Abidjan : mon Babi à moi

Publié le 16 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

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Abidjan, le retour

La capitale économique ivoirienne commence à se remettre des longues années de crise politique. Les chantiers sont lancés pour qu’Abidjan redevienne le centre névralgique de l’Afrique de l’Ouest.

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Abidjan est une ville forte, un esprit fort. Mari semper altior ("Toujours plus haut que la mer") est sa devise. Une cité insubmersible, qui ne se laisse jamais abattre. S’il y a des conflits le matin et que l’on décide dans l’après-midi d’y mettre fin, les maquis seront ouverts le soir même, où l’on tournera déjà en dérision les événements du jour.

C’est aussi une ville multiple. Il y a l’Abidjan des maisons et des voitures climatisées du quartier d’affaires du Plateau, celle des golden boys et des énormes tableaux publicitaires, celle où l’accueil que te réserve la secrétaire dépend fortement de ton apparence… D’ailleurs, je me déguise parfois, par exemple lorsque je vais à la banque. Récemment, je m’y suis rendu "attaché comme un cabri", avec costume et cravate – le vigile en est resté bouche bée ! Tous les Abidjanais font ça ; même le plus misérable d’entre nous a ses fringues des grands jours.

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À Adjamé, à Abobo ou à Yopougon, la ville est en revanche bien différente. Moi, je suis né à Treichville, dans le sud de "Babi". Lorsque j’étais petit, "Treich" était un peu une capitale dans la capitale, une Afrique en miniature. Mes voisins étaient maliens, nigérians, béninois… On a grandi ensemble. Nos nationalités, on s’en fichait. Les rues étaient propres, les bennes à ordures circulaient, et le moindre papier jeté à terre pouvait vous coûter 600 F CFA. On avait d’ailleurs surnommé les agents chargés de la propreté "les 600 francs".

Ce Treichville-là n’existe malheureusement plus. En grandissant, on nous a appris que nous étions différents les uns des autres, et les bennes ont petit à petit été remplacées par des brouettes… Suis-je, comme tant d’autres, trop nostalgique de cette Abidjan d’avant ? On dit que la nostalgie est le lot des gens qui ont du mal à imaginer l’avenir. Je dirais simplement que nous nous posons beaucoup de questions car tout, ici, est en train de changer. Tout et en même temps. Alors, la seule chose à laquelle nous pouvons nous raccrocher, c’est à la ville telle que nous la connaissions avant.

Attention, si je me permets de critiquer Abidjan, cela ne veut pas dire que tout le monde peut le faire ! Il ne faut jamais en dire du mal devant un Abidjanais si on ne l’est pas soi-même, car la fierté abidjanaise, l’amour des habitants pour leur cité existent bel et bien. À des touristes canadiens qui m’expliquaient, il y a quelque temps, qu’ils n’avaient pas trop aimé la ville, la trouvant trop moderne, j’ai d’ailleurs répondu que nous n’allions pas nous mettre à vivre dans des grottes pour assurer leur dépaysement.

Après Treichville, je suis allé vivre à Cocody, où j’ai étudié les langues vivantes à l’université. Je voulais être diplomate. Mais j’ai découvert le reggae et le lien si spécial qu’il entretient avec Babi. Je ne sais d’ailleurs pas trop depuis quand ni pourquoi, mais ce genre musical et Abidjan sont presque indissociables. Même avant qu’arrive le tsunami Alpha Blondy, toutes les stars ivoiriennes chantaient déjà systématiquement un titre reggae dans leur album ou leur concert.

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C’est à Abobo, dans le nord de la ville, que se trouve aujourd’hui mon Abidjan de coeur. C’est la commune qui m’a artistiquement porté. La plus peuplée de la ville – et du pays -, celle aussi qui a sans doute payé le plus lourd tribut pendant la dernière crise post-électorale. La vie n’y est pas facile. Lorsqu’on arrive au rond-point principal, on a toujours l’impression qu’il y a une manifestation, mais ce ne sont que des jeunes au chômage, qui attendent là, toute la journée. Les infrastructures sont à l’agonie. Cette commune aurait presque besoin d’un plan Marshall… Pourtant, alors qu’il y a aujourd’hui des travaux partout dans Abidjan, Abobo est celle où il y en a le moins !

J’habite dans le quartier résidentiel de la 8e-Tranche, dans le nord de Cocody, à la porte d’Abobo. Et c’est aussi une façon, même symbolique, de montrer aux jeunes que, avec du travail, dans n’importe quel domaine, on peut s’en sortir.

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