Gambie : qui est l’opposant Cheikh Sidya Bayo, arrêté au Sénégal ?
Le jeune opposant gambien Cheikh Sidya Bayo a été interpellé à Dakar quelques jours après le coup d’État manqué contre Yahya Jammeh. Accusé de porter atteinte à l’ordre public en raison de déclarations appelant au renversement du président gambien, il est menacé d’expulsion du Sénégal d’un moment à l’autre.
Qui est Cheikh Sidya Bayo ?
Opposant gambien possédant également la nationalité française, Cheikh Sidya Bayo partage son temps entre Dakar, où il bénéficie du statut de réfugié politique, et Paris, où il est né il y a trente-cins ans. Décrit comme un jeune homme homme ambitieux, le leader du Conseil national pour la transition en Gambie (CNTG) profite régulièrement de ses apparitions dans les médias sénégalais pour attaquer frontalement le régime de Yahya Jammeh.
Remuant et bon orateur – il est francophone et anglophone -, il s’est progressivement imposé comme une figure de l’opposition gambienne mais n’a pas, selon de nombreux observateurs, de véritable influence politique. "Il a commencé à se faire connaître comme opposant à Jammeh vers la fin 2012, raconte un journaliste gambien installé à Dakar. Mais il a toujours vécu entre la France et le Sénégal et ne maitrise pas les réalités de son pays."
Pourquoi a-t-il été arrêté à Dakar le 3 janvier ?
Cheikh Sidya Bayo a été interpellé dans la matinée du samedi 3 janvier à son domicile du quartier Mamelles, dans le centre de Dakar, puis emmené au commissariat central de la capitale. Les autorités sénégalaises l’accusent d’avoir porté atteinte à l’ordre public avec ses déclarations visant le régime du président Yahya Jammeh. Dans une vidéo diffusée sur Youtube le 29 décembre, veille de la tentative de putsch contre Jammeh, l’opposant gambien, képi militaire sur la tête, appelait ses compatriotes à se soulever contre leur président. Il a ensuite réitéré ses propos sur la chaîne de télévision privée TFM.
>> Lire Coup d’État manqué en Gambie : les détails de l’opération selon le FBI américain
Vingt-quatre heures après son interpellation, Cheikh Sidya Bayo est visé par un arrêté du ministère de l’Intérieur prononçant son expulsion du territoire sénégalais. Selon Omar Youm, porte-parole du gouvernement sénégalais, les autorités souhaitent ainsi faire respecter "les règles de courtoisie internationale" interdisant implicitement aux États d’accueillir des personnes ayant un comportement déstabilisateur envers un autre État. Officieusement, Dakar tente aussi de ne pas se fâcher avec Yahya Jammeh, avec lequel les relations sont déjà suffisament délicates. Il y a quelques mois, les autorités sénégalaises avaient par ailleurs rappelé à Cheikh Sidya Bayo son obligation d’observer un devoir de réserve.
A-t-il joué un rôle dans la tentative de coup d’État contre Yahya Jammeh ?
D’après son avocat Me Bamba Cissé, Cheikh Sidya Bayo n’a joué aucun rôle dans la tentative de putsch menée le 30 décembre contre le régime du président Jammeh. Selon lui, la vidéo du 29 décembre est une "simple coïncidence" et son client "ne connaît pas les militaires qui ont organisé l’attaque contre le palais présidentiel".
Le jeune opposant gambien semble en effet n’avoir eu aucune responsabilité dans le coup d’État avorté à Banjul. "Il n’a aucune responsabilité, renchérit une source à la présidence sénégalaise. C’est clairement la filière américano-gambienne, avec laquelle il n’ a aucun lien, qui était à la manoeuvre." La justice américaine vient en effet d’inculper deux Américains d’origine gambienne, après que le FBI a obtenu un récit détaillé des préparatifs et du déroulement de l’opération par l’un de ses principaux organisateurs – Papa Faal, un vétéran de l’US Air force de 46 ans qui s’est envolé pour Washington après avoir transité par Dakar.
Pourquoi risque-t-il d’être expulsé vers la France ?
Toujours détenu au commissariat central de Dakar le mardi 6 janvier au soir, Cheikh Sidya Bayo est menacé d’expulsion vers la France d’un moment à l’autre. Ses avocats ont formulé un recours auprès de la Cour suprême pour demander l’annulation de l’arrêté du ministère de l’Intérieur ordonnant son expulsion. Cette requête est pour l’instant restée sans réponse.
S’il devait être expulsé, l’opposant gambien sera très certainement envoyé à Paris et non à Banjul. "Nous devons faire respecter le principe de neutralité diplomatique, explique notre source à la présidence sénégalaise. Mais nous sommes aussi attachés au respect des droits humains et savons ce qui attend Cheikh Sidya Bayo s’il atterrit en Gambie."
De leur côté, les organisations de défense des droits de l’homme s’inquiètent de cette possible expulsion. Selon Seydi Gassama, le président de la section sénégalaise d’Amnesty International, cette décision est "absolument inacceptable" et "va semer la peur au sein de la communauté gambienne du Sénégal qui compte de nombreux opposants."
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Benjamin Roger
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