Sahel : le drone, arme fatale utilisée par les Français contre les jihadistes
Les armées françaises ne jurent plus que par lui au Sahel : pour pouvoir repérer et traquer les jihadistes sur des milliers de kilomètres, dans l’uniformité du désert, le drone devient irremplaçable et de plus en plus convoité.
Venu visiter la base française de Niamey, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé vendredi qu’il commanderait trois nouveaux drones américains Reaper en 2015, pour livraison en 2016-17, afin de renforcer les capacités de renseignement de la France. "Deux Reaper sont (déjà) ici en fonctionnement. Le troisième sera opérationnel avant la fin du premier trimestre, au mois de mars 2015", a-t-il également précisé devant les militaires français.
La base de Niamey, d’où décollent les drones qui partent survoler le nord du Mali et du Niger, à la recherche de groupes armés terroristes descendant de Libye, disposera donc au printemps de trois "oiseaux" Reaper et deux Harfang euro-israéliens. S’y ajoutent plusieurs Reaper de l’armée américaine, qui fournit aussi du renseignement aux Français.
La France – qui ne dispose par ailleurs que de deux autres Harfang – a fait de l’acquisition des drones une priorité pour gagner en autonomie par rapport à ses partenaires. Au total, la loi de programmation militaire prévoit l’acquisition de douze Reaper d’ici 2019. "Les drones plus on en a, plus on en a besoin. C’est la clef des opérations en Afrique. Au Levant, les identifications de (cibles) hostiles se font via les drones", relevait dernièrement le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier.
Grands cormorans
Sur la base de Niamey, les deux Reaper et deux Harfang stationnés au côté des Mirage 2000 font l’objet de toutes les attentions à chaque visite de responsables ministériels. Énigmatiques avec leur cockpit aveugle, sans hublot, et leurs airs de grands cormorans – le Reaper se déploie sur 20 mètres d’envergure et 11 mètres de long – ils décollent pourtant comme des avions, empruntant la piste dans un ronronnement de moteur et une odeur de kérosène.
Leur véritable œil, c’est une boule optronique, dotée d’une grosse caméra, placée sous la carlingue. Pendant tout le temps du vol, un équipage – pilote et navigateur – commande l’appareil depuis un poste installé au sol.
"C’est comme un cockpit d’avion, vous avez une place à gauche, une à droite, des appareils pour voir tous les paramètres de vol, une manette de gaz, un manche. La seule différence, c’est que vous avez beaucoup plus d’ordinateurs", explique le capitaine Guillaume, pilote d’avion reconverti dans les drones après une formation aux Etats-Unis.
"Un drone, c’est un marathonien"
Les Reaper partent pour des missions qui peuvent durer jusqu’à 15 heures, soit plus longtemps que des avions de reconnaissance. Ils sont aussi moins rapides – 400 km/h en vitesse de croisière – pour un rayon d’action de 1.850 km. "Un Mirage, un Rafale, c’est taillé pour la performance, c’est un sprinter. Un drone, c’est un marathonien", résume le capitaine Guillaume.
A Niamey, les équipages de drones suivent les ordres venus de Lyon (centre-est de la France), d’où les opérations sont dirigées. "On nous donne des zones spécifiques, des objectifs, bâtiments, véhicules à surveiller", explique l’officier. Assis dans le poste de pilotage, un interprétateur photo décrypte chaque image qui arrive, à la recherche de mouvements suspects et de cibles. Il s’appuie aussi sur des informations fournies par les radars qui, à la différence du drone, peuvent opérer indépendamment des conditions météorologiques.
"C’est parfois un boulot très intéressant", lâche le sergent Vincent, qui n’en dira guère plus sur ses missions, même si ce sont des drones qui ont aidé à localiser et à neutraliser dernièrement un chef jihadiste, Ahmed el Tilemsi, au Mali. "On peut aussi passer des heures et des heures à surveiller une maison sans savoir s’il y a quelqu’un dedans. Mais au final, je suis payé pour regarder des trucs pour lesquels beaucoup de gens paieraient cher !", lance-t-il en souriant.
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