Côte d’Ivoire : le tropisme du N’zassa constitutionnel

Nos tropiques laissent bien souvent observer des faits intéressants pour les commentateurs et autres observateurs de notre vie politique. Dans le quotidien tout comme dans nos vies institutionnelles, l’inventivité achève de convaincre que nous sommes le continent de tous les possibles. La Côte d’Ivoire et son fameux «N’zassa » est un bel exemple de créativité.

Alassane Ouattara (2e dr.), entouré des membres du comité d’experts pour la nouvelle Constitution ivoirienne. © DR / Présidence ivoirienne

Alassane Ouattara (2e dr.), entouré des membres du comité d’experts pour la nouvelle Constitution ivoirienne. © DR / Présidence ivoirienne

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  • Cédric KONE

    Cédric Koné est juriste et membre du Front populaire ivoirien.

Publié le 4 octobre 2016 Lecture : 2 minutes.

Avec des morceaux disparates de tissus, les couturiers de nos quartiers arrivent à nous confectionner des vêtements, le «N’zassa » fait donc partie de notre vécu, ainsi que les tailleurs, ces couturiers qui allègent les charges pécuniaires  de nos ménagères ; et inspirent nos chefs d’État. Plusieurs d’entre eux se sont taillés une réputation de tailleur de Constitution, bien entendu à leurs mesures, et pour des raisons diverses.

La nouvelle Constitution porte les caractère du N’zassa

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La nouvelle constitution qui devrait être soumise à l’approbation des Ivoiriens dans les jours à venir porte en elle des caractères du fameux N’zassa en plus d’être source de conflits. Qualifiée « d’aube d’une nouvelle espérance » par un des hérauts du régime qui l’a confectionné, la nouvelle constitution semble ne pas s’embarrasser des règles élémentaires qui devraient guider sa rédaction.

La mouture actuelle dont nous disposons, est le fruit du travail d’un comité d’experts nommé le 31 mai 2016 par le chef de l’État ivoirien, or lors de sa mise en place il reçoit une lettre de mission, il accompagne les idées constitutionnelles d’un politique, qui à travers ce type de procédé cherche une légitimité dont il est convaincu qu’il ne dispose pas.

Les travaux qui sont usuellement confiés aux comités d’experts relèvent de révisions, alors que confier la rédaction d’une nouvelle Constitution à un comité d’experts plutôt qu’à une Assemblée constituante, est un viol à la Constitution d’août 2000. Le Parlement au regard de l’article 125 de notre actuelle Constitution ne peut qu’approuver ou réprouver le projet en cours, hors l’Assemblée nationale actuelle n’est pas représentative de toutes les forces politiques en présence sur l’échiquier politique ivoirien, ce qui malheureusement ne permettra pas l’émergence d’un débat de qualité dans l’adoption définitive de ce projet de loi.

Mélange incompréhensible d’institutions

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Le caractère bigarré de cet arrangement constitutionnel tient aussi à ce mélange incompréhensible d’institutions ; un vice-président nommé, ou coopté par le président de la République dans un régime présidentialiste présenté comme présidentiel ou ce dernier est un roi ; une cohabitation de ce dernier avec un Premier ministre, chef de gouvernement… Nous assisterons donc, du seul fait du Prince à la naissance d’une tétrarchie à la tête de l’exécutif ivoirien. Alors que, même dans les  régimes parlementaires à forte influence présidentielle, le pouvoir exécutif n’est partagé qu’entre le président de la République et le Premier ministre.

Le Parlement devrait également faire peau neuve, une seconde chambre s’ajoutera à la Chambre basse déjà en place. Aucun des présidents des deux Assemblées n’est désigné comme dauphin constitutionnel, alors que leurs membres sont censés être des élus du peuple ivoirien. Ce sont donc de nombreuses incohérences institutionnelles qu’aucun filtre ne va tamiser qui seront bientôt soumises à l’approbation des Ivoiriens dont bon nombre s’interrogent sur l’opportunité d’un référendum devant les préoccupations actuelles de nos compatriotes.

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Vice-président

Une loi est impersonnelle par nature et prévoit les situations à venir, elle n’a point d’effets rétroactifs, l’empressement de l’actuel chef de l’État à vouloir nommer un vice-président dès la promulgation de la Constitution en cas d’adoption montre que ce « N’zassa » constitutionnel a été taillé sur mesure pour servir sa cause.

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