États-Unis – Corée du Nord : hackeurs masqués

Qui a piraté la firme Sony fin novembre ? Le FBI affirme détenir la preuve de l’implication de la Corée du Nord. Barack Obama confirme l’accusation, menace, mais ne convainc pas.

Le film L’interview qui tue ! a finalement été projeté. © AFP

Le film L’interview qui tue ! a finalement été projeté. © AFP

Publié le 29 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

"Je pense que Sony Pictures a fait une erreur [en annulant la sortie du film L’interview qui tue !] […] Nous ne pouvons accepter qu’un dictateur, quelque part, impose une censure ici, aux États-Unis." Lors de sa conférence du 19 décembre, Barack Obama s’en est pris à la Corée du Nord, qui, si les informations du FBI sont exactes, serait à l’origine de la cyberattaque qui a frappé Sony le 24 novembre.

Des pirates ont en effet mis en ligne d’innombrables documents, e-mails, adresses, numéros de sécurité sociale et de comptes bancaires appartenant à 47 000 employés. La Corée du Nord a aussitôt nié toute responsabilité, proposé à la Maison Blanche l’ouverture d’une enquête conjointe, mais estimé que "les auteurs du piratage méritent d’être félicités".

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Elle avait prévenu les États-Unis : jamais elle ne tolérerait la diffusion de L’Interview qui tue !, film parodique racontant l’histoire de deux journalistes engagés par la CIA pour assassiner Kim Jong-un. On sait qu’en Corée du Nord toute critique du dirigeant suprême s’apparente à un crime. Là, le crime était d’autant plus grave que Sony avait programmé la sortie du film quand prenait fin le deuil national marquant le troisième anniversaire de la mort de Kim Jong-il.

Des bataillons de hackeurs sont formés

La Corée du Nord a-t-elle, oui ou non, commandité ce piratage ? Le FBI affirme détenir la preuve de son implication : les outils utilisés présenteraient des similitudes avec ceux mis en oeuvre lors d’une précédente attaque, en mars 2013, contre des banques et des médias sud-coréens. Ce pays a sans nul doute les moyens de mener une telle offensive. Chaque année, des bataillons de hackeurs sortent "diplômés" de ses centres de formation. Ils sont triés sur le volet parmi les meilleurs élèves en maths des grandes universités et sont astreints à une spécialisation de haut niveau au sein de l’unité 121, qui dépend de l’armée. Selon certaines sources, non vérifiées, ils seraient ensuite envoyés dans des pays amis (Chine ou membres de l’ex-bloc de l’Est) pour exercer leur talent : recueillir du renseignement militaire et/ou industriel.

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L’implication de Pyongyang est donc plausible. Est-elle crédible ? Les experts ont du mal à croire que les États-Unis aient pu remonter avec précision à "des ordinateurs gouvernementaux". Il n’a par exemple jamais été prouvé que les attaques de 2004 (contre le réseau intranet militaire sud-coréen) et de 2006 (contre le département d’État) étaient son oeuvre.

Le nom du groupe qui a revendiqué l’attaque contre Sony ("les Gardiens de la paix"), son vocabulaire et sa référence au 11 Septembre ressemblent peu à la rhétorique nord-coréenne. Cette cellule évoque des attaques terroristes visant les salles projetant le film. Ce qui a incité Sony à suspendre sa diffusion. Le message est inquiétant, mais le modus operandi laisse perplexe. Pyongyang menace périodiquement les États-Unis du feu nucléaire ou provoque la communauté internationale par des lancements de missiles, mais a-t-il les moyens de déclencher des attaques simultanées dans plusieurs villes américaines ?

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Contrairement à la mouvance islamiste radicale, il ne dispose pas aux États-Unis de loups solitaires prêts à frapper. Le département de la sécurité intérieure n’aurait d’ailleurs pas trouvé les menaces crédibles. Dans un volte-face de dernière minute, le 23 décembre, Sony a décidé de projeter le film pour Noël. Quoi qu’il en soit, l’intervention d’Obama peut être considérée comme une victoire pour la Corée du Nord. En répondant en personne, le président américain est entré dans son jeu.

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