Rwanda : le chanteur Corneille accuse des soldats du FPR d’avoir tué sa famille

Dans son autobiographie parue la semaine dernière, le chanteur revient sur son enfance rwandaise, marquée par le génocide de 1994 et l’assassinat de sa famille. Pour la première fois, il accuse expressément les forces du Front patriotique rwandais (FPR) d’en être les auteurs.

Corneille, en 2012, à Cannes. © Lionel Cironneau/AP/SIPA

Corneille, en 2012, à Cannes. © Lionel Cironneau/AP/SIPA

Publié le 14 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

C’est un souvenir aussi lointain que vivace pour Cornelius Nyungura, plus connu sous le nom de Corneille. Un souvenir que le chanteur canado-rwandais avait déjà évoqué lors de plusieurs entretiens, dont un accordé à Jeune Afrique en novembre 2013. Celui de la mort de sa famille, assassinée sous ses yeux cette nuit du 15 avril 1994 à Kigali, en plein génocide.

Dans cette interview, Corneille avait abordé le sujet sans plus s’étendre, affirmant « ne pas savoir », et surtout « ne pas vouloir savoir » qui était à l’origine de cette exaction à laquelle il a assisté quand il avait 17 ans. Répression des forces génocidaires proches du régime ou crime commis par le Front patriotique rwandais ? La réponse semblait importer peu à Corneille, artiste à l’identité complexe, né en Allemagne d’un père tutsi et d’une mère hutu, qui a passé son adolescence au Rwanda avant de prendre la nationalité canadienne.

Mes bourreaux sont des sbires du FPR tutsi qui se sont faits passer pour des hutus

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Aujourd’hui, le chanteur de 39 ans se dévoile un peu plus sur cette partie de sa vie, deux décennies après les événements. Dans son autobiographie, Là où le soleil disparaît, parue le 6 octobre en France, Corneille est revenu plus en détail sur cet épisode douloureux. Et accuse expressément le FPR d’avoir exécuté sa famille. Dans son livre, le chanteur raconte ses souvenirs avec précision.

Un soir d’avril 1994, des coups de feu retentissent en face de sa maison. Corneille et sa famille passent la nuit prudemment calfeutrés chez eux. Le lendemain, son père s’aventure néanmoins chez les voisins, pour voir s’il peut porter secours à de potentiels survivants. « Dix minutes plus tard, mon père ressortit, le sourire, effacé, les yeux hagards, un petit garçon dans les bras « , écrit Corneille. Un enfant tutsi, dont la famille a été massacrée par les forces du régime.

Quelques jours plus tard, le 15 avril précisément, des soldats font irruption en pleine nuit chez ses parents et les interrogent, menaçants : « Cachez-vous des inyenzi (cafards en kinyarwanda, le terme utilisé pour désigner les tutsis) ? » Convaincu que ces hommes armés sont des hutus, son père ment avec aplomb : « Nous ne cachons pas de cafards ici. Bien au contraire, nous sommes de fidèles partisans du régime Habyarimana. »

Les souvenirs et les mots lui sont revenus « d’un coup »

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Le massacre qui s’ensuit ne laisse aucun doute à Corneille, qui écrit : « Mes bourreaux sont des sbires du FPR tutsi qui se sont faits passer pour des hutus. » La famille du chanteur aurait donc été victime d’un crime de guerre perpétré par les forces armées du FPR, et non du génocide organisé par le pouvoir hutu. Pour arriver à reconstituer ces jours si marquants avec un tel niveau de détail, Corneille, qui longtemps a assuré n’avoir que très peu de souvenirs des événements, a affirmé avoir travaillé sur lui et sur ce livre « pendant cinq ans », dans un reportage de France 2.

« Plus j’ap­pro­chais de ce passage, plus je ralen­tis­sais », avance le chanteur, qui justifie cette démarche : « D’un côté, j’avais un besoin impé­ra­tif de me libé­rer ; de l’autre, il fallait que je me confronte à la réalité terri­fiante de ce que j’avais vécu. Tout était enfermé à double tour dans ma tête et, dès qu’une porte s’ou­vrait, j’en décou­vrais une autre. Je voulais retrou­ver les sensa­tions, la douleur, et même avoir mal, pour être à la hauteur de ce qui s’était passé. » Il affirme que les souvenirs et les mots pour évoquer cette nuit macabre lui sont venus « d’un coup », au restaurant, en attendant un ami.  

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Toujours est-il que le traumatisme de la mort de sa famille reste irrémédiablement ancré en Corneille. Lui qui affirmait en 2013 vouloir un jour retourner à Kigali a reconnu récemment dans une interview sur TF1 : « J’ai encore une peur irrationnelle d’aller au Rwanda. »


Corneille, Là où le soleil disparaît, XO, 330 p.

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