Cinéma : les Marocains privés de « Exodus : Gods and Kings »
Le film « Exodus : Gods and Kings », qui raconte l’histoire de Moïse, a été déprogrammé à la dernière minute au Maroc. La polémique enfle en l’absence d’une justification officielle.
Attention spoiler (l’article dévoile des moments du film).
La censure dont fait l’objet la fresque biblique du réalisateur Ridley Scott au Maroc n’a pas fini de susciter l’indignation. Arbitraire, ubuesque, absurde… les exploitants de salles de cinéma ne décolèrent pas contre cette interdiction qui n’a été justifiée par aucun communiqué officiel.
Le 24 décembre, les exploitants ont reçu un ordre oral du Centre cinématographique marocain (CCM), autorité publique chargée de valider les projections de films, pour déprogrammer ce long métrage qu’ils avaient commencé à projeter ce jour-là. "Les agents du CCM m’ont menacé de sanctions si je ne retirais pas le film, notamment la fermeture de ma salle et le paiement d’amendes. J’ai résisté jusqu’à hier et j’ai fini par céder", témoigne, jeudi, Hassan Belcady, exploitant du cinéma Rif à Casablanca, qui projette quand même d’organiser une conférence de presse "afin de porter cette censure qui ne dit pas son nom au débat public".
Bande annonce du film "Exodus : Gods and Kings".
Paniqués, d’autres exploitants ont dû retirer le film sous la pression des ordres formulés oralement et de délégations d’agents du CCM, venus les obliger à s’exécuter. Pour l’instant, seul le cinéma Colisée à Marrakech, également distributeur du film au Maroc via la société Marrakech spectacles, semble encore résister. Il a décidé de maintenir la projection en l’absence d’un ordre écrit.
La direction du CCM, injoignable toute la matinée, a promis de sortir un communiqué sur cette interdiction. "Mais nous attendons toujours !", souligne Hassan Belcady. En réalité, les autorités cinématographiques marocaines sont dans l’embarras car le film a déjà reçu un visa d’exploitation, signifiant l’autorisation de sa projection en salle (Visa numéro 132/2014). Toute interdiction formalisée par un communiqué signifierait une réelle marche en arrière et susciterait l’incompréhension.
>> Lire aussi : Cinéma : "Run", première fiction sur la crise en Côte d’Ivoire
Le CCM semble avoir été pris de court par la polémique d’ordre religieux déclenchée par le film dans les pays arabes – il a déjà été interdit en Égypte, selon la BBC – et précisément par la remise en cause du miracle de Moïse qui a séparé la mer rouge en deux avec son bâton. Le réalisateur a souhaité interpréter cette scène comme un phénomène naturel et non comme un miracle divin. À cela pourrait s’ajouter, la représentation des prophètes qui n’est pas vraiment tolérée dans les pays arabes.
Cette censure pourrait porter atteinte aux efforts du Maroc pour attirer les équipes de tournage des blockbusters.
La super production de Ridley Scott est également au centre des débats aux États-Unis, mais pour d’autres raisons : les acteurs incarnant l’Hébreux Moïse et le pharaon égyptien sont tous les deux blancs.
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