Boko Haram : la chute de Baga, 3 conséquences majeures pour le Nigeria et la sous-région

Après la conquête le week-end dernier de la base militaire stratégique de Baga, dans le nord-est du Nigeria, Boko Haram menace désormais les frontières du Niger, du Tchad et du Cameroun, faisant craindre un embrasement régional. Retour sur un événement retentissant qui a trois premières conséquences directes sur la démocratie nigériane et sur toute la sous-région.

Capture d’écran d’une vidéo diffusée par Boko Haram le 2 octobre 2014. © AFP

Capture d’écran d’une vidéo diffusée par Boko Haram le 2 octobre 2014. © AFP

Publié le 7 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

La prise de l’importante base militaire située à l’entrée de la ville stratégique de Baga, au bord du lac Tchad sur la rive nigériane, revêt une importance hautement symbolique car il s’agit de la base de la Force multinationale (MNJTF), censée regrouper des soldats nigérians, nigériens et tchadiens dans la lutte contre Boko Haram – mais où ne se trouvaient que des troupes nigérianes au moment de l’attaque, les autres contingents des pays voisins ayant été rappelés à la suite de désaccord avec la politique d’Abuja jugée trop molle face au groupe terroriste.

La base de la MNJTF aurait pu, "sans aucun doute, constituer un relais opérationnel clé" dans le dispositif de la nouvelle force régionale censée être déployée prochainement autour du lac Tchad pour lutter contre les islamistes, estime Ryan Cummings, spécialiste des questions de sécurité sur le continent africain. "Ce genre de victoire risque d’encourager [Boko Haram] à mener d’autres attaques ambitieuses à l’avenir" craint pour sa part Nnamadi Obasi, spécialiste du Nigeria pour l’International Crisis Group.

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Éloquent témoignage de cette menace, le maire de la ville nigérienne frontalière de Diffa, qui voit affluer des réfugiés nigérians depuis des mois, a déclaré lundi apercevoir désormais "le drapeau noir des jihadistes flotter de l’autre côté" de la frontière, et vivre "dans la peur d’éventuelles attaques islamistes". Au Cameroun, où les attaques de Boko Haram se sont multipliées ces dernières semaines, le colonel Didier Badjeck, porte-parole du ministère de la Défense a déclaré mardi être prêt à répondre à la menace islamiste croissante par "des moyens appropriés et virils".

>> Voir aussi notre carte interactive : Boko Haram, dix années de terreur

  • Ouverture de voies cruciales d’approvisionnement pour Boko Haram

"La prise de Baga signifie que Boko Haram a maintenant le contrôle de l’ensemble du territoire (du nord-est) où le Nigeria partage des frontières avec le Niger, le Cameroun et le Tchad", rappelle Ryan Cummings.

Cela veut dire, notamment, que Boko Haram s’est ouvert "d’importantes voies de ravitaillement [depuis l’étranger] pour ses combattants basés au Nigeria", en armes, munitions et autres équipements.

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Mais la prise de Baga risque aussi d’affecter les échanges commerciaux et l’approvisionnement en nourriture de toute cette région, estime Abbakar Gamandi, le chef du syndicat des pêcheurs de l’État de Borno. "Il s’agit d’une zone d’attraction commerciale et agricole dont bénéficient le Nigeria, le Tchad, le Niger, le Cameroun, la Centrafrique et le Soudan" a-t-il expliqué. "Les pays voisins dépendent du Nigeria pour une grande partie de leurs approvisionnement qui provenaient de Baga et de la ville de Gamboru Ngala, tombée aux mains de Boko Haram il y a quelques mois", a poursuivi Abbakar Gamandi.

>> Situation stratégique de la ville de Baga, dans le nord-est du Nigeria <<

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L’État de Borno sans doute privé d’élections législatives et présidentielle

Pour le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique et première puissance économique du continent, cette avancée de Boko Haram constitue également une très lourde perte, à cinq semaines d’un scrutin législatif et présidentiel sous haute tension.

>> Lire aussi : La prise de la base de Baga par Boko Haram, coup dur pour l’armée nigériane

La chute de Baga vient ainsi "ternir encore les perspectives déjà très sombres quant à la tenue d’élections dans l’État de Borno le mois prochain" estime Nnamadi Obasi.

À la veille d’un scrutin présidentiel annoncé comme le plus serré depuis le retour à la démocratie en 1999, le principal parti d’opposition a déjà prévenu à plusieurs reprises que si des dizaines de milliers d’électeurs du nord-est n’étaient pas en mesure de voter, le 14 février, la crédibilité du vote global serait remise en cause. Le nouveau président pourrait donc être "mal élu" par une partie seulement de la population nigériane…

(Avec AFP)

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