Rashid Ali, So British !

Venu de Somalie, Rashid Ali, jeune architecte, a fondé son propre cabinet après avoir appris le métier auprès de la star ghanéenne David Adjaye.

« Londres est un merveilleux endroit depuis lequel travailler pour améliorer les conditions de vie des Africains. » © Mark Chilvers/J.A.

« Londres est un merveilleux endroit depuis lequel travailler pour améliorer les conditions de vie des Africains. » © Mark Chilvers/J.A.

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Publié le 2 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Rashid Ali a l’élégance altière et tout à fait britannique – jusque dans l’étoffe de ce chapeau qu’il ôte de son crâne en s’installant sur l’un des tabourets du Tom’s Deli, à Somerset House. Pourtant, il n’est né ni à Londres ni à Manchester. L’histoire, qu’il déroule d’une voix posée, paraît presque banale. « Nous sommes arrivés ici de la même manière que bien des Somaliens, dit-il. En 1989, quelques années avant l’effondrement de l’État, nous avons quitté la Somalie et nous nous sommes installés ici. Notre pays a une longue histoire de connexions avec le monde. Les Somaliens ont été parmi les premiers à venir au Royaume-Uni, comme marins et marchands… »

Lui est né à Hargeisa, deuxième ville du pays, en 1978. Huit frères et soeurs, des parents qui travaillent dans l’importation de matériel de construction, et soudain le Royaume-Uni comme terre d’accueil pour fuir un État en miettes. « Enfant, vous vous faites une idée précise de l’endroit où vous vous rendez, se souvient-il. Pour moi, le Royaume-Uni, c’était Londres et des tours de verre… alors le choc a surtout été visuel quand j’ai découvert tous ces murs de briques rouges… Mais j’ai adoré les paysages, tellement verts ! » Si ses parents ont du mal à trouver leurs marques, lui ne se souvient pas d’avoir affronté le racisme.

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Installés dans un quartier plutôt aisé de Manchester, ils connaissent les autres familles somaliennes, et une véritable solidarité les lie. Mais le ciment essentiel, dans cet exil, c’est surtout la foi inébranlable en l’éducation. « Mes parents ont toujours accordé beaucoup d’importance à l’école et, en outre, celle-ci était gratuite, raconte-t-il. Surtout, ils ont toujours fait le lien entre l’écroulement de mon pays et ce que je pouvais faire pour le reconstruire. »

Rashid Ali sera donc vite fasciné par l’idée de « fabriquer des choses », par l’artisanat et le design. « Plus tard, je me suis rendu compte que j’étais plus intéressé par l’aspect créatif du métier d’architecte que par l’aspect technique de celui d’ingénieur », précise-t-il. Et, bien que ce ne soit « pas donné », il sort diplômé de la Bartlett School of Architecture (University College London), où il a la chance « de travailler et de collaborer avec des tuteurs passionnés ». Il est encore étudiant quand, en 2003, il rencontre l’architecte d’origine ghanéenne David Adjaye. Leurs discussions sur le patrimoine africain les rapprochent, et commence alors une « fantastique expérience » au sein du cabinet d’Adjaye, qui durera six ans.

« J’ai beaucoup appris en matière de méthodes de travail. Adjaye vous fait confiance et vous dit : « Tu peux le faire ! » » Avec lui, il participe à bon nombre de projets comme la conception du centre Nobel de la paix d’Oslo, du Musée d’art contemporain de Denver ou de l’Idea Store Library de Londres. Parallèlement, Ali poursuit ses études à la London School of Economics (City Design and Social Science) sur « la dimension spatiale des villes et la manière dont elles se développent et se transforment ».

Parvenu à une certaine maturité, il fonde en 2009 son propre studio d’architecture et de design, RA Project, où il emploie deux personnes pour des publications, notamment sur des villes africaines telles Dakar et Addis-Abeba, et des projets d’envergures différentes.

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Un plan de développement stratégique pour la capitale des Maldives, Malé, ou le design du mobilier de 1:54 African Contemporary Art Fair. « Rashid Ali est toujours dans une posture d’échange, renforcée par son travail d’enseignant, explique Touria El Glaoui, fondatrice de cette foire. J’apprécie qu’il travaille sur des projets au Royaume-Uni tout en gardant un pied ancré en Afrique, où il continue à réfléchir à des projets urbains. »

Avec un projet comme Sketch for Mogadishu, Rashid Ali propose de créer un « hub culturel » permettant de redonner vie à une cité meurtrie par plus de vingt années de chaos. « À une époque où la plupart des discours concernant le développement de la Somalie se focalisent sur le processus politique, ce projet pose la culture en pépinière alternative de l’économie urbaine et du développement social, écrivent les architectes de RA Project. Bien qu’encore aux premiers stades de mise en oeuvre, ce projet entend offrir un auditorium, un café, une bibliothèque, une galerie, une librairie et un atelier. »

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Utopiste ? Juste ce qu’il faut : « Je suis déterminé à créer ce hub culturel, insiste-t-il. Il faut des hommes politiques qui aient une vision, mais il y a moyen de transformer la ville pour le meilleur en procédant par étapes. » Britannique ? Somalien ? Au fond, peu importe. « J’étais un peu angoissé à l’idée de retourner au pays en raison des difficultés de l’histoire récente, mais ça s’est bien passé. Je suis biculturel, britannique et africain, et même plus africain que somalien. Londres est un merveilleux endroit depuis lequel travailler pour essayer d’améliorer les conditions de vie des habitants. »

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