Colombie : les citoyens se prononcent par référendum contre l’accord de paix avec les Farc
Par la voie d’un référendum, les Colombiens ont rejeté dimanche à 50,21% l’accord de paix avec la guérilla des Farc. L’accord visait à clore 52 ans de conflit.
La décision du peuple colombien sonne comme un désaveu et place le président Juan Manuel Santos dans une position peu confortable. À l’issue de ce scrutin crucial pour l’avenir du pays, le « Non » s’est imposé avec 50,21% contre 49,78% en faveur du « Oui ».
Près de 34,9 millions d’électeurs étaient appelés à répondre à la question: « Soutenez-vous l’accord final d’achèvement du conflit et de construction d’une paix stable et durable? », titre du document de 297 pages issu de près de quatre ans de pourparlers, délocalisés à Cuba. Seulement 37,28% des colombiens se sont rendus aux urnes.
« La parole comme arme de construction de l’avenir »
« Je ne me rendrai pas et continuerai à rechercher la paix », a toutefois déclaré Juan Manuel Santos, en affirmant que le cessez-le-feu bilatéral et définitif, observé depuis le 29 août, « reste valide et restera en vigueur ».
« Je vous ai convoqués pour que vous décidiez de soutenir ou pas ce qui a été convenu pour la fin du conflit avec les Farc, et la majorité, bien que d’une très étroite marge, a dit que Non », a poursuivi Juan Manuel Santos à l’adresse des Colombiens. « L’autre moitié du pays à dit Oui », mais « tous, sans exception, veulent la paix », a-t-il ajouté.
De son côté, Timochenko, le chef des Farc, a déploré depuis La Havane « que le pouvoir destructeur de ceux qui sèment la haine et la rancœur ait influé sur l’opinion de la population colombienne ». Mais il a réitéré la disposition des guérilleros « à ne faire usage que de la parole comme arme de construction de l’avenir ». Autrement dit, le processus de paix doit malgré tout continuer à avancer. Cela étant, Juan Manuel Santos aurait appelé toutes les forces politiques en vue de trouver une solution et décider « du chemin à suivre ».
Un camouflet de taille pour Juan Manuel Santos
Cette consultation, non obligatoire, avait été voulue par le président colombien afin de donner la « plus large légitimité » possible à l’accord qu’il a signé le 26 septembre avec le chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Jiménez ou Timochenko.
Mais par cette victoire du « Non », le grand gagnant est surtout l’ancien président, Alvaro Uribe, meneur notamment de la campagne en faveur du « Non ». Celui qui envisagerait de briguer un troisième mandat (il a présidé de 2002 à 2010) compte bien s’emparer de ce revers de Juan Manuel Santos en s’immisçant dans la renégociation de l’accord, lui qui veut envoyer les chefs des Farc en prison alors que le gouvernement avait évoqué une amnistie pour la grande majorité des combattants rebelles.
Dernier point qui irrite Alvaro Uribe, et certainement la partie de la population qui s’est exprimée contre cet accord : la possibilité pour les Farc de constituer un parti politique.
Un « laxisme » du pouvoir, selon l’opposition
« L’abstention a gagné et le pays a perdu », a déclaré à l’AFP Kirsty Brimelow, avocate britannique et directrice du Bar Human Rights Committee, facilitatrice dans les pourparlers. « Cela ressemble à un Brexit« , a-t-elle ajouté en référence au référendum sur la sortie de l’Union européenne, qui a entraîné une crise politique en Grande-Bretagne.
Ce rejet était inattendu, la plupart des sondages donnant le « Oui » en tête, avec 55% à 66% des intentions de vote, selon les dernières enquêtes publiées.
Le pacte avec les Farc, nées en 1964 d’une insurrection paysanne et qui comptent encore 5765 combattants, prévoyait qu’elles se convertissent en parti politique après avoir remis leurs armes à l’ONU, qui a déjà vérifié la destruction samedi de 620 kg d’explosifs.
Mais les opposants ont fait campagne pour le « Non » en dénonçant notamment le « laxisme » des sanctions prévues contre les auteurs des crimes les plus graves et la participation des guérilleros démobilisés à la vie politique, craignant un « castro-chavisme » inspiré des régimes cubain et vénézuélien.
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