Égypte : coup de filet sur les gays

Depuis plusieurs mois, la répression envers la communauté gay en Égypte est de plus en plus palpable. Dans un pays où 95% de la population considère l’homosexualité comme « immorale », journalistes et policiers zélés traquent surtout les jeunes hommes, s’adonnant à « la débauche ». Jenna Le Bras, au Caire.

Images de l’arrestations des hommes accusés de débauche. © Capture d’écran Youtube

Images de l’arrestations des hommes accusés de débauche. © Capture d’écran Youtube

Publié le 26 décembre 2014 Lecture : 2 minutes.

L’atmosphère est moite. Dans la pénombre bleutée, on distingue quelques corps, des hommes, à moitiés nus. Ce sont des images réalisées par une journaliste qui tournent en boucle sur les chaînes de télévision égyptiennes. Jusque là, rien d’étonnant, la scène se déroule dans un hammam du quartier Ramsès, dans le centre-ville du Caire.

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Le 7 décembre dernier, pour le compte de son émission " Ce qu’on nous cache" diffusée sur la chaine privée pro-gouvernementale Al Kahera Wal Nas, une équipe de télévision a assisté à l’arrestation de 33 hommes venus prendre des bains. Une descente de police que la journaliste vedette, pas peu fière d’elle, affirme avoir initiée.

Mona Iraqi, journaliste zélée a affirmé vouloir montrer au public "les causes de la propagation du virus du sida" en infiltrant en caméra cachée un jeune homme dans "ce nid de débauche", selon ses termes : un "hammam gay" où des hommes sont suspectés d’avoir des relations homosexuelles.

L’informateur revient avec des images ambigües, le petit groupe en informe les autorités et met en scène une "descente en direct" à la télévision. Seule petite déception pour la jeune femme, le programme qui devait initialement être diffusé le 1er décembre, journée mondiale contre le sida a été repoussé, les mandats d’arrestation étant arrivés trop tard.

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Retour en force de la répression

L’affaire a provoqué un tollé et l’écœurement de nombreux professionnels de l’information et des défenseurs des droits des homosexuels. Pourtant, à l’abri des caméras de télévisions, ces scènes se multiplient. Depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi par l’armée et l’arrivée au pouvoir de l’ex-maréchal Al-Sissi, les associations de défense des droits LGBT parlent d’un "retour en force de la répression contre les homosexuels".

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"Depuis juillet 2013, on peut compter au moins 150 arrestations pour des motifs d’orientation sexuelle", rappelle Scott Long, fondateur de la branche LGBT de Human Right Watch, basée en Égypte. "Les autorités égyptiennes ont à plusieurs reprises arrêté, torturé et détenu des hommes soupçonnés de conduite homosexuelle", affirme même le militant, qui reconnaît que ceux qui le peuvent sont de plus en plus nombreux à quitter le pays désormais.

"Cet incident est dans la continuité de la campagne de sécurité vicieuse lancée par l’État, réalisée par la police des moeurs, contre les homosexuels et les transsexuels", dénonce de son côté  la Fondation arabe pour les libertés et l’égalité, qui parle de l’incident le plus grave depuis l’affaire du QueenBoat en 2001, durant laquelle une poignée de jeunes hommes avaient été emprisonnée pour avoir participé à une soirée "gay-friendy". 

En Égypte, l’homosexualité n’est pas interdite par la loi, mais la "débauche" l’est et c’est avec ce chef d’accusation que les victimes de ces rafles comparaissent au tribunal. S’ils sont reconnus coupables, les hommes arrêtés dans le hammam risquent de lourdes peines de prison. En novembre dernier, deux amis ont été condamnés à trois ans de prison ferme pour avoir mis en scène un mariage gay lors d’une blague.

 

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