Reportage — Le fonds Livelihoods investit dans l’agriculture durable au Kenya
Après le Sénégal et le Burkina Faso, le fonds Livelihoods, détenu entre autres par Danone, Schneider et Hermès, lance un projet laitier et agroforestier doté de 3,5 millions d’euros qui cible à terme 30 000 éleveurs au Kenya. Un système innovant qui allie agriculture durable et retour sur investissement via la génération de crédits carbone.
Au Mont Elgon, à la frontière entre le Kenya et l’Ouganda, le fonds Livelihoods Carbon Fund, lancé en 2011 avec une dotation de 40 millions d’euros, illustre comment les multinationales comptent soutenir une agriculture durable tout en attendant un retour sur investissement.
Les partenaires, parmi lesquels Danone, Schneider et Hermès, ont placé 3,5 millions d’euros dans cette initiative officiellement lancée le 11 octobre. Principalement axée sur des formations dispensées par l’ONG suédoise Vi Agroforestry, elle vise à permettre aux éleveurs du Mont Elgon de multiplier par trois le rendement de leurs vaches laitières, de trois litres par jour aujourd’hui en moyenne à plus de 10 litres, et donc d’améliorer leur niveau de vie.
Cette formation repose d’abord sur une meilleure alimentation du bétail. Elle leur enseigne également comment produire sur leur terrain, souvent restreint, les aliments et engrais nécessaires à leurs bêtes.
Amélioration des conditions de vie
Dans le souci de diversifier les revenus, les fermiers sont également encouragés à produire des cultures de rente. À l’image de Margaret Machanga qui a planté, dans sa ferme de moins d’un hectare, du café, des piments ou encore des haricots, dont les sous-produits sont en partie utilisés pour nourrir les vaches.
« Depuis que j’ai commencé ce programme il y a six mois, mes conditions de vie se sont améliorées, et, avec, une partie des revenus supplémentaires je rémunère mes voisins pour venir m’aider », témoigne cette femme qui, avec son mari, fait vivre 12 personnes.
Surtout, le programme Livelihoods a offert à Margaret Machanga et aux 6000 autres éleveurs qui ont déjà intégré le programme, sur un objectif à terme de 30 000 éleveurs, une visibilité sur leurs revenus laitiers. Le géant kényan Brookside Dairy, qui s’approvisionne uniquement en lait de collecte auprès de quelque 200 000 éleveurs, s’est engagé à acheter la production des éleveurs sur les dix prochaines années.
« Notre responsabilité en tant que leader au Kenya est de nous assurer que chaque goutte de lait trouve un débouché », a souligné le responsable de l’approvisionnement du groupe, John Gethi, lors d’une cérémonie officielle, organisée en présence des PDG de Danone, Emmanuel Faber, et de Brookside, Muhoho Kenyatta.
Avec 40% de parts de marché, le groupe laitier, l’un des trois leaders du continent, connaît une croissance soutenue qui fait de l’approvisionnement — en termes de régularité, de quantité et de qualité — l’un des principaux enjeux de son développement.
Dans ce projet, la collecte est effectuée auprès d’une quinzaine de coopératives partenaires, elles-mêmes chargées de récupérer le lait de leurs membres, qui vont à terme voir leurs effectifs et leurs volumes grossir. Un développement qui leur permettra, espèrent-elles, de mieux peser sur la fixation des prix proposés par Brookside.
Crédit carbone
Comment ce système va-t-il garantir le retour sur investissement espéré par le fonds Livelihoods ? La rémunération de ses actionnaires passera principalement par la valorisation des pratiques agricoles durables enseignées aux agriculteurs : roulement des cultures et plantations d’arbres vont générer des crédits carbone.
« Nous attendons environ un million de tonnes de crédit carbone issus de cette initiative, explique Bernard Giraud, président de Livelihoods. Ces crédits seront restitués aux entreprises membres du fonds, proportionnellement à leur participation. Elles pourront en fonction de leurs besoins soit les utiliser, ce qui leur évite de les acheter, soit les revendre [sur les marchés internationaux, ndlr] ».
Par ailleurs, Brookside va reverser aux actionnaires du fonds une redevance sur le lait collecté, représentant une deuxième source, moins importante, de rémunération. En l’état actuel du marché du carbone, déprécié de longue date, le retour sur investissement est espéré d’ici dix ans. « C’est déjà beaucoup plus rapide que certains investissements dans le secteur forestier, où il faut attendre une vingtaine d’années », poursuit Bernard Giraud.
Un deuxième fonds, Livelihoods 3F, lancé en 2015 à nouveau par Danone avec le concours de Mars et Veolia, vise désormais à développer des modèles similaires dans d’autres pays d’Afrique, où l’agriculture familiale reste prédominante dans le secteur, avec des investissements à venir prévus en Côte d’Ivoire et à Madagascar.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan