Paludisme : la lutte finale ?

Dès 1900, la lutte contre le paludisme semblait devoir réussir puisqu’on savait presque tout de la maladie.

Le paludisme est un parasite transmis par l’anophèle femelle. © James Gathany / AP / SIPA

Le paludisme est un parasite transmis par l’anophèle femelle. © James Gathany / AP / SIPA

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  • Edmond Bertrand

    Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académie française de médecine

Publié le 28 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Et pourtant, plus de cent ans après, il est toujours là ! Ses signes étaient déjà connus dans l’Antiquité, notamment ceux de sa forme typique : fièvre avec frissons, puis chaleur, puis sueurs. Aujourd’hui, on connaît évidemment d’autres aspects de la pathologie. À partir du XVIIIe siècle en Europe, on guérit les malades avec l’écorce de quinquina, que les Amérindiens utilisaient depuis longtemps. Dès 1820, on utilise son principe actif, la quinine. Le parasite coupable, le plasmodium, fut découvert par Laveran en 1878 ; dès lors, la recherche du parasite dans le sang permet d’affirmer le diagnostic.

Sa transmission par l’anophèle femelle (moustique dont la piqûre est indolore) a été démontrée par Manson, qui a fait piquer son fils par un moustique infecté. La prévention paraissait simple : il suffisait d’éliminer les moustiques ou d’éviter leurs piqûres. D’où la règle : « Pas piqué, pas malade. »

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Et pourtant le paludisme reste redoutable. En 2015, on lui a attribué, selon l’OMS, 214 millions de malades et 430 000 décès. L’Afrique subsaharienne paie le plus lourd tribut, avec 80 % des cas et plus de trois quarts des décès. D’une part parce que le parasite le plus fréquent, Plasmodium falciparum, est aussi le plus redoutable ; d’autre part parce que les malades n’ont pas toujours accès au traitement malgré l’augmentation importante des aides internationales accordées à la lutte contre le paludisme.

En 2015, on lui a attribué, selon l’OMS, 214 millions de malades et 430 000 décès

Pourquoi le paludisme reste-t-il aussi dangereux ? Parce que le plasmodium se défend efficacement en modifiant sa structure biologique et génétique, en mutant. Ainsi les médicaments, d’abord actifs, se heurtent peu à peu à une résistance qui débute en Extrême-Orient puis s’étend dans le monde. Cela a été le cas pour la quinine (cependant encore efficace par voie veineuse), la chloroquine, le proguanil, la méfloquine, la doxycycline, l’halofantrine.

Alors vint le miracle de la médecine traditionnelle chinoise : l’artémisinine, découverte par Tu Youyou en exécutant l’ordre de recherche secret 523 de Mao Tsé-toung. On lui doit en partie la régression de la maladie depuis l’an 2000. Mais déjà des résistances apparaissent… en Extrême-Orient.

Alors vite, vite, le vaccin ! De nombreux chercheurs sont à pied d’œuvre : plus de 30 candidats vaccins sont en phase d’évaluation. Comme toujours le parasite se défend grâce à ses mutations. Le plus avancé des vaccins, RTS, S/AS01, a été testé en Afrique sur plus de 16 000 enfants de 6 semaines à 17 mois, qui ont reçu trois doses à un mois d’intervalle. Dans l’année suivant la vaccination, 56 % des enfants de 5 à 17 mois et 31 % des bébés de 6 à 12 semaines ont été protégés contre un premier épisode de paludisme. Mais l’efficacité décroît, malgré une dose de rappel à 18 mois. Et la mortalité globale n’a pas été réduite.

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Ces résultats sont encourageants, mais l’avis favorable donné à la commercialisation de ce vaccin par l’Agence européenne du médicament peut sembler prématuré, même si celle-ci insiste pour que soient associés les autres moyens de lutte contre la maladie. Remarquons aussi que l’association, dans ce vaccin, d’un antigène de surface du virus de l’hépatite B peut créer des difficultés.

Que nous reste-t-il ? D’abord le traitement préventif chez la femme enceinte, les nourrissons et les jeunes enfants : il diminue la mortalité dans cette population à risque. Ensuite, on dispose aujourd’hui encore d’un procédé simple, peu coûteux et qui a prouvé son efficacité quand on le réalise correctement : la lutte contre les anophèles et la protection contre leurs piqûres grâce à des moustiquaires imprégnées d’insecticide non toxique. Toujours la règle : « Pas piqué, pas malade. »

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Vous voyez, on progresse, mais ce n’est pas encore la lutte finale. Quel adversaire, depuis des siècles, ce plasmodium !

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