États-Unis : comment les stars africaines-américaines du sport luttent contre les violences policières
Après les violences policières de Charlotte la semaine dernière, de nombreux sportifs africains-américains ont pris parti pour les droits de la communauté noire aux États-Unis. Et ont commencé à faire bouger les choses.
Dernière en date, Serena Williams, la star du tennis américain a assuré mardi 27 septembre qu’elle ne resterait pas silencieuse dans le contexte des tensions raciales qui agitent les États-Unis. La numéro 2 mondiale a fait part sur sa page Facebook d’une expérience personnelle qui l’a incitée à sortir de son silence.
« J’ai demandé à mon neveu de 18 ans de me conduire à des rendez-vous pour que je puisse travailler sur mon téléphone portable. Au loin, j’ai vu un policier sur le côté de la route. J’ai rapidement vérifié si mon neveu respectait la limitation de vitesse. Je me suis souvenue de cette horrible vidéo d’une femme, passagère à l’avant d’une voiture, dont le copain avait été abattu par un policier. Pourquoi ai-je dû penser à cela en 2016 ? N’avons-nous pas vécu assez de choses, ouvert assez de portes et eu un impact dans la vie de milliards de personnes ? », s’est-elle interrogé.
« Je me suis rendu compte qu’on devait continuer à faire avancer les choses, ce n’est pas jusqu’où on est arrivé qui compte, mais ce qu’il nous reste encore à conquérir. Je me suis demandé aussi pourquoi je ne m’étais pas encore exprimée, je me suis regardée dans un miroir, j’ai pensé à mes neveux, à si j’avais un fils ou des filles. Comme l’a dit Martin Luther King, « Un moment arrive où le silence est une trahison ». Je ne resterai pas silencieuse. »
Colin Kaepernick en première ligne
Avant Serena Williams, de nombreuses stars du sport US s’étaient également exprimées sur le sujet, en particulier depuis la mort de Terence Crutcher et Keith Lamont Scott, abattus en début de semaine par des policiers, respectivement à Tulsa (Oklahoma) et à Charlotte (Caroline du nord). Quelques semaines plus tôt, la justice avait en outre annoncé l’abandon des poursuites contre les policiers impliqués dans la mort de Freddie Gray en avril 2015, tout comme elle l’avait fait, retenant la thèse de la légitime défense, pour les morts de Michael Brown, à Ferguson, en août 2014, et de Tamir Rice à Cleveland (Ohio), en novembre 2015.
Très récemment, c’est Colin Kaepernick, joueur de football américain de l’équipe de San Francisco, qui a défrayé la chronique en boycottant l’hymne américain pour protester contre l’oppression dont est victime la communauté noire. « Je ne vais pas afficher de fierté pour le drapeau d’un pays qui opprime les Noirs. Il y a des cadavres dans les rues et des meurtriers qui s’en tirent avec leurs congés payés », a-t-il justifié.
Après discussion avec son collègue Nate Boyer, joueur de Seattle et ancien militaire ayant combattu en Irak et en Afghanistan, il a décidé de poser un genou à terre, une attitude jugée moins offensante pour les patriotes et vétérans que de rester assis, comme il l’avait d’abord envisagé. L’image a depuis fait le tour du monde et a gagné des adeptes, de la NFL à la NBA.
Des ambassadeurs
Au sein de l’équipe de Colin Kaepernick, les 49ers de San Francisco, puis parmi ses amis, comme le linebacker des Broncos de Denver, Brandon Marshall, le message est passé. « Je ne suis ni contre la police, ni contre l’armée, ni contre l’Amérique. Je suis contre l’injustice sociale », a expliqué le défenseur.
Le 11 septembre, alors que le pays commémorait les attentats de 2001, quatre joueurs des Dolphins de Miami ont osé mettre le genou à terre pendant l’hymne alors que le cornerback des Kansas City, Chiefs Marcus Peters, a préféré lever le poing, geste repris par quatre joueurs des Rams de Los Angeles, deux des Patriots de la Nouvelle-Angleterre et un des Titans du Tennessee.
D’autres sports sont touchés par la contestation. Le 15 septembre, l’une des figures de l’équipe féminine de soccer, Megan Rapinoe, a elle aussi boycotté l’hymne au début du match contre la Thaïlande. La NBA a pris le relais, notamment derrière Carmelo Anthony, proche du mouvement Black Lives Matter, ou de la star de l’équipe de Cleveland, LeBron James, qui a appelé en juillet « tous les athlètes professionnels » à « se regarder dans la glace et s’interroger : que faisons-nous pour provoquer le changement ? »
Vers une prise de conscience ?
Les basketteurs Stephen Curry et Kevin Durant ont ainsi accordé leur soutien à Colin Kaepernick. « Je suis derrière tous ceux qui se battent pour ce qu’ils croient juste. Colin Kaepernick s’est dressé pour ses convictions. C’est ce qui fait la grandeur de notre pays, non ? Beaucoup de personnes nous regardent. (…) J’estime qu’on devrait toujours agir ainsi », a réagi Kevin Durant auprès du San Jose Mercury News.
« J’aime cette liberté de parole et qu’on se batte pour ses idées », avait auparavant appuyé Stephen Curry auparavant sur CNBC. « J’espère que ça va lancer un débat sur l’amélioration des conditions des vie et des droits des afro-américains et des personnes de couleur », a-t-il ajouté.
Devant ce nombre important de soutiens sportifs, les choses ont-elles déjà commencé à évoluer ? Oui, si l’on considère le pouvoir médiatique et financier des ambassadeurs sportifs du mouvement Black Lives Matter. Colin Kaepernick a en effet promis de reverser les bénéfices de la vente de ses maillots, en hausse, aux organisations œuvrant à améliorer les relations entre la police et les jeunes dans les quartiers noirs.
L’équipe de football américain des Packers de Green Bay a quant à elle annoncé une contribution financière aux mêmes organisations. Certes, Brandon Marshall a vu deux de ses sponsors l’abandonner par crainte de voir leur nom associé à son geste. Mais celui-ci a profité de l’exposition médiatique pour entamer une concertation avec le chef de la police de Denver. Le joueur et le chef des forces de l’ordre ont échangé pendant une heure, le 13 septembre dernier, sur l’impact de l’action de la police sur les communauté noire. Un premier pas.
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