Algérie : la mort tragique d’une jeune fille relance le débat sur les violences faites aux femmes
Elle s’appelait Amira et elle a été brûlée vive par un homme, actuellement en fuite. La société civile se mobilise et demande à l’État algérien de protéger les femmes, qui sont de plus en plus soumises à des violences selon les chiffres officiels.
Les habitants de la petite ville d’El Khroub, à 390 km au nord d’Alger, sont sous le choc depuis le décès tragique d’Amira Merabet, une jeune fille de 34 ans, brûlée vive par un homme de sa ville.
« Le drame a eu lieu le 29 août, à 8 heures du matin », raconte sa soeur Fatim-Zohra à Jeune Afrique. La défunte, qui habitait avec sa famille, se dirigeait vers la municipalité, où elle travaillait en tant qu’agent d’état civil. Une camionnette, de marque Mazda 404, servant habituellement à transporter les légumes, s’approche d’elle et son conducteur, un jeune homme ayant la trentaine, commence à la harceler. Voyant qu’elle ne réagit pas, il descend de sa voiture et se met à la frapper. « Sans raison aucune », soutient la sœur, car « ils ne se connaissaient pas ». L’agresseur est revenu alors vers sa voiture chercher un liquide inflammable et en a aspergé le corps de sa victime avant d’y mettre le feu. Alertée par ses cris, une femme appelle la police. Amira est transporté à l’hôpital de la ville, dans un état critique, avant d’être transférée au CHU de Constantine, le chef-lieu de la région, où elle succombe à ses blessures. Quant à son agresseur, il est en fuite, recherché par la police.
Non à la violence !
À Constantine, Alger, Oran et Bejaia, plusieurs rassemblements ont eu lieu dénonçant cet acte de barbarie, signe de l’aggravation des violences à l’égard des femmes. « Les associations demandent à l’État de protéger les femmes face à des hommes qui s’en prennent à elles en toute impunité », affirme Hassina Oussedik, directrice du bureau de l’ONG Amnesty International à Alger. À Hassi Messaoud, ville pétrolière dans le sud-est de l’Algérie, un meurtre perpétré par une femme contre un homme le 8 septembre a servi de prétexte pour « une expédition punitive » contre toutes les femmes du quartier. En signe de représailles, un groupe d’hommes les a attaquées, pillant et saccageant leurs domiciles. « L’État doit donner une réponse forte face à ce qui se passe. Il faut qu’il montre l’exemple ! », tranche la responsable d’Amnesty International.
La loi de l’omerta
Entre 2014 et 2015, les plaintes déposées chez les services de la police algérienne pour violence à l’égard des femmes sont en hausse de 27%, selon les données de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNCPPDH), une institution indépendante créée par Abdelaziz Bouteflika en 2001 dans le cadre de sa politique de réconciliation nationale. Mais ces chiffres sont loin de traduire la réalité. « Beaucoup de femmes souffrent en silence ou déposent des plaintes et les retirent par la suite de peur des représailles de leurs agresseurs ou de la société « , signale la CNPPDH.
En mars, l’État algérien a fait un pas en avant en adoptant une loi, vivement contestée par les conservateurs, qui criminalise la violence à l’égard des femmes. Pour la première fois, la notion de« violence conjugale » a été introduite dans le Code pénal qui a aussi élargi la notion d’agression sexuelle au-delà du viol et de l’attentat à la pudeur.
« Cette loi est une première mais elle comporte plusieurs insuffisances. En plus, il n’y pas eu de communication officielle autour pour sensibiliser les femmes à ses dispositions », se désole Hassina Oussedik.
Les ONG de défense des femmes proposent d’élargir la notion de violence conjugale à la violence domestique (épouses, filles, tantes…) et d’abroger l’article autorisant l’auteur d’un viol à épouser sa victime. En 2014, le Maroc, qui connaît une violence sociale similaire, était obligé de supprimer cet article de son Code pénal après le suicide de la jeune Amina Filali, forcée à se marier avec son agresseur.
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