États-Unis : qui sont les « colored computers », femmes noires et pionnières oubliées de l’aérospatiale ?

Dans les années 40, alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, les États-Unis sont déjà lancés dans la conquête spatiale. Dans leurs rangs, quelques femmes africaines-américaines, lancées à la conquête des étoiles, de leurs droits et de l’égalité.

Les employés de l’Agence spatiale américaine, en novembre 1943. © Archives de la NASA

Les employés de l’Agence spatiale américaine, en novembre 1943. © Archives de la NASA

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 20 septembre 2016 Lecture : 4 minutes.

Parmi les plusieurs centaines d’employés pris en photographie ce 4 novembre 1943 dans les locaux de l’agence spatiale américaine, difficile de ne pas remarquer l’omniprésence des Blancs et le placement, en coin, des quelques Africains-Américains. Sous la bannière étoilée des États-Unis, sur ce cliché (voir ci-dessus) exhumé en 2011 par Mary Gainer, archiviste pour la NASA, la ségrégation est encore de mise.

L’agence spatiale américaine (alors appelée NACA, pour « Comité consultatif national pour l’aéronautique ») compte pourtant déjà en son sein plusieurs représentants de la communauté noire. Des mécaniciens, des techniciens… Des hommes. Mais pas seulement. En ce début des années 40, elle a commencé à recruter des jeunes femmes africaines-américaines en tant que mathématiciennes, ou « human computers », comme on les surnomme.

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Les Noires de « l’aile ouest »

Écartées des livres d’histoire, ces femmes, dont la première a été embauchée en 1935, ont longtemps subi l’oubli, après avoir contribué à la conquête de l’espace. Au sein de la cellule « West area computers », formée uniquement d’employées noires pour respecter la ségrégation, elles ont travaillé sur les programmes Mercury ou Apollo et contribué à calculer la trajectoire de la fusée qui enverra Neil Amstrong et « Buzz » Aldrin sur la Lune en 1969.

Environ 80 d’entre elles auront travaillé pour les programmes aérospatiaux entre 1943 et 1980, pour un millier de femmes blanches. Elles s’appellent Dorothy Vaughan, Mary Jackson, Katherine Johnson, Kathryn Peddrew, Christine Darden, Sue Wilder, Eunice Smith ou Barbara Holley.

Jeune Afrique vous raconte l’histoire de cinq de ces pionnières, mises à l’honneur dans « Hidden Figures« , ouvrage de Margot Lee Shetterly paru le 6 septembre et adapté au cinéma dans un long-métrage qui sortira en janvier 2017.

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Dorothy Vaughan (1910-2008)

Dorothy Vaughan, à gauche. © Archives NASA

Dorothy Vaughan, à gauche. © Archives NASA

Née le 20 septembre 1910 à Kansas City, fille de Leonard H. et d’Annie Johnson, Dorothy Vaughan aurait pu « se contenter » de son poste de professeure de mathématiques au lycée de Robert  R. Moton, à Farmville, en Virginie. Diplômée de l’université de Wilberforce, à Zenia dans l’Ohio, en 1929, où elle était membre de la sororité Alpha Kappa Alpha depuis 1926, elle va pourtant se diriger, à 33 ans, vers une carrière encore plus prestigieuse.

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En 1943, elle intègre le « Comité consultatif national pour l’aéronautique » (NACA, ancêtre de la NASA), pour y intégrer, en tant que mathématicienne, la « West area computers », réservée aux femmes africaines-américaines. Spécialiste de la programmation et du langage informatique, elle prendra la tête de cette division en 1949 et a notamment contribué au projet SCOUT (Solid Controlled Orbital Utility Test, un lanceur de satellites utilisé jusqu’en 1994). Fervente chrétienne, retraitée de la NASA en 1991, elle est décédée en 2008, laissant derrière elle quatre enfants (deux étant décédés avant elle).

Katherine Johnson (1918-)

Katherine G. Johnson. © Archives NASA

Katherine G. Johnson. © Archives NASA

Katherine Johnson est née en 1918 à White Sulphur Springs en Virginie-Occidentale, d’un père bûcheron et fermier et d’une mère enseignante. Ayant obtenu son baccalauréat à l’âge de 14 ans, puis son diplôme universitaire de mathématiques et de français à 18 ans, elle devient enseignante.

Deux ans plus tard, en 1938, elle rejoint l’université de Virginie-Occidentale, contribuant à y abolir la ségrégation raciale. Elle était en effet l’une des trois étudiantes afro-américains, et la seule femme, à être sélectionnée pour intégrer l’établissement, sur décision de la Cour suprême des États-Unis.

Recrutée en 1963 par le « Comité consultatif national pour l’aéronautique » (NACA), elle va démontrer des compétences hors-normes en navigation astronomique informatisée. S’imposant dans un monde d’hommes blancs, elle a calculé les trajectoires du programme Mercury et de la mission Apollo 11 en 1969. John Glenn,  l’un de ses trois astronautes, réclamait notamment que Katherine Johnson vérifie les calculs des ordinateurs modernes. Elle a quitté la NASA en 1986 et a reçu, en 2015, la médaille présidentielle de la Liberté, plus haute distinction civile américaine.

Mary Jackson (1921-2005)

Mary Jackson, en bas à droite. © Archives NASA

Mary Jackson, en bas à droite. © Archives NASA

Mary Winston Jackson, née en 1921, grandit à Hampton, en Virginie, où elle obtient ses diplômes au lycée puis à l’Institut de Mathématiques et de Sciences-physiques en 1942. Un temps enseignante dans le Maryland, elle est recrutée par le « Comité consultatif national pour l’aéronautique » (NACA, ancêtre de la NASA) en 1951.

Elle passera 34 ans au sein de l’Agencer spatiale, atteignant le grade d’ingénieur le plus élevé. Mary Jackson se reconvertira ensuite dans un travail plus administratif, s’attelant à promouvoir l’égalité pour les femmes et les minorités au sein des services fédéraux, notamment la NASA, jusqu’à sa retraite, en 1985. Elle est décédée en 2005, à 83 ans.

Kathryn Peddrew (1922-2012)

Kathryn Peddrew. © Archives NASA

Kathryn Peddrew. © Archives NASA

Née le 14 juin 1922 à Martinsburg, en Virginie occidentale, Kathryn Peddrew est une spécialiste de la chimie, dont elle est diplômée en 1943, année durant laquelle elle est recrutée par le « Comité consultatif national pour l’aéronautique » (NACA). Membre de la « West area computer », unité entièrement composée de femmes africaines-américaines, elle restera au sein de l’agence spatiale durant 43 ans, jusqu’à sa retraite, en 1986. Kathryn Peddrew est décédée le 4 mars 2012, à 89 ans.

Christine Darden (1942-)

Christine Darden. © Archives NASA

Christine Darden. © Archives NASA

Christine Darden est née en 1942 en Caroline du Nord. Diplômée en mathématiques à l’université de Hampton en 1962, elle passe quelque temps à enseigner à des lycéens avant d’être engagée en 1967 par la NASA comme analyste de données. Elle est promue en 1973 en tant qu’ingénieure aérospatiale et se spécialise dans les études de mouvements supersoniques, notamment au sein de la « Sonic Boom Team », dont elle prend la tête en 1989.

En 1999, elle est nommée directrice du « Program Management Office of the Aerospace Performing Center ». Elle a également travaillé au sein de nombreux projets privés ou gouvernementaux, en tant que consultante technique en aérospatiale. Christine Darden a pris sa retraite de la NASA en mars 2007, alors qu’elle était directrice du Bureau des Communications stratégiques et de l’Éducation du centre de recherches de Langley

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