COP22 : pour un « écoféminisme » d’urgence

Le changement climatique est un défi lancé au développement durable, avec de larges incidences sur l’environnement et sur le développement.

Une femme dans un camp pour des victimes d’attaques xénophobes, près de Johannesburg, en Afrique du Sud, le 22 avril 2015. © Denis Farrell/AP/SIPA

Une femme dans un camp pour des victimes d’attaques xénophobes, près de Johannesburg, en Afrique du Sud, le 22 avril 2015. © Denis Farrell/AP/SIPA

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  • Fathïa Bennis

    Fathïa Bennis est une chef d’entreprise marocaine, PDG de Maroclear.

Publié le 8 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

La place Jemaa-el-Fna et la mosquée de la Koutoubia, au coeur de la médina, près de laquelle se tiendra la conférence. © Studd/RHPL/Andia
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Il aggrave la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles, les migrations climatiques, les difficultés d’accès aux matières premières et touche de plein fouet les régions les plus pauvres du monde, ainsi que les catégories sociales les plus défavorisées, en premier lieu les femmes, dont il augmente la précarité en matière de sécurité alimentaire, d’accès aux soins, à l’eau, à l’énergie ou encore au logement.

Selon l’ONU, quand une catastrophe naturelle frappe une région, le risque de décès est 14 fois plus élevé pour les femmes, principalement parce qu’elles ne sont pas ciblées en priorité par les programmes d’alerte et de prévention des catastrophes. En 2004, au Japon, près de 80 % des victimes du tsunami étaient des femmes.

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Le dérèglement climatique provoque également des déplacements massifs de population, dont les femmes sont les principales victimes. Quand elles sont déplacées ou réfugiées, elles sont davantage exposées aux violences sexuelles et à la traite des êtres humains.

Les effets du dérèglement sur la fertilité des sols, sur la disponibilité des ressources en eau et donc sur la sécurité alimentaire des pays en développement exercent aussi une pression plus forte sur les femmes. Ces contraintes provoquent une surcharge de travail qui aboutit souvent à une déscolarisation des jeunes filles.

Pourtant, cette terrible injustice, c’est avec les femmes que nous pourrons l’éradiquer. Premières victimes des bouleversements climatiques, elles sont également un puissant vecteur social dans la diffusion des bonnes pratiques environnementales au quotidien.

Les femmes sont des agents importants du changement car elles ont les moyens de contribuer à l’atténuation de ses effets. Elles représentent un important levier de la mise en œuvre des politiques pour une gestion plus durable. Aujourd’hui, tous les spécialistes du développement le soulignent : un programme conçu sans prise en compte des femmes est moins efficace que le même programme planifié avec leur aide.

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Cette logique vaut aussi pour les actions de lutte contre le dérèglement climatique, où les femmes sont déjà actrices du changement. Au Rwanda, le programme mis en place par ONU Femmes depuis 2011 pour favoriser leur participation dans des coopératives a permis d’augmenter les rendements agricoles et la diffusion des techniques de production « climato-protectrices ».

Dans les négociations climatiques  la parité décisionnelle ne progresse que très lentement

Qu’il s’agisse de femmes immigrées qui deviennent « ambassadrices vertes » au Danemark ou de femmes indiennes qui créent des coopératives agricoles traditionnelles, les occasions d’agir sont démultipliées lorsque l’inégalité des sexes est prise en compte.

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Tous ces exemples plaident pour que les femmes soient placées au cœur des stratégies nationales et locales de lutte contre le dérèglement climatique, ainsi qu’au centre des négociations internationales sur ce sujet. D’une manière générale, elles ont plus de difficultés à influer sur les politiques publiques. Les négociations climatiques se font à des niveaux de gouvernance très élevés, où la parité décisionnelle ne progresse que très lentement, malgré les objectifs fixés par les politiques publiques et les Nations unies.

Pourtant, en 1992, l’un des principes de la déclaration de Rio sur l’environnement stipulait que « les femmes ont un rôle vital dans la gestion de l’environnement et le développement. Leur pleine participation est donc essentielle à la réalisation d’un développement durable. » Entre 1996 et 2010, la part des femmes dans les délégations envoyées par les pays négociateurs est passée de 20 % à 30 %. Et celle des chefs de délégation, d’à peine 12 % à 15 %.

Aujourd’hui, nous devons nous mobiliser pour lancer un écoféminisme d’urgence, avec pour objectif d’assurer la pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à tous les niveaux de la prise de décision, sur les questions d’environnement.

Il faut aussi favoriser un accès aux ressources agricoles, dont elles ne disposent pas aujourd’hui. En Afrique, 90 % de la nourriture est produite par des femmes, mais seulement 15 % d’entre elles sont propriétaires terriennes. Si les causes du changement ne sont pas abordées dans un cadre réellement fondé sur la justice des genres, alors les objectifs de développement durable ne pourront être atteints, et les inégalités qui existent aujourd’hui ne feront qu’empirer. L’avenir de l’humanité ne sera garanti que quand toutes les discriminations seront dépassées.

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