La vie en accéléré
Vous connaissez ce sentiment : un jour, on se sent largué, on n’arrive plus à suivre, l’évolution technique s’emballe, fuiiiit ! tout fout l’camp et on reste en rade, l’œil niais et la vue basse.
![Photo d’illustration. © laurent saint/Flick Creative Commons](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,fit=cover/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2016/09/21/11821628235_617146efc9_z.jpg)
Photo d’illustration. © laurent saint/Flick Creative Commons
Et si vous ne connaissez pas ce sentiment, c’est que vous n’avez que 15 ans, et, alors, que faites-vous à lire mes radotages au lieu d’aller capturer des Pokémon ?
Moi, ça me prend régulièrement, depuis quelques années. Par exemple, le jour où j’ai enfin envisagé d’avoir – éventuellement – ma page Facebook, des jeunes m’ont ri au nez : c’est d’un ringard ! Ils ont, eux, une app que je ne connaissais pas, dont je n’avais jamais entendu parler, que je ne saurais même pas reconnaître si elle me mordait soudain le bout du nez.
Et puis, tiens, hier : nouvel exemple du sentiment de n’être plus à la page. Je reçois un mail d’une petite Marie dont je suis le parrain. Elle me recommande de regarder une vidéo du physicien-philosophe Étienne Klein sur YouTube (c’est effectivement très intéressant), mais ce qui me sidère, ce sont les derniers mots de son mail. Verbatim : « Tu pourras regarder la vidéo en doublant sa vitesse, elle reste compréhensible. »
Devons nous nous adapter à la croissance exponentielle de l’information qui nous assaille de tous côtés ?
J’ai d’abord éclaté de rire en lisant cette phrase, puis elle m’a plongé dans un abîme de réflexion quand j’ai compris que ma filleule parlait sérieusement. On peut effectivement regarder la vidéo en dix minutes au lieu de vingt. La voix du physicien s’envole vers les aigus, ses gestes saccadés rappellent ceux de Charlot, mais on peut comprendre ce qu’il raconte. Mais pourquoi faire ça, vains dieux ?
J’ai confié mon désarroi à un ami, qui a poussé un soupir lugubre. Non seulement son fils adolescent regarde les films en accéléré, mais il en regarde parfois deux en même temps, sur deux écrans différents. Horreur ! Est-ce ainsi que nous devons nous adapter à la croissance exponentielle de l’information qui nous assaille de tous côtés ? « Doubler la vitesse » ? Regarder les matchs de foot en accéléré ? Résumer Proust en une phrase (« Comment le petit Marcel est devenu écrivain ») ? Vivre à la va-vite ? Manger la banane par les deux bouts ? Aimer puis détester dans la même journée… dans le même souffle ? Twitter le cours d’introduction à la philosophie de Hegel ? Faire des discours d’une minute ? Partir avant la fin ? Partir avant même d’être venu ?
Vous me dites : « Bah… »
Quoi, bah ? Vous trouvez que ce n’est pas important ? Les psychologues nous assurent qu’il est bon qu’un enfant s’ennuie parfois. Mais c’est fini ! L’ennui, y a plus ! On regarde de l’œil gauche le résumé d’un match, de l’œil droit l’accéléré du dernier James Bond tout en bavardant au téléphone avec ses amis. Et les adultes ? Ne doivent-ils pas prendre le temps de réfléchir posément, de méditer, de rêvasser ? N’est-ce pas ce qui nous aide à prendre les bonnes décisions, à mûrir nos idées ?
Prenons au moins quelques minutes pour ruminer tout cela…
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Bénin-Niger : dans les coulisses de la médiation de la dernière chance
- Au Togo, le business des « démarcheurs », ces arnaqueurs qui monnaient la justice
- Qui entoure Mele Kyari, président de la NNPC, l’État dans l’État au Nigeria ?
- Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo, sur les terres de Simone à Bonoua
- Alafé Wakili : « Aucun pays n’est à l’abri d’un coup d’État »