Ce qui attend l’Afrique en 2015 : sport, business, culture…

Les accros du foot vibreront pour la CAN. Les fêtards, pour le hip-hop. Les esthètes, pour les foires d’art contemporain ou les top-modèles en vogue. Les amateurs de suspense suivront les élections dans neuf pays du continent et des procès qui marqueront peut-être son histoire. Les anxieux, la lutte contre Ebola. Dans tous les cas, l’année s’annonce riche en rebondissements. Et J.A. sera au rendez-vous.

La CAN aura lieu à Malabo. © Ben Stansall / AFP

La CAN aura lieu à Malabo. © Ben Stansall / AFP

Publié le 30 décembre 2014 Lecture : 8 minutes.

CAN 2015 : Malabo prend la balle au bond

Panthères, Léopards, Lions – indomptables ou de la Teranga… Les grands fauves du foot s’affronteront du 17 janvier au 8 février lors de la 30e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Seuls le Nigeria, tenant du titre, et l’Égypte manquent à l’appel. Ainsi que le Maroc qui, devant son public et emmené par son capitaine Mehdi Benatia, aurait pu prétendre à quelques accessits… avant qu’Ebola n’oblige les Lions à rester dans leur Atlas et la CAF à délocaliser sa compétition en Guinée équatoriale.

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Malabo reçoit donc pour la seconde fois en trois ans l’événement footballistique majeur du continent, avec l’espoir de voir la Nacional faire au moins aussi bien qu’en 2012. La concurrence s’annonce rude pour le pays hôte, qui devrait souffrir face aux Étalons burkinabè de Jonathan Pitroipa, serial buteur des éliminatoires, et à la sélection gabonaise de la panthère Aubameyang.

Les favoris sont plus sûrement à chercher dans l’un des deux groupes de la mort. À commencer par l’Algérie, très en forme depuis sa coupe du monde brésilienne. Les Fennecs comptent sur la paire Brahimi-Feghouli pour faire la différence face au Ghana, à l’Afrique du Sud et surtout au Sénégal, au collectif aussi jeune que talentueux. Sous la houlette d’Hervé Renard, les Ivoiriens de l’explosif Seydou Doumbia pourraient jouer un tour au Cameroun, malgré la réussite d’Éric Maxim Choupo-Moting en Bundesliga, alors qu’Ibrahima Touré semble trop esseulé pour amener la Guinée jusqu’en quarts de finale.

Enfin, la Tunisie devrait prendre la mesure de la Zambie, qui n’est plus que l’ombre d’elle-même depuis son titre de 2012, et du Cap-Vert encore un peu tendre. Les Aigles de Carthage devront en revanche se méfier des Léopards de la RD Congo, qui comptent sur Yannick Bolasie pour enflammer le stade. En espérant que le grand gagnant de cette édition sera… le beau jeu.

Business : Qui après Kaberuka ?

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C’est l’un des événements les plus attendus par l’ensemble des responsables politiques et économiques de l’Afrique et de ses partenaires. En mai, dans son siège retrouvé d’Abidjan, le conseil des gouverneurs de la Banque africaine de développement (BAD) élira le successeur de Donald Kaberuka à la présidence de la principale institution financière du continent.

Après dix années passées à la tête d’une organisation dont il a amélioré la notoriété, le Rwandais lègue une banque structurée et efficace, qui passe pour l’un des principaux "laboratoires d’idées" en matière de développement sur le continent et inspire confiance aux marchés avec son Triple A.

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Huit postulants briguent sa succession – le dépôt des candidatures courant jusqu’à la fin janvier. Une bataille indécise depuis le retrait du Sénégalais Makhtar Diop, mais dans laquelle Akinwumi Adesina, le ministre nigérian de l’Agriculture, avance ses pions. Décidé à ne pas laisser le leadership du continent à une Afrique du Sud déjà détentrice de la Commission de l’UA, Abuja compte mettre la main sur la présidence de la BAD. De façon pour le Nigeria, principal contributeur financier de la Banque, à asseoir son statut tout neuf de première puissance économique africaine.


