Nicolas Sarkozy ? Voire !

On peut tourner le problème dans tous les sens, égrener les scenarii, envisager le meilleur comme le pire, s’essayer à la politique-fiction, rien n’y fait : son nom revient systématiquement dès qu’il s’agit d’évoquer le(s) favori(s) de la présidentielle française de 2017.

Nicolas Sarkozy, le 24 mars 2015,  à Asnières (France). © Thibault Camus/AP/SIPA

Nicolas Sarkozy, le 24 mars 2015, à Asnières (France). © Thibault Camus/AP/SIPA

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 10 octobre 2016 Lecture : 4 minutes.

Je veux parler de Nicolas Sarkozy, qui, à écouter les différents oracles qui sévissent sur les plateaux télé ou dans les colonnes de la presse française, ne peut que l’emporter. Hollande fait du rase-mottes, et l’on ne voit guère d’où pourrait provenir le salutaire sursaut pour l’homme politique le plus impopulaire de France.

« Le diable s’habille en Marine » Le Pen ? Probablement au second tour, mais forcément battue par le candidat qui l’affrontera. Juppé, l’homme qui pourrait mettre tout le monde d’accord ? C’est au niveau de la primaire de la droite, malgré les sondages, que le bât blesse : « Sarko » est maître de l’appareil et des militants « pure souche ».

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Au suffrage universel, Alain Juppé l’emporterait (aujourd’hui), mais, à la primaire, c’est une autre affaire, et rares sont les haruspices qui l’imaginent damer le pion au Zébulon national sur un ring où ce dernier maîtrise tout, les ficelles, les cordes, les arbitres et les spectateurs. La messe est dite ? Voire.

L’ex-président n’a jamais été épargné par la presse – people du temps de ses errements amoureux, ou « sérieuse » quand il s’agit d’évoquer l’homme politique. Bien que, chez lui, les deux se confondent allègrement. Pas plus qu’il n’a été ménagé par les juges : Clearstream, Bettencourt, Kadhafi, Bygmalion, « Bismuth », Tapie… N’en jetez plus, son patronyme est associé à une myriade de dossiers troubles.

Mais, là, ça s’emballe. Ses grands flics – celui qui dirigeait les services de renseignements comme celui qui officiait à la police judiciaire, des proches évidemment – sont accusés d’avoir mis les réseaux et les moyens de l’État au service d’intérêts privés. Ses amis Patrick Balkany et Claude Guéant sont empêtrés dans des affaires où ils peinent à expliquer comment de telles sommes ou de tels biens (argent liquide, virements, villas, riads, etc.) ont pu atterrir entre leurs mains.

Ses anciens fidèles, ou affidés, Jean-François Copé comme Patrick Buisson, entre autres, déversent leur fiel à satiété. Notamment le dernier cité, qui vient de publier un livre dans lequel il décrit son ancien patron comme un quasi-psychopathe superficiel, égocentrique, cynique et sans cervelle. Heureusement pour nous, il n’a pas abordé le champ de sa libido.

Si le soupçon demeure, Nicolas Sarkozy reste donc, présomption d’innocence oblige, blanc comme neige.

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Bref, ça sent le sapin, même si l’animal en a vu d’autres, s’en est toujours sorti et peut, souvent à juste titre, mettre sur le compte de la jalousie ou de la soif de revanche les amabilités ou les persécutions dont il est l’objet de la part de ceux qui étaient à ses côtés.

De même peut-on comprendre les arguments de sa défense : le pouvoir en place veut sa peau et met tout en œuvre pour la pendre à un croc de boucher… Dans tous les dossiers évoqués, aucune preuve ne vient démontrer sa culpabilité. Si le soupçon demeure, Nicolas Sarkozy reste donc, présomption d’innocence oblige, blanc comme neige.

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Là où cela se complique, c’est avec le feuilleton Kadhafi, où il est soupçonné d’avoir reçu, en 2007, pour sa campagne présidentielle, de fortes sommes d’argent de la part du satrape de Tripoli. Au début, il ne s’agissait que d’accusations proférées essentiellement par Seif el-Islam – le fils préféré du « Guide », qui, certainement interloqué par les bombes qui pleuvaient sur ses palais grâce à l’ex-ami Nicolas, n’avait pu retenir un « je ne comprends pas Sarkozy, après tout l’argent qu’on lui a donné ».

Puis d’autres responsables libyens, dont un ex-Premier ministre, confirmèrent. De même qu’un certain Ziad Takieddine, intermédiaire jadis en cour auprès de l’ancien maire de Neuilly-sur-Seine, avant d’être rattrapé par la justice. Mais bon, après tout, on pouvait mettre cela sur le compte de l’acrimonie.

Kadhafi a été lui-même liquidé comme un rat dans un tunnel d’égout avant de pouvoir dire quoi que ce soit. Celui qui savait tout des frasques de son chef, et surtout de ses valises de billets, Bachir Saleh, lui, n’a jamais parlé. Soyons honnêtes, le bonhomme avait été exfiltré vers la France au plus fort de la déconfiture du régime de Kadhafi sur ordre de Guéant (lui-même mis en examen après un virement de 500 000 euros qu’il peine à justifier), alors qu’il était recherché par Interpol.

Puis mis à l’abri quelque part en Afrique (il est aujourd’hui en Afrique du Sud) par le patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini. Peu probable qu’il balance. Ce n’est pas fini. Ce haletant thriller digne de John Le Carré (ou de Gérard de Villiers, c’est selon) rebondit aujourd’hui avec la découverte d’un petit carnet qui aurait appartenu à Chokri Ghanem.

Cet ancien ministre du Pétrole de la Jamahiriya y consignait beaucoup de choses. Dont des comptes rendus de réunions où certains de ses collègues auraient évoqué les sommes transférées au futur locataire de l’Élysée. Lui non plus ne parlera pas : il a été retrouvé opportunément noyé dans le Danube, à Vienne, où il s’était réfugié. Décidément…

Hollande a été élu parce que les Français ne supportaient plus Sarkozy, ce dernier pourrait l’être parce qu’ils ne veulent plus de Hollande

Alors, oui, Hollande est fini. Et on ne voit personne à gauche pour le remplacer. Oui, le « probablement meilleur d’entre nous », comme disait Jacques Chirac à propos de Juppé, malgré des qualités hors norme qui auraient dû l’imposer comme la solution évidente pour les Français, devra batailler ferme pour faire oublier son âge, son « passif » judiciaire, son supposé manque d’affabilité, son côté trop sérieux, pas « sexy ».

Le Maire et consorts ? Pas (encore) au niveau. Reste donc Sarkozy, qui pourrait rejouer la revanche de 2012, dans des rôles inversés : Hollande a été élu parce que les Français ne supportaient plus Sarkozy, ce dernier pourrait l’être parce qu’ils ne veulent plus de Hollande. Mais avec tout ce qu’il traîne dans son sillage, même si, rappelons-le, rien n’est encore établi, et tout ce qui lui pend au nez, ce serait vraiment inouï. Le soufre finit toujours par s’embraser.

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