Mauritanie : un homme condamné à mort pour apostasie
Une organisation anti-esclavagiste de Mauritanie a appelé vendredi à gracier un jeune condamné à mort pour apostasie dans ce pays, regrettant « un procès expéditif mené sous la pression d’une opinion publique » encouragée par « des groupuscules d’obscurantistes ».
Dans un communiqué transmis à l’AFP à Nouakchott, l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) "condamne avec vigueur, et ce quels qu’en soient les motifs, le recours à la peine de mort et exhorte ceux qui pourraient avoir de l’influence sur le président" mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz "à lui demander d’user de son pouvoir pour gracier" le condamné à mort.
Mercredi soir, un tribunal de Nouadhibou (nord-ouest) a condamné à mort Mohamed Cheikh Ould Mohamed, 29 ans, musulman, inculpé d’apostasie après un écrit considéré comme blasphématoire et comme portant atteinte au prophète Mahomet.
Pendant son procès, qui s’était ouvert la veille, l’accusé a plaidé non coupable et expliqué qu’il n’avait pas l’intention de critiquer le prophète, mais de défendre une composante sociale "mal considérée et maltraitée", la caste des forgerons dont il est lui-même issu.
La cour a rappelé qu’il a été inculpé d’apostasie "pour avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet et enfreint aux ordres divins" dans un article publié brièvement sur des sites Internet mauritaniens, texte dénoncé par des organisations islamiques comme contestant des décisions prises par le prophète et ses compagnons durant les guerres saintes.
Le verdict a été rendu "au bout d’un procès expéditif mené sous la pression d’une opinion publique chauffée à blanc par des groupuscules d’obscurantistes (…) alliés à des réseaux de féodalités religieuses", estime l’IRA.
"Cette condamnation à la peine capitale intervient après plus d’un an de détention provisoire" de l’accusé, qui a été arrêté le 2 janvier, souligne-t-elle, exprimant sa "stupeur" et sa "grande tristesse" face au jugement. L’ONG rappelle que Mohamed Cheikh Ould Mohamed – également identifié comme Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir – "s’était repenti de toute offense au prophète".
"Ce repentir aurait dû faire tomber toute condamnation pour apostasie ou blasphème selon la loi mauritanienne. Mais le tribunal de Nouadhibou ne semble pas avoir tenu compte de cette disposition, pas plus que des regrets exprimés en pleine séance par le condamné, préférant suivre les pulsions d’une foule d’illuminés qui accueillit avec des youyous et des explosions de joie" sa condamnation, ajoute-t-elle.
Mercredi soir, des manifestations de rues saluant le verdict ont été enregistrées à Nouadhibou et à Nouakchott, selon plusieurs sources. Et vendredi dans la capitale, après la grande prière, des centaines de personnes parties de différentes mosquées ont participé à des marches non annoncées, en se félicitant du jugement, d’après des témoins.
Dans son communiqué, l’IRA met par ailleurs en garde "contre toutes tentatives de s’appuyer sur l’hystérie collective attisée par la sentence du tribunal de Nouadhibou pour orienter ou influencer les débats lors du procès de ses dirigeants en cours à Rosso", dans le sud du pays.
Dix militants de l’IRA, dont son président Biram Ould Dah Ould Abeid, y sont jugés depuis mercredi notamment pour "appartenance à une organisation non reconnue". Les audiences ont été suspendues jeudi et doivent reprendre le 29 décembre.
Deux des prévenus comparaissent en liberté sous contrôle judiciaire, les huit autres sont détenus depuis mi-novembre à Rosso, où ils ont été arrêtés alors qu’ils menaient une campagne pour dénoncer l’esclavage en Mauritanie.
Pour les autorités, leur campagne a servi de tribune pour une "propagande raciste". Officiellement, l’esclavage est aboli depuis 1981 en Mauritanie et passible de prison depuis 2007. Cependant, la pratique perdure selon des ONG.
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