RDC : le recensement voulu par Kabila fait planer le doute sur la présidentielle

L’annonce surprise d’un recensement de la population en 2015 en République démocratique du Congo (RDC) suscite les craintes de l’opposition, qui y voit une stratégie du président Joseph Kabila pour retarder l’élection de 2016 et se maintenir au pouvoir.

Le président congolais Joseph Kabila à Beni, dans le nord-est de la RDC, le 31 octobre 2014. © AFP

Le président congolais Joseph Kabila à Beni, dans le nord-est de la RDC, le 31 octobre 2014. © AFP

Publié le 3 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Le président Kabila a lancé un pavé dans la mare mercredi soir dans son discours de Nouvel An. "L’année qui s’annonce sera marquée par l’organisation des élections locales, municipales et provinciales ainsi que le démarrage des opérations du recensement de la population", a-t-il annoncé. "Ces élections serviront d’étalon pour notre démocratie", a-t-il ajouté.

Mais pour l’opposition, qui soupçonne de longue date M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, de chercher à prolonger son bail, l’annonce d’un recensement n’est qu’un moyen pour faire "glisser" le calendrier électoral, et retarder d’autant la présidentielle de 2016.

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"Inacceptable", a tonné vendredi Vital Kamerhe, président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), le troisième parti d’opposition. "On ne peut pas conditionner les élections au recensement. C’est une astuce trouvée pour le glissement" des échéances électorales, a déclaré à l’AFP cet ancien proche collaborateur du chef de l’Etat.

M. Kabila "n’est pas prêt pour respecter le délai de 2016, il va s’éterniser au pouvoir", accuse Augustin Kabuya, porte-parole adjoint de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le premier parti d’opposition. "Comme ils se sont rendus compte que la communauté internationale ne veut pas entendre parler de révision constitutionnelle, ils mettent en place d’autres stratégies pour dépasser le délai" de 2016, assure-t-il.

Trois ans pour le recensement ?

Le 15 décembre devant le Parlement, M. Kabila avait affirmé que le résultat du recensement était "nécessaire pour la bonne fin du processus électoral", laissant entendre qu’aucune élection ne pourrait avoir lieu avant la fin de cette opération. Or, recenser la population représente une tâche colossale: la RDC est grande comme près de quatre fois la France, et des pans entiers du territoire dans l’est – région très riche en minerais – sont contrôlés par des groupes armés locaux et étrangers, parfois actifs depuis 20 ans.

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Le dernier recensement remonte aux années 1980, avant les longues guerres régionales qui ont déchiré le pays jusqu’en 2003. Le pays compterait aujourd’hui environ 70 millions d’habitants. A la dernière présidentielle en 2011, quelque 32 millions d’électeurs étaient inscrits. L’Office national d’identification de la population (Onip), chargé de mener à bien le recensement, vient tout juste d’être mis en place. Et certains diplomates estiment qu’un tel travail pourrait prendre jusqu’à… trois ans.

Joseph Kabila est arrivé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila. Il avait été élu en 2006 au terme des premières élections démocratiques du pays depuis son indépendance de la Belgique en 1960, puis réélu en 2011 lors d’un scrutin contesté par la communauté internationale et l’opposition. Selon la Constitution actuelle, il ne peut pas briguer un troisième quinquennat.

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Succession

Si l’option de la révision constitutionnelle, longtemps redoutée par les détracteurs du chef de l’Etat, semble désormais écartée, l’opposition et des analystes estiment qu’il veut gagner du temps en retardant la présidentielle. Mais, parallèlement, la question de la succession de M. Kabila agite de plus en plus les esprits.

"Rien ne dit qu’il sera candidat", souligne un diplomate. "Il cherche à préparer le terrain pour le ‘dauphin’, que seul lui peut désigner. D’où la problématique de Katumbi, qui s’est auto-désigné dauphin, avec l’appui de moins en moins discret de Washington". Figure en vue de la majorité présidentielle, Moïse Katumbi, le gouverneur de la province du Katanga (sud-est), poumon économique du pays, est rentré le 23 décembre au pays, après trois mois passés à l’étranger. Il a été accueilli triomphalement et a prononcé un discours où il semblait s’opposer à un troisième mandat du chef de l’Etat.

Quant à l’ex-député Vano Kalembe Kiboko, arrêté lundi, il a été inculpé vendredi d’"incitation à la haine tribale" et incarcéré, selon sa défense. Il avait dit son opposition à une révision constitutionnelle. Suggérant à la majorité de penser à choisir un dauphin au président Kabila, il avait proposé Moïse Katumbi.

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