Le droit à l’avortement reste un enjeu majeur de santé en Afrique
Potions, médicaments contrefaits, produits chimiques, aiguilles, objets abrasifs… Pour mettre un terme à une grossesse non désirée quand le système de santé ou le poids des normes sociales ne le leur permettent pas, les femmes se prêtent aux pratiques les plus extrêmes au péril de leur santé et de leur vie.
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Françoise Sivignon
Présidente de Médecins du Monde. Radiologue de profession, elle a commencé sa militance en 1985 avant de rejoindre Médecins du Monde en 2002.
Publié le 22 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.
On estime que chaque année près de 22 millions de femmes prennent le risque d’avorter dans des conditions le plus souvent déplorables. Près de 7 millions de femmes souffrent de graves complications et 50.000 y laissent la vie. 99% de ces décès sont enregistrés dans les pays en développement dont 60% en Afrique. Et pourtant l’avortement relève d’un geste médical simple et sûr s’il est réalisé par du personnel qualifié.
Si l’accès à la contraception tend à s’améliorer dans les pays en développement malgré des inégalités réelles, l’opposition à l’avortement médicalisé demeure très forte. Or, refuser l’interruption volontaire de grossesse dans le cadre de la planification familiale va à l’encontre du droit des femmes et des couples à décider librement, de façon responsable et en toute sécurité de ne pas mener une grossesse à terme.
En partenariat avec la société civile et en appui aux autorités de santé, Médecins du Monde développe des projets en Afrique francophone pour favoriser l’accès à l’information, aux méthodes de contraception, à l’avortement médicalisé et aux soins post-avortements à tous les niveaux du système de santé. En 2015, Médecins du Monde a notamment mené des études sur les déterminants socio-culturels des grossesses non désirées au Burkina-Faso et en République Démocratique du Congo.
Les blocages constatés sont multiples : tabous, stigmatisation, manque d’information des femmes et de leurs familles sur les droits et les services existants, absence de formation des personnels de santé – tant sur les cadres législatifs que sur les procédures médicales -, législations obscures ou inadaptées… Même lorsque la loi existe et permet l’accès à l’avortement dans certaines conditions (en cas de viol par exemple ou pour raisons thérapeutiques), elle n’est généralement pas appliquée, la morale prenant le pas sur le droit. Le pouvoir de l’argent permet cependant de lever bien des obstacles, les femmes qui en ont les moyens parviennent à mettre fin à une grossesse non désirée dans de bonnes conditions sanitaires tandis que l’inégalité de l’accès à l’avortement continue de refléter les inégalités sociales.
Si la situation reste alarmante dans de nombreux pays, en particulier en Afrique francophone, des progrès se dessinent. L’Union africaine a adopté en 2003 le Protocole de Maputo qui constitue l’un des instruments régionaux les plus progressistes en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs. Cet accord reconnaît l’avortement comme un droit des femmes en cas de viol, d’inceste, ou si la grossesse met en danger la santé de la mère, sa vie ou celle du fœtus. Il devrait se traduire par une adaptation du droit pour permettre de lutter contre les grossesses non désirées et les avortements à risques dans chacun des 36 États l’ayant ratifié. L’Afrique du Sud, l’Éthiopie ou encore le Mozambique récemment, ont modifié leur législation et autorisé l’accès à l’avortement. Des évolutions sont possibles, elles doivent se multiplier sur l’ensemble du continent.
L’égalité femme/homme et l’exercice des droits sexuels et reproductifs sont deux piliers essentiels du développement économique et social. Médecins du Monde, en appui aux organisations partenaires de la société civile, appelle les États africains à respecter leurs engagements régionaux et internationaux et à garantir les droits humains pour toutes et tous, l’éducation complète à la sexualité, l’accès universel à la contraception – y compris pour les jeunes filles et les femmes non mariées -, l’accès pour toutes aux soins d’avortement et de post-avortement.
Les États doivent se saisir sans attendre de cet enjeu majeur de santé et de développement et donner aux femmes les moyens de décider librement et en toute responsabilité de leur santé et de leur vie.
Dr Françoise Sivignon, Présidente de Médecins du Monde
Anne Sinic, Chargée de plaidoyer à Médecins du Monde
Anne-Marie Lechartier, co-responsable du groupe Afrique
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