chercher des soutiens à l’étranger.

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>> Lire : Vautier, un rôle important dans la guerre d’Algérie

Inutile de dire que René Vautier est alors interdit de séjour dans l’Hexagone. Cet exil forcé, qui dure jusqu’en 1966, il le met à profit en Algérie pour épauler la première génération des cinéastes algériens, qui le considèrent aujourd’hui encore comme un des leurs. Le jour de sa disparition, Ahmed Rachedi le qualifiait même de "père du cinéma algérien".

Films dérangeants

Revenu en France, Vautier n’a cessé, jusqu’à ces dernières années, de réaliser et produire des films dérangeants sur l’immigration, les essais nucléaires, les luttes ouvrières ou les autonomistes bretons. Intransigeant, il était toujours au service des autres, comme il l’avait démontré en 1972, observant une longue grève de la faim pour obtenir le visa d’exploitation d’Octobre à Paris, sur les massacres d’Algériens du 17 octobre 1961, film qu’il n’avait pas réalisé lui-même mais qu’il estimait victime d’une censure politique inacceptable. Le ministre de la Culture, Jacques Duhamel, avait alors dû promettre que la Commission de contrôle des films cesserait de prendre en compte des critères politiques dans ses délibérations. Une belle victoire.

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