Kaberuka, président de la BAD. © Sia Kambou / AFP

TNT : Vite, un décodeur !

Des millions de téléspectateurs du continent seront-ils privés de télévision en 2015 ? La question paraît surréaliste, mais elle inquiète les gouvernements africains. Tous les États se sont en effet engagés à abandonner la diffusion analogique au profit de la diffusion numérique le 17 juin prochain. Pour regarder leurs programmes préférés, des millions de foyers seront contraints de changer de téléviseur ou d’acquérir un décodeur dont le prix dépasse 20 dollars (16 euros).

Après avoir longtemps tergiversé, les pays eux-mêmes se retrouvent le couteau sous la gorge, incapables de financer cette évolution technologique. On estime la facture à 1 milliard de dollars pour les quinze membres de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

Finalement, peu de pays devraient respecter leur engagement, la plupart repoussant cette échéance au mieux à la fin de l’année. En Afrique subsaharienne, seuls Maurice, le Rwanda et la Tanzanie ont véritablement entamé une transition qui, en France, avait pris plus de deux ans. Pour rattraper leur retard, de nombreux gouvernements se tournent vers les groupes privés qui proposent des solutions clé en main incluant la construction d’un nouveau réseau d’émetteurs, la fourniture de décodeurs, les financements indispensables à la réalisation du projet et la composition des futurs bouquets numériques.

Au risque de brader un peu de leur souveraineté en noyant les chaînes locales, déjà fragiles, au milieu de dizaines de concurrentes étrangères.


Il ne reste que quelques mois aux pays africains pour passer à la TNT. © J.A.

Mode : Le glamour prend des couleurs

L’heure de la revanche a sonné pour les belles à la peau d’ébène. À en juger par le parcours de l’actrice d’origine kényane Lupita Nyong’o, distinguée aux Oscars et élue femme de l’année par le magazine Glamour, ou du mannequin éthiopien Liya Kebede, à la une de Elle et de Vogue cette année, l’adage "black is beautiful" est en effet plus actuel que jamais.

À force de dénoncer le manque de diversité sur les podiums, comme l’ont fait les top-modèles Naomi Campbell et Iman, les murs se fissurent, dans le monde cloisonné de la mode. Les jambes interminables de Jourdan Dunn, les formes de Malaika Firth (photo), égérie de la marque italienne Prada, le minois de Joan Smalls ont séduit les plus grands couturiers…

Encore peu nombreuses en 2014 sur les catwalks de Paris, Milan, New York ou Londres, les mannequins noirs s’affirment sur le continent, notamment lors des semaines africaines de la mode qui gagnent en notoriété à Lagos, Nairobi ou Maputo. Fini le diktat de la beauté caucasienne ? Au placard les produits nocifs qui blanchissent la peau et lissent les cheveux ? Ce n’est plus qu’une question de temps, grâce aux militantes de la beauté naturelle, comme la Kényane Ajuma Nasenyana, qui a créé une agence pour mannequins noirs afin de bousculer l’industrie de la mode.


Malaika Firth, égérie de Prada. © Bryan Bedder / Getty for Swarovski / AFP

Expos : Zinsou n’est plus tout seul

Il est des signes qui ne trompent guère : même si l’art contemporain dit africain est encore loin d’atteindre les sommets de l’art "tribal" lors des ventes aux enchères, il attire de plus en plus le regard des collectionneurs et des amateurs. À preuve : en 2015, ce n’est pas une mais deux foires qui lui seront consacrées en Europe.

La troisième édition de 1:54 aura lieu à Londres, en octobre, sous la houlette de la Marocaine Touria El Glaoui, qui lancera une première édition à New York en mai. Une petite nouvelle, Akaa – pour "Also Known as Africa" -, organisée par la jeune entrepreneuse franco-américaine Victoria Mann, verra le jour à Paris en décembre.

Sur le continent, la Fondation Zinsou (Cotonou, Bénin), pionnière avec la création de son musée de Ouidah, fêtera ses dix ans d’existence. Et se sentira moins seule avec l’arrivée d’un concurrent : le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz Mocaa), qui devrait ouvrir ses 6 000 m2 d’exposition, au Cap (Afrique du Sud) en 2016. Ce projet estimé à 500 millions de rands (35,3 millions d’euros) abritera la collection de l’Allemand Jochen Zeitz, ancien PDG de Puma et actuel administrateur de Kering (ex-PPR).

