Ce jour-là : le 29 octobre 1956 débute l’expédition du canal de Suez

Au matin du 29 octobre 1956, une alliance française, britannique et israélienne attaque l’Égypte pour contrer la nationalisation du Canal de Suez par Nasser. Retour sur cette crise majeur du Maghreb.

Nasser lors de la cérémonie célébrant le départ des derniers soldats britanniques, à Port Saïd, le 18 juin 1956. © AP/SIPA

Nasser lors de la cérémonie célébrant le départ des derniers soldats britanniques, à Port Saïd, le 18 juin 1956. © AP/SIPA

Publié le 29 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Le temps est calme et sec, en ce lundi 29 octobre 1956, dans la région du Sinaï, et rien ne semble devoir perturber la soirée. Mais soudainement, vers 17h, le vrombissement de dizaines de Mystère IV et Dassault Ouragan brisent le silence du désert.

La Heyl ha’havir – la force aérienne d’Israël en partie achetée à la France – est passée à l’action. Quelques instants plus tard, à 50 kilomètres à l’est du canal s’abat une pluie de 1 600 commandos-parachutes du 890e bataillon de l’armée israélienne qui s’attaquent au col de Mitla.

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Simultanément, les premiers blindés de Tsahal roulent sur la frontière et s’enfoncent dans tout le désert du Sinaï égyptien, du Nord au Sud. L’Égypte du raïs est surprise par cette attaque, et si l’état-major envoi des troupes à l’Est du canal en fin de soirée, l’armée de l’État hébreu progresse vite lors de cette agression qualifiée de « lâche » par Le Caire.

L’État d’Israël vient de lancer « l’opération Qadesh » sur l’Égypte et sur Gaza, qui n’est que la première partie d’un plan d’attaque israélo-franco-britannique plus vaste et sophistiqué. L’objectif de cette agression tripartite : reprendre la possession du canal de Suez, nationalisé par Nasser quelques mois plus tôt, le 26 juillet 1956.

« Israël ne fera rien, la France ne fera rien, les États-Unis ne feront rien »

À cette date, Nasser estime la possibilité d’une action britannique à deux mois. Aussi, il ne pense pas que Londres s’alliera avec l’État hébreu, et encore moins avec la France – « trop occupée en Algérie pour participer » à cette offensive contre l’Égypte, selon le raïs.

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Mais le 24 octobre, une alliance anglo-franco-israélienne est signée en secret. Un plan d’attaque est défini et approuvé dans ce qui restera pour l’histoire le « protocole de Sèvres », petite ville de la banlieue de Paris. Ce dernier prévoit l’invasion du Sinaï par Israël le 29, puis l’envoi d’un ultimatum franco-britannique au cessez-le-feu le lendemain. Et, sous prétexte de vouloir pacifier la zone, Français et Anglais prévoient d’occuper la zone du canal. Une manœuvre qui vise à dissimuler la bonne vieille politique de domination coloniale dite « de la canonnière », mais qui fera long feu.

Tiersmondisme contre colonialisme

Pour Nasser, la nationalisation du canal de Suez visait à recouvrer une « propriété de l’Égypte », mais aussi à financer la construction du barrage d’Assouan. Ce dernier – très onéreux – avait vu les États-Unis et la Couronne britannique retirer leurs accords de prêt suite à la signature par l’Égypte d’un contrat d’armement avec la Tchécoslovaquie.

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Cette nationalisation lèse bien sûr les deux pays à qui appartiennent la majorité des capitaux du CUCMS (Compagnie universelle du canal maritime de Suez) : la France et la Grande-Bretagne. Si les deux puissances souhaitent retrouver « leur » bien, Paris souhaite également mettre à mal le régime du raïs, soutien des militants du FLN.

L’URSS puis les États-Unis menacent Paris et Londres d’une intervention, et devant la pression des deux grands, un cessez-le-feu est vite conclu, le 6 novembre

Comme convenu dans l’accord de Sèvres, Israël attaque donc l’Égypte le 29 octobre, puis se retire suite à l’ultimatum commun de Paris et de Londres le 30. Après que Nasser a rejeté cette fausse solution imposée par les Européens, le couple franco-britannique commence à détruire l’aviation égyptienne, le 31. Nasser en appelle alors à l’ONU, et le 1er novembre une résolution est adoptée en sa faveur. Mais en raison des vétos anglais et français, elle ne peut être appliquée.

Le raïs fait alors appel à la solidarité arabe, et ordonne le rapatriement des avions basés dans des pays « amis » (Arabie Saoudite, RAU). Suite à l’avancée des troupes israéliennes et à l’envoi, les 5 et 6 novembre, de parachutistes européens, la pression internationale se fait plus forte sur les agresseurs. L’URSS puis les États-Unis les menacent d’une intervention, et devant la pression des deux grands, un cessez-le-feu est vite conclu, le 6 novembre.

Une défaite militaire transformée en victoire politique

Dès le lendemain, l’ONU vote la résolution n°377, qui décide l’envoi d’une Force d’urgence des Nations unies (FUNU) – la première confiée aux Casques bleus dans la région du canal et le long de la frontière israélo-égyptienne.

Si ce conflit marque l’affirmation des deux superpuissances, cette issue voit surtout Nasser et le Tiers-monde se sortir d’un complot fomenté par les deux grands empires coloniaux en déclin, sur fond de guerre froide. Cette humiliation diplomatique franco-britannique affirme également Nasser comme LA figure majeure du Monde arabe. Rôle qu’il incarnera jusqu’à sa mort le 28 septembre 1970.

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