Décennie noire : pourquoi deux présumés tortionnaires algériens seront jugés en France

Après plus de dix ans de procédure judiciaire, deux ex-membres des milices anti-islamiques qui ont participé à la guerre civile d’Algérie dans les années 1990, ont été renvoyés devant les assises du Gard, en France. Des poursuites sur ce dossier étant impossibles en Algérie. En voici les raisons.

Des Algériens arrêtés après l’explosion d’une bombe, dans une rue de Constantine, en 1955. © AFP

Des Algériens arrêtés après l’explosion d’une bombe, dans une rue de Constantine, en 1955. © AFP

Publié le 6 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Hocine et Abdelkader Mohamed, deux frères algériens installés en France depuis 1998, mis en examen à Nîmes en 2004, sont renvoyés devant les assises pour des crimes qu’ils auraient commis dans les années 90 en Algérie, selon un communiqué commun publié, le 6 janvier, par de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et du Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA).

Il s’agit de crimes graves

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"Dans les années 90, l’Algérie a été en proie à une guerre civile très violente, opposant les services de sécurité, les milices armées par l’État et les groupes islamistes armés. Dans ce contexte, les exécutions sommaires, les meurtres, les actes de torture, les viols, les enlèvements et les disparitions étaient devenus pratique courante des différentes parties au conflit et ont été perpétrés dans l’impunité la plus totale", rappelle le communiqué des ONG de défense des droits de l’homme.

Les faits pour lesquels les deux hommes sont poursuivis auraient donc été commis dans la région de Relizane, à 300 km à l’ouest d’Alger, pendant cette période.

À en croire ces ONG, les deux frères "étaient à la tête des milices" anti-islamistes de la ville. "Selon les victimes rescapées et les proches des victimes, ils opéraient à visage découvert, ce qui a permis aux parents des victimes de les reconnaître formellement. Selon les témoignages recueillis auprès des familles de victimes, les deux frères se seraient rendus coupables de nombreuses exactions durant cette période".

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Pas de justice possible en Algérie

En Algérie, laCharte pour la paix et la réconciliation nationale adoptée en 2005 interdit d’évoquer publiquement la guerre civile, rappellent les ONG.

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"Dans ce contexte, toute démarche judiciaire visant à établir les responsabilités des crimes commis durant cette période est impossible en Algérie, ce qui explique le fait que les victimes se soient tournées vers la justice française".

10 ans de procédure judiciaire en France

Une information judiciaire avait été ouverte en 2003 au tribunal de grande d’instance de Nîmes après le dépôt d’une plainte par la FIDH et la LDH.

Hocine et Abdelkader Mohamed avaient ensuite été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire. En juillet 2013, le Parquet de Nîmes avait requis la mise en accusation des deux frères devant la cour d’Assises.

Compétence extraterritoriale des juridictions françaises

En vertu de la Convention internationale contre la torture adoptée en 1984 et intégrée dans le code pénal français en 1994, la France a pour obligation de poursuivre, arrêter ou juger toute personne se trouvant sur le territoire susceptible d’avoir commis des actes de tortures, quels que soient l’endroit ils ont été commis et la nationalité des victimes.

"Le procès se tiendra en France sur le fondement de la compétence extraterritoriale des juridictions françaises pour crime de torture", soutiennent les ONG. "C’est la première fois dans l’histoire que des Algériens vont [ainsi] être jugés pour des crimes commis durant les années noires en Algérie", s’est d’ailleurs félicité Patrick Baudouin, le président d’honneur de FIDH.

Mais selon l’avocate de la défense, les deux accusés ont déjà fait appel. "Non seulement ils nient les faits, mais ils sont aussi complètement anéantis qu’une ordonnance ait été rendue juste sur la base de témoins, tous issus de Relizane ou des environs, et qui sont tous des sympathisants ou des membres du GIA-FIS", soit la mouvance islamiste qu’ils ont combattue pendant la guerre civile", explique Me Khadija Aoudia. Et de conclure : "Ils étaient membres du groupe de légitime défense de Relizane : ils se sont battus selon leurs convictions contre le terrorisme, représenté à l’époque par le GIA", le groupe islamique armé.

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(Avec AFP)

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