Dès ce mois de mars, le continent africain sera à l’honneur à l’Armory Show de New York, qui a invité des artistes d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et de la Méditerranée.


Le futur Zeitz Museum of Contemporary Art Africa. © Heatherwickstudio

Musique : Hip hip P-Square

Un de leurs derniers clips pour le single Personally a été vu sur internet plus de 32 millions de fois. Le succès du duo nigérian P-Square, composé de Peter et Paul Okoye, donne le tournis. Révélés lors d’un concours de chant en 2001, les jumeaux ont vendu chacun de leurs cinq albums à plusieurs millions d’exemplaires (plus de 10 millions pour Get Squared en 2005).

Leur secret ? Mêler rythmes nigérians et show à l’américaine. Énormes lunettes métallisées, combinaisons futuristes, chorégraphies enfiévrées influencées par leur idole Michael Jackson… Les Okoye partagent le micro avec des stars internationales (Akon, Rick Ross, Matt Houston). Sexy et bling-bling, leurs clips s’inspirent du hip-hop et du R’n’B made in USA.

Mais les P-Square ne sont que la partie la plus visible du gigantesque iceberg de la pop nigériane. D’autres artistes (D’banj, Wizkid, Davido, Bracket, 2Face, J.Martins, Flavour…) enflamment les charts et se produisent sur le continent ou en Occident. Après l’âge d’or des années 1970 et 1980, avec Fela Anikulapo Kuti, Prince Nico Mbarga ou Sonny Okosun, puis une certaine léthargie, le pays est redevenu le fer de lance de la musique africaine.


Le clip de Personally a été vu sur internet 2 millions de fois. © DR

Santé : Ebola-palu, même combat

Si l’année 2014 a été tristement marquée par l’épidémie d’Ebola, 2015 devrait être l’année test de vaccins candidats – phase 2 et production. C’est en tout cas ce qu’ont annoncé, fin septembre, des experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Tout en rappelant que de nombreux défis restent à relever, comme le maintien d’une chaîne du froid (le produit doit être conservé à – 80 °C).

Le même espoir est-il permis pour le paludisme ? Alors que la maladie transmise par le moustique tue deux fois moins qu’en 2000 (grâce à des campagnes de sensibilisation et aux efforts déployés sur le terrain), les laboratoires GSK fin 2013 puis Novartis tout récemment ont déclaré avoir obtenu des résultats
intéressants lors d’essais cliniques. Les deux groupes pharmaceutiques estiment pouvoir distribuer les premières doses en 2015.


Deux groupes pharmaceutiques ont obtenu des résultats encourageants
dans la lutte contre le paludisme. © Tony Karumba / AFP

Justice : Quand tribunal rime avec Sénégal

Au Sénégal, 2015 sera une année judiciaire. Deux procès-fleuves doivent s’y tenir. Celui de Karim Wade tout d’abord. Le procès du fils de l’ancien président, poursuivi pour enrichissement illicite et écroué depuis vingt mois, a débuté le 31 juillet dernier. Plusieurs fois suspendu, très décrié dans le pays et au-delà, il a repris le 22 décembre. Plus de 70 témoins sont appelés à la barre. L’avenir politique de l’ex-« ministre du Ciel et de la Terre » est en jeu.

Un autre procès intéressera toute l’Afrique et pourrait influencer son Histoire : celui de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré, inculpé par les Chambres africaines extraordinaires (CAE) de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, et incarcéré depuis le mois de juillet 2013 dans une prison dakaroise. Alors que l’instruction dure depuis près de deux ans, les audiences (publiques et télédiffusées) pourraient débuter en mai 2015. Des centaines de témoins seront appelés à la barre.


Le procès de Karim Wade a repris le 22 décembre. © Seyllou / AFP

>> Lire aussi : Les rendez-vous politiques de l’année 2015 (mise en ligne prévu le 31 décembre)

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