Pourquoi l’Afrique et le monde font face à tant de désordre non maîtrisé
Il y a longtemps que nous n’avons eu, devant nous, autant d’incertitudes.
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 29 septembre 2016 Lecture : 5 minutes.
C’est même le brouillard et, par dizaines, des questions sans réponses.
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Qui peut dire aujourd’hui si les Américains éliront, le 8 novembre prochain, Hillary Clinton, favorite des sondages, ou s’ils installeront l’inénarrable Donald Trump à la Maison Blanche ?
Qui sera le président de la France en 2017 ? Aura-t‑elle enfin, à sa tête, l’équipe dirigeante dont elle a besoin pour cesser de faire du surplace ?
En Afrique, comment va évoluer le petit Gabon, où deux clans se disputent âprement le pouvoir ? Comment et quand se dénouera la grave crise dans laquelle sa classe politique entraîne l’immense et riche République démocratique du Congo ? Le nouveau gouvernement que les Tunisiens viennent de se donner sortira-t‑il leur pays de la stagnation ? Ou bien fera-t-il seulement illusion ?
On peut faire le tour des cinq continents, on ne trouve que des questions sans réponses et des problèmes sans solutions.
Pourquoi l’Afrique et le monde sont-ils dans cette situation ? Pourquoi tant de désordre non maîtrisé ?
Plusieurs causes conjuguent leurs effets pour nous donner l’impression d’un monde sans boussole, d’un avion qui avancerait sans plan de vol.
J’en ai sélectionné trois.
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1) Les grandes institutions mondiales ne jouent plus leur rôle régulateur, n’ont plus de prise suffisante sur la réalité, ne remplissent que partiellement leur mission.
L’ONU et ses agences, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale sont devenus des mastodontes ingouvernables et ont à leur tête des dirigeants pas toujours bien choisis.
Le G20 ? C’est désormais un club dont les réunions annuelles sont sans effet et passent inaperçues.
Les unions continentales ? On reproche, à juste titre, à l’européenne d’en faire trop et à l’africaine de n’en faire pas assez. Quant aux unions américaines et asiatiques, elles sont si nombreuses que leurs périmètres respectifs se chevauchent.
2) Sauf exceptions illustrées en particulier par Nelson Mandela, Barack Obama et Angela Merkel, les fonctions politiques suprêmes, celles de chef d’État ou de l’exécutif, n’attirent plus les meilleurs.
On y voit peu d’hommes ou de femmes d’exception sur le plan de la moralité et de la compétence. Désormais, la plupart du temps, ils sont élus au suffrage universel, et il arrive donc trop souvent que ceux et celles qui occupent les plus hautes fonctions sachent se faire élire mais pas gouverner.
Ajoutez à cela qu’en Afrique beaucoup d’entre eux, une fois au pouvoir, s’évertuent à s’y accrocher.
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3) À partir de la disparition de l’URSS en 1991, les États-Unis, intronisés « hyperpuissance », ont régné sur le monde et y ont instauré un « ordre américain ».
Lorsqu’elle a été agressée chez elle par Al-Qaïda le 11 septembre 2001, l’Amérique a réagi en fauve blessé, en suzerain outragé : les guerres qu’elle a inconsidérément déclenchées, les changements de régime auxquels, sous la conduite d’un mauvais président, elle a procédé ont semé un désordre dont nous ne sommes pas sortis.
Le terrorisme auquel elle a déclaré la guerre a été exacerbé, est devenu endémique.
Mais le règne de l’Amérique s’est achevé en 2008 avec la crise financière qu’elle-même a provoquée, avec l’avènement de la Chine, le retour en force de la Russie, l’émergence de l’Inde, du Brésil.
Le monde est désormais multipolaire et, par conséquent, plus démocratique. Le pouvoir y est partagé, le centre du monde est partout.
La Chine est déjà l’égale des États-Unis, mais, le jour où chaque Chinois aura un revenu égal à la moitié de celui d’un Américain, l’économie chinoise pèsera deux fois plus que celle des États-Unis.
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C’est là une inversion de puissance qui donne le tournis, rend hasardeuse toute prévision. Nous sommes entrés dans une époque et vivons dans un monde où le changement est permanent.
L’évolution démographique, elle, est prévisible à long terme, comme vous le verrez dans la note suivante.
Densité démographique
Mis à jour tous les deux ans, les chiffres de la démographie – mondiale et par continent – viennent d’être publiés. Ils sont riches en enseignements, invitent à la réflexion.
En Europe, celle des vingt-huit pays membres de l’Union européenne (UE), en 2015, le nombre de cercueils a dépassé, pour la première fois, celui des berceaux.
On prévoit que la population d’Amérique du Nord continuera à croître, tandis que celle de l’UE poursuivra sa décroissance : l’Europe vieillit et tend à se dépeupler.
On parle à son sujet de « suicide démographique », ce qui paraît excessif. Mais le vieillissement de la population est réel, préoccupant.
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Pour les quinze prochaines années, d’ici à 2030, l’évolution prévue, que certains d’entre nous et nos enfants vivront, est la suivante :
La population mondiale passera de 7,4 milliards à 8,5 milliards d’habitants. Mais cette augmentation de 1,1 milliard se fera pour l’essentiel en Asie – de 4,4 à 4,9 milliards d’habitants – et en Afrique – de 1,2 à 1,7 milliard d’habitants.
L’Amérique du Nord, celle du Sud et l’Océanie se partageront les 100 millions qui restent.
Pour impressionnants qu’ils soient, ces chiffres n’ont qu’une importance relative, et il faut se poser la mère des questions, celle de la densité démographique de chacun des continents de notre planète : lesquels seront surpeuplés et lesquels pourraient supporter encore plus d’habitants ?
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La densité démographique d’un pays ou d’un continent est le nombre d’habitants au kilomètre carré.
Le graphique ci-contre montre que, avec 142 habitants au kilomètre carré, l’Asie est déjà, de très loin, le continent le plus peuplé : la densité humaine y est trois fois plus élevée que la moyenne mondiale et cela va s’aggraver.
L’Afrique, en revanche, dont la densité démographique est inférieure à la moyenne mondiale, est assez vaste pour absorber l’augmentation de sa population annoncée pour les prochaines années et décennies.
Son problème n’est pas la place mais l’économie : elle n’a ni les infrastructures ni la croissance économique indispensables pour nourrir, loger, soigner et éduquer, au cours des prochaines décennies, près de 50 millions d’habitants supplémentaires chaque année.
L’Amérique du Nord, celle du Sud et l’Océanie disposent, elles, d’un espace et d’une croissance économique suffisants pour faire face à leur évolution démographique.
Elles continueront donc à être des régions où l’on peut aisément émigrer.
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