Espagne : Podemos, l’ovni politique anti capitaliste
Un nouveau parti anticapitaliste bouscule la droite et la gauche, affole les sondages et rêve d’un triomphe aux législatives de l’an prochain. Son nom ? Podemos.
Annonces de réformes, démissions en série, sondages à répétition… À un an des élections générales, l’Espagne semble déjà en pleine campagne électorale. Les candidats potentiels piaffent d’impatience, mais, pour la première fois depuis le retour à la démocratie, en 1975, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et le Parti populaire (PP, droite, au pouvoir) ne sont plus seuls à occuper la scène. L’apparition fracassante de Podemos ("nous pouvons") a changé la donne.
Ce parti d’extrême gauche issu du mouvement des Indignés recueille en effet 27 % des intentions de vote. Pablo Iglesias (36 ans), son secrétaire général, centre son discours sur la dénonciation des effets de la crise économique, le rejet d’une classe politique corrompue et un antilibéralisme exacerbé. Bien entendu, il rêve de remporter les élections législatives de novembre 2015. "Podemos représente une classe moyenne appauvrie par la crise qui accuse le gouvernement d’être responsable de tous ses malheurs. Le plébiscite dont il bénéficie est avant tout un vote sanction", explique Juan Carlos Jiménez, un universitaire madrilène.
Une thèse intitulée Désobéissants
Curieux homme que ce Pablo Iglesias. Né à Vallecas, un vieux quartier ouvrier de Madrid, ce fils unique porte curieusement les mêmes nom et prénom que le fondateur du PSOE. À 16 ans, il s’inscrit aux Jeunesses communistes, puis entreprend des études de sciences politiques à l’université Complutense, où il obtient un doctorat avec une thèse intitulée (en version réduite) Désobéissants.
Une prémonition des Indignés ? Aujourd’hui enseignant, cet antimondialiste et anticapitaliste continue de porter catogan et bracelets en cuir. En janvier 2014, il fonde Podemos, qui, cinq mois plus tard, lors des élections européennes séduit 1,2 million d’électeurs (8 % des votants) et envoie à Strasbourg cinq eurodéputés – dont lui-même. Depuis, sa popularité ne fait que croître et embellir. "Iglesias est un excellent communicant qui sait comment utiliser les réseaux sociaux et la télévision pour influencer l’opinion", commente Jiménez.
Son mouvement a d’ailleurs émergé grâce à La Tuerka, une chaîne indépendante diffusée sur internet et spécialisée dans les débats politiques. C’est là que, dans les années 2000, Iglesias a fait ses premières armes et a appris à s’exprimer avec aisance devant les caméras.
Élu secrétaire général du parti le 15 novembre par plus de 95 000 sympathisants (88 % des voix), Iglesias dévoile peu à peu son programme économique : augmentation des salaires, nationalisation des banques renflouées par l’État après 2008, création d’un salaire minimum universel, avancement de l’âge de la retraite, instauration de la semaine de travail de 35 heures, etc.
Comme beaucoup d’autres formations extrémistes européennes (de gauche ou de droite), Podemos rejette l’Europe des banques et des marchés financiers. "Nous refusons d’être une colonie allemande", a martelé Iglesias lors de son entrée au Parlement de Strasbourg. Il est favorable à une alliance des pays d’Europe du Sud et souhaite une plus grande ouverture des frontières afin de faciliter l’accueil des immigrés.
Podemos n’échappera pas aux casseroles
Le parti de Pablo Iglesias ne présentera pas de candidats aux municipales de mai 2015. Pour ne pas dilapider d’énergie avant les législatives du mois de novembre suivant ? Il est certain que, déjà, le phénomène Podemos montre quelques signes d’essoufflement. Numéro deux du parti, Iñigo Errejón a par exemple été accusé de toucher un salaire de chercheur à l’université de Málaga alors qu’il se consacre entièrement à la politique. "Comme tous les partis, Podemos n’échappera pas aux casseroles, prédit un observateur. Son succès va décroître avec le temps. Mais il prendra sûrement beaucoup plus de voix au PSOE qu’au Parti populaire." Même si, comme c’est probable, il ne remporte pas le scrutin législatif, il ne fait cependant pas de doute que Podemos est appelé à devenir partie prenante d’une vaste coalition de gauche. À suivre.
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