L’argent des Africains : Rotoubam, médecin généraliste au Tchad – 730 euros par mois
À 33 ans, Rotoubam est le médecin en chef de l’hôpital de Bouna, dans le sud du Tchad. Dans cet épisode de notre série l’argent des Africains, il nous a ouvert son portefeuille.
775 kilomètres. C’est la distance qui sépare la sous-préfecture de Bouna de N’Djamena. Un trajet bien connu de Rotoubam, qui se trouve d’ailleurs dans la capitale tchadienne lorsque nous le contactons, en mission pour l’approvisionnement en médicaments semestriel de son hôpital. « La gratuité des soins est régulièrement assurée par l’État donc parfois nous venons à manquer de produits de laboratoire, pharmaceutiques, ou même d’argent pour payer les contractuels… Je viens alors ici pour réapprovisionner nos stocks deux fois par an », nous explique t-il.
Médecin : une vocation
Pour ce natif de N’Djamena le choix de la médecine était une évidence. « J’ai toujours voulu faire de la médecine. J’ai très tôt constaté un manque de ce côté-là tant dans ma famille que dans le quartier de mon enfance, où il n’y avait qu’un dispensaire, qui malheureusement n’tait pas suffisant. J’ai donc voulu pallier ce manque », se souvient-il.
Rotoubam entame ses études de médecine en 2004 à l’Université de N’Djamena. Mais exaspéré par les grèves à répétition et la longueur du parcours académique résultant de l’instabilité politique de son pays, il quitte le Tchad en 2011 pour s’inscrire à la fac de médecine de l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry.
De l’humanitaire à la fonction publique
Diplôme en poche, Rotoubam revient à N’Djamena en janvier 2015 et devient médecin traitant en charge de la malnutrition auprès de Médecins Sans Frontières durant trois mois, avec 646 euros pour salaire.
En septembre, il intègre l’hôpital de la sous-préfecture de Bouna, dans le sud du pays. « En fait, j’ai voulu travailler dans la fonction publique, car il y a ici plus de possibilités de faire évoluer sa carrière qu’en clinique », confie t-il.
Médecin en chef à Bouna : 480 000 francs CFA, soit près de 730 euros
Avec un salaire de 730 euros, il s’est installé dans un logement dont le loyer est payé par l’État tchadien. Il consacre 190 euros à son alimentation et 41 euros à une femme de ménage. Par ailleurs, abonné aux services de la société Airtel, il paie mensuellement 30 euros ses consommations téléphoniques et 15,2 euros sa connexion internet. Il dépense aussi environ 76 euros dans l’habillement chaque mois. Par ailleurs, il dispose d’un groupe électrogène pour lequel il achète 20 litres d’essence chaque mois, ce qui lui coûte 23 euros.
« L’hôpital est petit mais ici il y a l’essentiel des services : maternité, chirurgie, pédiatrie, médecine, urgence… » affirme t-il. Vivant à l’intérieur de l’hôpital, Rotoubam se déplace peu dans Bouna. « C’est une petite ville et il n’y a beaucoup d’endroits où sortir, à l’exception de l’unique salle de projection de la ville qui diffuse parfois des match de football ».
Sorties à Koumra : 55 euros
Il profite alors du week-end pour faire des virées à Koumra, une des villes les plus importantes du Tchad. « Quand je quitte ma localité, j’emprunte une voiture de marché, ce qui représente 70 euros par mois. À Koumra, je loue aussi une chambre pour 15,4 euros de loyer mensuel et 8 euros pour la consommation d’électricité et d’eau ».
Ces escapades sont pour le jeune homme l’occasion de sortir et de s’amuser avec des amis, un divertissement qui peut coûter jusqu’à 55 euros chaque mois.
Rotoubam tient aussi à être présent pour sa famille et ses proches, notamment pour sa mère qui vit à N’Djamena, à qui il envoie environ 45 euros chaque mois. De plus, en attribuant 76 euros mensuels à son jeune frère, étudiant, il lui permet de se consacrer entièrement à l’entretien d’un autre fils. Rotoubam prévoit aussi environ 35 euros afin de dépanner d’autres proches dans le besoin ou faire face aux imprévus.
Vers une spécialisation en rhumatologie
Sa carrière à peine entamée, le jeune médecin envisage déjà de reprendre ses études et de se spécialiser en rhumatologie dans une faculté sénégalaise, béninoise ou ivoirienne, les meilleures selon lui. Chaque mois, Rotoubam met donc de côté environ 50 euros afin de préparer au mieux son départ et ses premiers jours à l’étranger. « Une fois là-bas, l’État transformera mon salaire actuel en bourse. Mais chaque mois, je mets cet argent de côté pour pouvoir subvenir à mes besoins en attendant que mes papiers soient faits et que l’allocation commence à être versée normalement ».
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