Avec le départ de l’armée française, la Centrafrique peut-elle sombrer dans l’abîme ?

L’opération militaire française en Centrafrique, Sangaris, prend fin officiellement ce dimanche, avec le déplacement à Bangui du ministre de la Défense Jean-Yves le Drian. Dans la capitale centrafricaine, ils sont nombreux à craindre les conséquences de ce départ.

Des soldats français de l’opération Sangaris s’adressant au ministre Jean-Yves Le Drian. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Des soldats français de l’opération Sangaris s’adressant au ministre Jean-Yves Le Drian. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

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Publié le 28 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Un repli longtemps différé

Définitivement officialisé avec le déplacement du ministre français de la Défense, Jean-Yves le Drian, les 30 et 31 octobre, le départ des soldats de l’opération Sangaris, déclenchée en décembre 2013 après des massacres de civils à Bangui, était prévu depuis de longs mois. Il a été plusieurs fois différé à cause de l’évolution de la situation sur le terrain et les reports successifs des élections présidentielle et législatives. Entre 300 et 350 hommes, équipés de drones d’observation, demeureront dans la capitale centrafricaine. Cet effectif comprend les troupes affectées à la Minusca et à la mission EUTM-RCA.

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La France conservera « une capacité d’intervention militaire sur court préavis », précise-t-on à la Présidence. « Ce contingent pourra être mobilisé à la demande du gouvernement centrafricain, en cas de menace sérieuse contre la paix ou les institutions du pays ».

Une situation sécuritaire instable

L’amélioration de la situation sécuritaire après l’élection du Président Faustin-Archange Touadéra aura duré quelques mois. C’est d’abord à Bangui que la violence s’est exprimée après l’assassinat le 4 octobre 2016 du commandant Marcel Mombéka, ancien garde du corps de Catherine Samba-Panza. Une semaine plus tard, Kaga Bandoro sombre dans le chaos. Les premiers échauffourées surviennent après le démantèlement de deux barrages – un appartenant aux anti-balaka, l’autre à l’ex-Séléka -. Des maisons sont brûlées, des manifestations contre la Minusca organisées.

Le 11 octobre, des membres du MPC (une faction de l’ex-Séléka dirigée par le général Mahamat AlKhatim) tente de dérober le générateur d’une radio locale dans un camp de réfugiés. Ils rencontrent une forte résistance et l’un deux meurt après avoir reçu un coup de hache en pleine tête. Le lendemain, la ville est mise à sac. Il y a des accrochages avec la Minusca, des braquages, des ONG visées et au moins 37 morts. La ville est désormais coupée en deux. Trois jours plus tard, treize personnes sont tuées dont un enfant, et une dizaine d’autres blessées, dans l’attaque d’un camp de réfugiés dans la localité de Ngakobo proche de la ville de Bambari.

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Enfin, une journée ville morte était organisée lundi 24 octobre à Bangui, à l’appel du groupe de travail de la société civile, pour demander le départ de la mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) a dégénéré. Au moins quatre personnes ont été tuées.

La Minusca critiquée

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Seule force d’interposition après la fin de l’opération Sangaris, la mission de l’ONU et ses 12 000 hommes, est sous le feu des critiques. La population et le gouvernement leur reprochent leur attentisme, les groupes armés leur parti pris. Le comportement de certains contingents inquiètent jusqu’au siège de l’ONU, à New York.

Lors des manifestations qui ont accompagnées la journée ville morte du 24 octobre à Bangui, la Minusca a été accusées par la société civile d’avoir tiré sur la foule. Des accusations démenties par l’ONU. De fait, les patrouilles de l’ONU ont bien été prises pour cibles – caillassages et tirs – alors qu’elles tentaient d’enlever les barricades, avant de répliquer à balles réelles. Cinq Casques bleus ont d’ailleurs été blessés.

Pour certains observateurs, les difficultés de la Minusca sont utilisées dans le but de déstabiliser le pays. Si l’appel à la journée ville morte se voulait pacifique, il semble que certaines personnalités politico-militaires aient profité de la situation. « Des jeunes armés placés en retrait derrière les barricades ont provoqué la Minusca pour la forcer à riposter », explique une source sécuritaire française qui pointe du doigt le rôle de leaders anti-balaka.

« Il y a aussi beaucoup d’instrumentalisation », nuance-t-elle. « La Minusca sera toujours visée par des critiques, car il faut un bouc émissaires. C’est une opération de maintien de la paix qui n’est pas là pour faire la guerre et réconcilier les communautés. Ça, c’est le rôle des autorités. »

Un régime fragilisé

L’état de grâce qui a suivi l’élection de Touadéra est désormais terminé. Beaucoup à Bangui, comme au sein de la communauté internationale, doutent de sa capacité à restaurer une paix durable. « Il n’y arrive pas. Il semble à bout de force », estime un fin connaisseur du pays. Une autre source proche des cercles du pouvoir évoque « un amateurisme écœurant ». Plus que le chef de l’État lui-même, c’est le travail de certains membres du gouvernement et de son cabinet qui est pointé du doigt. « Ils ne sont pas au niveau ! », juge un habitué des arcanes du pouvoir à Bangui. Seront-ils à-même de mener un processus DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion) de plus en plus menacé ?

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