Tunisie : absentéisme, lois adoptées, visites de terrain… les activités des députés passées à la loupe

Dans son rapport annuel relatif à l’activité de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), l’ONG Al Bawsala se penche sur les fonctions législative, de contrôle du gouvernement et de représentation de l’institution. Elle relève, entre autres, une forte tendance à l’absentéisme chez les députés.

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en Tunisie. © Hassene Dridi/AP/SIPA

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en Tunisie. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Publié le 21 octobre 2016 Lecture : 4 minutes.

Combien de lois ont été adoptées ? Dans quels domaines ? Les 217 députés ont-ils été plus assidus que l’année précédente ? Rien n’échappe à Al Bawsala (« la Boussole », en arabe). Fondée en 2012 pour permettre une meilleure transparence politique et veiller sur le travail législatif et exécutif, l’organisation revient sur la deuxième session ordinaire (20 octobre 2015 – 31 juillet 2016) et la session extraordinaire qui s’est tenue du 6 au 30 septembre 2016.

Elle réaffirme, à travers son second rapport rendu public le 17 octobre – jour du démarrage de la troisième session du mandat parlementaire quinquennal –, « l’importance d’évaluer l’action parlementaire et de mettre la lumière sur ses défaillances dans le but de renforcer le rôle de cette institution et de garantir son poids face aux autres pouvoirs de l’État, conformément à la Constitution. » L’occasion de faire le point depuis la création de l’Assemblée en 2014.

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Un contexte instable

Présentant le rapport, Zied Boussen, conseiller juridique de l’association, a rappelé le climat instable ayant marqué la deuxième session. L’attentat du Bardo, celui de Sousse, l’attaque contre le bus de la garde présidentielle tunisienne ou encore les assauts à Ben Guerdane ont en effet eu un effet sur le travail de l’ARP.

Le rendement des députés a également été affecté par les conflits politiques et partisans de ces derniers mois, ayant mené par exemple à la démission collective de 31 députés de Nidaa Tounes en novembre 2015. Puis d’autres démissions ont suivi, quelques dissidents ont rejoint d’autres partis, et un nouveau bloc parlementaire « Al Horra » a vu le jour. Et malgré tous ces changements, la composition des commissions, au nombre de 23, n’a pas été modifiée.

Concernant les visites des commissions spéciales sur le terrain, Al Bawsala a relevé quelques anomalies, comme le fait que la commission du développement régional n’en ait curieusement effectué aucune, ou que celle des martyrs et blessés de la révolution, de l’application de l’amnistie général et de la justice transitionnelle n’ait pas publié de rapport. Elle appelle ainsi à une plus grande présence sur le terrain pour une meilleure prise en compte des préoccupations des citoyens.

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Absentéisme et faible participation

Comme plusieurs fois auparavant, le laisser-aller des députés tunisiens (absences répétées, retards, non participation aux votes) est de nouveau pointé du doigt par Al Bawsala comme une entrave au bon fonctionnement et à l’efficacité de l’ARP.

Entre octobre 2015 et juillet 2016, le taux d’assiduité des députés aux plénières était d’environ 84%, selon le rapport, soit une baisse par rapport à la première session (87%). Le taux de leur participation au vote des projets de loi, lui, s’est situé autour de 55%. Seuls trois députés ont répondu présent à toutes les plénières, a précisé Chaïma Bouhlel, aujourd’hui présidente d’Al Bawsala, à l’agence TAP.

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Ce problème d’absentéisme avait même inspiré des vers satiriques au poète Moncef Mezghani, invité en mai 2016 sur la chaîne de télévision privée Al Hiwar Ettounsi, comparant l’assemblée des représentants du peuple à « une bouche sans langue, une paume sans doigts, des jambes sans pieds, un crime sans punition (…) » En avril, l’ONG Al Bawsala avait elle-même lancé une campagne sur les réseaux sociaux basée sur les réponses des citoyens tunisiens à la question : « Que pensez-vous des absences des députés à l’ARP? »

L’organisation précise également que les réunions ne démarrent que très rarement à l’heure, avec un retard moyen de 30 minutes souvent dû à l’absence du quorum nécessaire.

Après avoir promis, en mai 2015, de notifier toute absence sur le site électronique de l’ARP et d’envoyer un SMS à tout député absent,  le président de l’ARP Mohamed Ennaceur avait annoncé en février 2016 que « un jour d’absence c’est 100 dinars en moins sur le salaire » parlementaire. Sans trop d’effets depuis…

83 lois adoptées en deuxième session

Concernant la fonction législative de l’ARP, les députés ont adopté 83 lois lors de la deuxième session, sur un total de 151 projets et propositions de loi déposés (contre une cinquantaine lors de la première session).

Quant au contrôle gouvernemental, seules cinq sessions de dialogue avec le gouvernement ont été organisées sur les dix exigées par le règlement intérieur, a fait remarquer l’ONG. Entre février 2015 et juillet 2016, l’ARP s’est réunie trois fois pour un vote de confiance au gouvernement en place.

S’exprimant le 17 octobre en plénière inaugurale de la troisième session ordinaire parlementaire, Mohamed Ennaceur a annoncé la création d’une « académie spéciale du parlement et des députés » pour améliorer l’élaboration des projets de loi, consolider les mécanismes de contrôle de l’action gouvernementale, et encourager la communication entre les différentes composantes de l’ARP. Il a également déclaré selon l’agence TAP que des journées parlementaires consacrées à la question de » l’autoévaluation de l’action parlementaire » se tiendront prochainement, soulignant  la détermination de l’assemblée à tout mettre en œuvre pour améliorer le rendement parlementaire et l’action législative. Un discours tenu devant 193 élus… sur les 217 que compte l’ARP.

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